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Né en 1975, Daniel Kehlmann est un auteur très remarqué et très lu en Allemagne depuis le succès de son cinquième roman, Moi et Kaminsky, et celui de son livre Les Arpenteurs du monde, où il imaginait une rencontre entre le mathématicien Gauss et le géographe Humbold. Le Roman de Tyll Ulespiègle, paru en 2017, connut également un grand succès avec près de 600.000 exemplaires vendus en Allemagne.
Qui est tout d’abord Tyll Ulespiègle (en allemand Eulenspiegel, que l’on peut traduire par « Miroir aux chouettes ») ? C’est un personnage de fiction, saltimbanque et farceur se moquant des puissants, dont l’origine vient du Nord de l’Allemagne. On peut d’ailleurs trouver de nombreuses allusions à ce personnage dans les villes d’Allemagne (principalement des statues). Il est intéressant de noter que son nom allemand a donné naissance au mot français « espiègle » ! Dans son roman, Daniel Kehlmann déplace l’existence de Tyll (qui se serait déroulée au XIVème siècle) au XVIIème siècle, pendant la Guerre de Trente Ans.
Quelques mots sur cette Guerre de Trente Ans (1618 – 1648). Cette guerre civile européenne fut déclenchée par la révolte des protestants de Prague (Défenestration de Prague) suivie par l’élection d’un roi protestant, Frédéric V, qui ne régna finalement qu’un hiver (d’où son surnom « le roi d’hiver ») avant que la révolte ne soit matée par les troupes de Ferdinand Ier de Habsbourg. Cette guerre sanglante aurait fait 10 millions de morts et a ravagé les pays germaniques et rebattu les cartes européennes (la France en est l’un des principaux profiteurs). Elle est marquée par l’âpre affrontement des troupes, des saccages restés dans la mémoire collective et l’emploi de mercenaires. Cette Guerre de Trente Ans a servi de thème à la littérature allemande : citons notamment Günter Grass avec Une rencontre en Westphalie et plus récemment donc, Le roman de Tyll Ulespiègle.
Découpé en 8 chapitres non chronologiques, il nous raconte la vie de Tyll sur fond de la Guerre de Trente Ans. Fils de Claus Eulenspiegel, un meunier sachant lire et curieux de découvrir les secrets du monde, mais aussi guérisseur, Tyll est un enfant chêtif qui, dès l’enfance, préfère s’adonner au jonglage qu’au travail au moulin. Il quitte le domicile familial après que le père fut condamné à mort par des Jésuites pour sorcellerie. Une occasion pour l’auteur de montrer à quel point ce monde était empreint de superstitions et de malédictions
On suit Tyll en compagnie de Nele, la fille du boulanger du village, dans leurs pérégrinations. Il est au service du roi d’hiver Frédéric V et de son épouse Elizabeth Stuart, impliqué dans la dernière bataille de cette guerre sans fin (celle de Zumarshausen) ou encore en Westphalie, là où se tinrent les pourparlers de paix.
Voilà, dit l’abbé de sa voix posée, comment les choses s’étaient passées, jour après jour, année après année. Une telle famine. Tant de maladies. L’alternance des armées et des maraudeurs. Le pays s’était dépeuplé. Les forêts avaient disparu, les villages avaient brûlé, les gens avaient fui Dieu sait où.
Kehlmann convoque dans le récit de nombreux personnages historiques, imagine des rencontres. Il nous fait sauter avec brio d’un épisode à l’autre. Il y a énormément de choses dans ce livre, qui montre également la montée en puissance de la langue allemande. C’est en conclusion une très belle littérature, moderne, foisonnante.
https://etsionbouquinait.com/2023/11/12/daniel-kehlmann-le-roman-de-tyll-ulespiegle/
Dans le cadre du prix des lecteurs Privat, j’ai lu ce récit qui s’inscrit en digne héritier de Maupassant et de Poe.
Couverture du livre « Tu aurais dû t'en aller » de Daniel Kehlmann aux éditions Actes Sud
Lorsqu’un scénariste a succès décide de partir achever son scénario dans une maison de location avec femme et enfant, il ne se doute pas mettre les pieds dans une maison qui au lieu de l’apaiser va faire naître chez lui angoisses et craintes.
Dans un récit alternant un scénario qui se veut léger et l’histoire de ce père de famille et époux qui s’efforce de rentrer dans les codes qu’on attend de lui, peu à peu le lecteur, à l’image du héros, perd ses repères. Le scénario est interrompu, des phrases semblent apparaître lui intimant l’ordre de quitter cette demeure au plus vite, des cauchemars hantent ses nuits, des faits étranges se produisent. On flirte avec la folie, l’incertitude dans ce court conte fantastique de moins de cent pages.
A la fin de ce récit, il reste une impression d’angoisse, un sentiment d’oppression qui bouscule nos repères de lecteur.
En résumé : court mais efficace récit qui interroge sur les illusions et sur la folie.
Curieux texte , une centaine de pages , qui oscille entre roman et scénario. Scénariste étant le métier de cet homme qui part en famille dans un chalet perdu en plein hiver...on sent poindre "Shining". C'est vrai pour l'ambiance; on ne sait si c'est l'auteur ou le lecteur qui se trouve sur un fil au dessus d'un précipice. Entre réel, illusion,pourquoi pas folie, on se retrouve à la fin le coeur battant.
Daniel Kehlmann entraîne le lecteur à la découverte des origines de Till l'Espiègle, un personnage culte de la littérature populaire allemande. Il s'agit d'un saltimbanque malicieux et farceur.
C'est une découverte pour moi car je découvre ce personnage avec ce roman. Je n'ai effectivement lu aucune des publications évoquant ce personnage (et pourtant il y en a beaucoup).
Mon premier ressenti : le personnage a un potentiel énorme. Ce n'est pas pour rien qu'il y a beaucoup d'écrit sur lui, une adaptation en série par Netflix est même en cours de réalisation. Dans ce roman, l'auteur arrive à garder un certain mystère autour du personnage tout en dévoilant des éléments intéressants, notamment sur son enfance, permettant ainsi de comprendre comment il va devenir ce saltimbanque. C'est un personnage très original et c'est une vraie force de ce roman.
Deuxième point positif, l'écriture de ce roman est très soignée. Il se lit facilement et arrive à bien plonger le lecteur dans l'époque. Parlons-en de l'époque, en cherchant un peu sur internet, il semble que les exploits du personnage commencent à être relatés au XVIème siècle mais qu'il aurait vécu au XIVème siècle. Ici, l'auteur choisit le XVIIème siècle puisque l'on se retrouve plongé en pleine guerre de 30 ans. Il n'est pas inutile d'avoir quelques connaissances sur le contexte de l'époque car on peut sinon se retrouver un peu perdu lors de certains passages.
Un petit regret tout de même, de long passages sont consacrés à des échanges "politiques" sur les conflits en cours. Cela relègue un peu le personnage principal au second rang. Alors oui, cela participe un peu à cette aura mystérieuse, il apparaît lorsque l'on ne s'y attend pas, pour autant j'aurai aimé le suivre de manière un peu plus proche. Ces passages m'ont un peu fait sortir de l'histoire surtout à la fin du roman.
Au final, c'est un roman original sur un personnage très surprenant que je ne connaissais pas. L'auteur maîtrise l'écriture, la construction et le contexte historique. Le personnage principal apparaît un peu relégué au second plan par moment, c'est un peu dommage. Pour autant, ce livre reste une belle découverte, une lecture qui sort de l'ordinaire !
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