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Quelque part dans les années 70 aux USA, deux « champions » qui s’ignorent et n’ont rien en commun (sauf leur âge mûr) vont se rencontrer, et c’est dommage, parce que, sans cela, on aurait pu éviter quelques dégâts (mais le lecteur aurait moins ri).
D’un côté, nous avons Kilgore Trout, auteur de SF aussi obscur que prolifique, dont les romans sont détournés et publiés dans des revues pornos.
De l’autre, Dwayne Hoover, concessionnaire de voitures, prototype du self-made-man et du rêve américain, dont le cerveau disjoncte lentement mais sûrement.
A ces deux spécimens, il faut ajouter le narrateur Philboyd Studge (double fictif de Vonnegut), qui se présente comme l’auteur de l’histoire que nous allons lire, et qui ne se privera d’ailleurs pas d’intervenir à tout moment dans le récit. Il nous explique la vie sur Terre (et singulièrement aux Etats-Unis) comme si nous étions des Martiens, à coup de petits dessins enfantins. C’est aussi lui qui nous annonce dès le départ que Trout et Hoover vont se rencontrer dans un festival d’art, au cours duquel le premier va offrir l’un de ses romans au second, lequel va se transformer en sombre brute après lecture.
« Le petit déjeuner des champions » est un portrait féroce de l’Amérique de l’époque, de ses névroses et de ses travers. Tout y passe : le Vietnam, les armes à feu, les fast-foods, le puritanisme hypocrite, l’obsession pour le sexe, le racisme, l’égoïsme, l’individualisme et la solitude, l’écologie, la religion, l’hyper-consommation (eh oui, déjà).
J’ai rarement lu un bouquin aussi déjanté et schizophrénique (où le narrateur est à la fois personnage et auteur de l’histoire avec droit de vie et de mort sur les protagonistes). Un roman totalement délirant où Vonnegut flingue à tout va la société américaine, en visant plutôt juste. C’est jouissif et drôle, mais on rit un peu jaune en se disant que, 50 ans plus tard, peu de choses ont changé…
L'auteur présente les américains comme des pirates cruels et avides, venus, en 1492, piller des terres et réduire leurs habitants en esclavage. En réalité, Kurt Vonnegut revisite vite fait l'histoire de l'humanité à sa sauce, et c'est drôle bien que tragique au fond. Mais rapidement on se retrouve dans une histoire futuriste loufoque, de soif de l'or et de petites culottes. Car un des héros du roman, Kilgore Trout est auteur de science fiction, et un peu à la masse. D'ailleurs, ses romans sont illustrés d'images pornographiques n'ayant rien à voir avec le texte. Loufoque, oui, oui. Comme ces extraterrestres-voitures, où ceux qui font des claquettes en pétant et des humanoïdes qui se nourrissent d'aliments à base de pétrole et de charbon…
En fait, plus on avance dans l'histoire, plus le sentiment que Kurt Vonnegut se paie la tête de l'Amérique est prégnante. Il se moque de la façon dont elle tourne (pas rond). Car au fond, bien que ça paraisse complètement farfelu, ça dit beaucoup de choses de l'humanité. J'y ai même trouvé une résonance avec ce qui arrive chez nous en ce moment, à savoir se laisser enlever son libre arbitre, accepter d'être dominé par quelqu'un de mauvais en échange de sa protection pour avoir un sentiment de sécurité.
Le narrateur nous explique tout, comme si on était stupides ou ignares et ça m'a beaucoup amusée : "Le Vietnam était un pays dans lequel l'Amérique essayait d'empêcher la population d'être communiste en lui larguant diverses choses de ses avions. Les produits chimiques auxquels le conducteur faisait allusion servaient à détruire tout le feuillage, afin qu'il soit plus difficile pour les communistes de se cacher des avions".
Je trouve que ça met l'accent sur l'absurdité de ce que font les hommes.
Des dessins naïfs parsèment l'histoire, dans la même veine que les explications basiques destinées aux crétins que nous sommes XD.
Chaque résumé des romans de Trout ressemble à une métaphore fantasque de nos sociétés complètement à côté de la plaque, qui vénèrent le Dieu Pognon et la superficialité, oubliant complètement l'essentiel qui est la base de la survie. Car, même si c'est des USA qu'il se moque, on a tellement voulu copier ce pays de la malbouffe dans son modèle ultraconsumériste, qu'on peut largement prendre notre part dans ces critiques.
En fait je crois que j'ai lu le roman d'un roman dans un roman. Car ce roman écrit par Kurt Vonnegut qui donne la parole au narrateur qui, je crois mais je ne suis pas sûre, est Philboyd Studge donc Vonnegut lui-même qui se met un moment dans le roman et donc le créateur se retrouve au milieu de sa création, nous raconte l'histoire de Kilgore Trout qui écrit des romans. C'est vraiment une histoire de fou ! D'ailleurs l'autre personnage de l'histoire de Philboyd Studge, Dwyane Hoover, fait doucement mais sûrement l'ascension vers les sommets de la folie furieuse, à cause de la chimie de son cerveau qui laisse à désirer.
Vous l'aurez compris, ce roman très intelligent est complètement barré et d'une drôlerie qui provoque souvent le rire ! Visiblement, c'est la marque de fabrique de Vonnegut. Et alors qu'il a été écrit en 1974, il parle d'écologie et de pollution, de tous ces procédés de fabrication qui sont en train de détruire la planète. Et il y en a qui ont l'air de découvrir ça, maintenant, au XXIe siècle ou qui osent dire "on pouvait pas prévoir". Ben voyons ! Mais il parle aussi de cupidité, de concupiscence en termes souvent assez crus et très drôles, d'individualisme évidemment, de racisme parfois, d'imbécillité souvent, de taille de pénis aussi, de mensurations féminines tant qu'on y est, de violence, de désir, d'homosexualité, d'excréments de levure pour l'euphorie,
J'ai beaucoup aimé, car je crois que j'aime totalement l'esprit Kurt Vonnegut, facétieux, farfelu mais profond. Cependant j'ai trouvé par moment qu'il y avait des longueurs dont je me serais bien passée. Ça reste pourtant un excellent moment de lecture, vraiment, vraiment.
Est-ce que je m'attendais à être déstabilisée par ce roman ? Peut-être ! C'est pour ça que je voulais le lire ! Mais aussi parce qu'il y a longtemps que je veux lire Kurt Vonnegut. J'aime ce qui est inhabituel et là, on est servi. Tout d'abord, les chapitres très très courts sont au nombre de 45, pour 215 pages.
L'humour est grinçant, voire loufoque, j'ai adoré !
Howard W. Campbell Jr. attend dans sa cellule de Jérusalem d'être jugé pour crime de guerre, car connu pour avoir été le propagandiste de radio le plus zélé du régime nazi.
Américain de naissance, immigré en Allemagne durant l'enfance, il y reste à l'âge adulte, épouse une allemande et devient plus nazi que les nazis.
Mais au fond, est-ce la vérité ? Lui, prétend que non, qu'il était un agent double.
Chapitre après chapitre je me suis délectée de ce récit à l'humour caustique et de ces faux-semblants. Car tout le problème avec un agent double, un menteur ou un manipulateur, ce qui revient au même, est de savoir à quel moment il dit la vérité et quand il ment. Il raconte sa vie, la guerre, l'antisémitisme, l'Allemagne. Il y a une forme de cynisme dans la narration des événements de cette époque sinistre, qui vire au jubilatoire car traités sur le mode de l'humour noir, et ça j'adore ! Par exemple l'histoire du chien de Resi, alors que j'aime les chiens... mais la chute m'a fait rire. Pourtant ça a été une réalité pendant la guerre.
Tout le long du roman, au fil des événements de sa vie, on a l'impression qu'il a été agent double sans le savoir, ou alors vrai américain patriote et faux nazi, ou sympathisant nazi et traître à sa patrie, ou homme aux personnalités multiples, ou imbécile heureux mais ça c'est pas sûr, tout ça dans une espèce de schizophrénie qui l'arrange bien... ou pas. Tout dans l'histoire tend à noyer le poisson. En fait, de nombreuses fois je me suis dit "ce mec est dingue, complètement ravagé".
Ce roman dit des choses de cette guerre et de ses idéologies nauséabondes, sur un ton qui paraît léger, pratiquement toujours caustique et ironique. J'ai bien kiffé !!
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