La revue de presse livres vous dit tout ce qu’il faut savoir — et emporter — avant l’été !
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La Revue de Presse littéraire de février
Une claque ce roman.
"Houris" c'est d'abord le monologue intérieure d'une jeune oranaise au passé des plus traumatiques : elle a survécu à un égorgement lors de la guerre civile algérienne, celle-là même qu'on tait et passe sous silence car c'est une période de l'histoire du pays qu'on aimerait oublier tant elle fait "tâche".
"Houris" c'est aussi la voix des femmes dans une société où elles n'ont pas le droit de s'exprimer ni d'exister pour elles-mêmes au risque d'être bannies voire violentées. Enfin, "Houris" c'est un roman qui tente de donner à lire toute la complexité et certaines contradictions liées à cette culture des vierges offertes au paradis à des hommes qui se seront montrés conformes aux principes religieux qui dictent leur conduite.
Sans conteste,"Houris" est un roman qui fera parler et réfléchir le plus grand nombre.
Genre : Roman historique
Avis : OBSÉDANT
Format : Broché
Quand un roman dévoile au lecteur ce qu’un pouvoir en place empêche de dire…
Aube est une jeune Algérienne qui doit célébrer l’indépendance de son pays mais oublier la décennie noire durant laquelle elle a eu les cordes vocales détruites, à 5 ans. Elle n’a pas le droit de raconter une histoire dont elle est un témoin rescapé ; elle ne peut le faire qu’auprès de la fille qu’elle porte dans son ventre. Harcelée et menacée par les hommes devenus les barbares du quotidien, elle va se rendre dans son village natal pour trouver des réponses auprès des morts et surtout de sa sœur qui elle, a été tuée, le même jour de tragédie ordinaire.
Ce roman vient de remporter le Goncourt, j’ai lu et chroniqué plusieurs livres qui étaient en lice et dès ma lecture terminée, j’ai su que cela allait être celui-là. Pourquoi ? Eh bien parce qu’il y a LA différence, celle qui a du mal à être définie mais qui répond à plusieurs exigences : une écriture illuminée, une forme particulière, un fond rédempteur, des défauts consciemment mis en scène, une obsession qui prend possession de votre esprit.
Je n’avais jamais pris conscience de ces années noires en Algérie, ces jours de quasiment guerre civile durant lesquelles la population était coincée entre le pouvoir militaire et les terroristes qui ne relâchaient pas leur emprise. Cela n’est pas étonnant puisqu’encore aujourd’hui, les raconter est passible d’emprisonnement. L’avertissement est bien présent sur l’une des premières pages du roman, comme un drapeau de révolte ultime de l’auteur. Un métier résume l’hypocrisie : cuisinier. Je ne vous en dirai pas plus, bien entendu. Il fallait choisir son camp et de nombreux libraires qui ne voulaient pas vendre exclusivement des livres de cuisine et des livres religieux, par exemple, ont été assassinés. Car c’est là, le propre de ces régimes despotiques, c’est que le modéré est aussi haï et en danger que le pire des terroristes. Réfléchir peut devenir un crime !
La lecture peut être déstabilisante car toutes les actions ne sont pas par ordre chronologique. Il y a aussi des répétitions, des interprétations, des approximations mais cela pourrait être voulu, comme le chaos qui existait dans la réalité des combats en sous-main. Seul, l’auteur le sait. J’ai visualisé une immense fresque aux tableaux aussi littéraires que picturaux, tous marqués du sceau de l’Histoire.
Il y a un suspense qui s’installe dû au mélange des évènements et des récits des personnages. Il n’y en a aucun sur les interdictions faites aux femmes. Aube porte la résilience et le courage au summum de ce qui peut être, l’homme qui veut la sauver et dont le cerveau a enregistré tous les chiffres liés aux massacres est fascinant et l’on souhaite que la fille dans le ventre de la mère la connaisse un jour. Car espoir, il y a, malgré tout le désespoir dans lequel on s’englue.
Ce roman n’a pas suscité d’interrogations de la part du Jury, vous comprendrez pourquoi en le lisant. J’avoue que mon cœur était accroché à « Madelaine, avant l’Aube » de Sandrine Collette mais ma raison savait…
Vingt ans après le massacre dont elle a été victime à l’âge de six ans, Aube, seule survivante de sa famille, raconte au petit embryon qu’elle porte en son ventre ses souvenirs de cette journée du 31 décembre 1999. Le récit à sa Houri ne peut s’exprimer à d’autres, le son de sa voix étant bloqué à jamais par la canule qui lui traverse la gorge, lui sculptant par ailleurs un large sourire monstrueux. Recueillie par Khadija, sa seconde mère,à Oran, Aube est encore capable d’affronter les interdits des barbus en tenant un salon de coiffure face à la mosquée, avant d’entreprendre un pèlerinage jusqu’à Had Chakala son village natal, long parcours au cours duquel elle croisera entre autres, Aïssa, lui aussi rescapé, libraire dont la foi en la littérature lui a toujours permis de rester amnésique certes, mais debout ! Ainsi, si Aube décide de ne pas mettre au monde sa petite fille, elle lui aura expliqué les dangers à venir au monde dans un pays où les femmes sont soumises à des lois barbares.
Parvenue à son but, quelle mémoire restait-il du 31 décembre 1999 ? S’agissant des habitants du village « Ils auraient dû être payés comme des employés de la mémoire pour ne jamais se taire, et que voyais-je ? Des enfants rieurs. Des têtes d’ânes. Ces gens n’étaient-ils pas les survivants des douze tribus du Ouarsenis, égorgées, tuées, massacrées avec leurs animaux le 31 décembre 1999 ? ... »
Dès les premières pages, malgré les terribles faits, j’ai été littéralement éblouie par l’écriture de Kamel Daoud. Si « Meursault contre-enquête » m’avait fait découvrir son talent, il ne me restait de ce roman qu’un bon souvenir de lecture. Pour moi « Houris » franchit une barre très haute avec un style particulier empreint de poésie pour faire revivre la tragédie sanglante de dix années de guerre civile tue par une loi. En dehors d’un devoir de mémoire accompli, ne peut-on voir dans ce roman l’expression d’une critique personnelle de l’auteur sur les lois de son pays ?
Je terminerai mon propos en reconnaissant que j’ai trouvé un peu de longueur de cette lecture très exigeante dans sa forme. Minime critique en considérant la beauté de cette œuvre.
Lu dans le cadre du prix Landerneau des lecteurs 2024
'Houris' a pour thème la guerre civile qu a marquée l'Algérie dans les années 1990. Des années de plomb où beaucoup d’algériens ont perdu la vie, plus de 200 000 morts.
Vous l'aurez compris ce n'est pas un roman très joyeux. Ici il est question de souffrance, de déchirement familial, d'atrocités, de solitude, de violence. L'auteur a voulu montrer dans son livre tout le désastre et les conséquence d'une telle tragédie à travers la voix d'Aube la narratrice.
Petit bémol : le livre est un peu trop long selon moi.
Un roman incontournable de la rentrée littéraire d'automne récompensé par le Goncourt 2024.
à noter : Les houris sont, selon la foi musulmane, des vierges dans le paradis, qui seront la récompense des bienheureux. Ce sont des personnages célestes (source : Wikipédia).
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