La revue de presse livres vous dit tout ce qu’il faut savoir — et emporter — avant l’été !
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La Revue de Presse littéraire de février
L’horreur racontée sous forme de conte mythique.
L’héroïne de ce livre est muette et pourtant, c’est comme un cri qu’elle pousse au travers de ce livre. On est entre poésie, conte et extrême réalisme. Et ça Kamel Daoud le fait très bien. Il vogue et nous nous accrochons à la barque pour ne pas vomir, pour suivre cette vie.
Un jour un couteau a atteint cette frêle héroïne et l’a laissé pour morte. Ensuite l’écrivain nous emporte dans une histoire qui semble en décalage avec la réalité tout en relatant des faits tristement possibles.
Même dans ses articles les plus terre à terre qu’il écrit dans certains grands hebdomadaires, Kamel Daoud use de cette plume aérienne qui donne l’impression de ne plus être sur terre mais bien en altitude, dans un ciel qui nous permet d’observer de là-haut les faits et les horreurs de ce monde. Ça n’est pas moins choquant, ça n’est pas moins terrifiant, mais ça permet au lecteur de garder un distance minimale et ainsi de se faire sa propre image de l’horreur. Il peut se coller le nez dans la m… ou il peut garder une juste distance pour ne pas vomir. Et c’est cette dernière option que j’ai choisie.
La guerre civile qui a eu lieu en Algérie entre 1990 et 2000 est presque passée sous silence, ceci malgré les milliers de morts qui ont jalonnés cette décennie. Armées légales et terroristes se partageaient alors l’avant de la scène pour semer la terreur parmi les habitants. Une guerre que l’on pourrait désignée de ‘’guerre entre frères’’.
Au milieu de cette horreur, une horreur plus précise, plus distincte, celle d’Aude, jeune femme qui a survécu à un égorgement raté. La jeune algérienne va ensuite commencer le récit de sa vie, récit qu’elle veut faire pour son enfant avant de l’égorger. N’ayant ni mari, ni père pour les protéger, elle ne voit que cette alternative pour mettre son enfant à l’abri. Le monologue qui s’en suit et qui constitue le mat du roman est poignant, un cri en face d’un monde qui ne voit pas les choses à la taille de l’individu, mais plutôt comme une simple page d’histoire.
Les mots que l’algérienne utilise dans son récit sont emprunt d’une incontestable cruauté et pourtant ils ne sont que vérité et justesse dans la vie de cette jeune femme. L’exigence de la plume de Kamel Daoud ne rend pas ce roman léger ou facilement accessible : il est émotionnellement exigent, structurellement rude, par moment malaisé, mais surtout très abrupt. Il faut une bonne dose de courage pour persévérer dans sa lecture. Parfois on tourne un peu en rond dans le pathos, mais je pense que c’était volontaire de la part de l’auteur : enfoncer et ré-enforcer le clou, parfois au travers de métaphores.
L’auteur voulait secouer des lecteurs (tels que moi) passés à côté de ce pan de l’histoire algérienne ; il a réussi à me faire connaitre ce qu’un grand nombre d’algériens ont dû vivre. Il a atteint sa cible, de cette lecture je suis sortie secouée, troublée, salement remuée.
Citations :
« Dieu a fait de toi un murmure pour que nous nous taisions tous quand tu prendras la parole. »
« Je t'évite de naître pour t'éviter de mourir à chaque instant. Car dans ce pays, on nous aime muettes et nues pour le plaisir des hommes en rut. Je sais que je m'empêche de conclure, que je te parle pour faire reculer l'heure, mais cela ne te protégera pas longtemps ; je me dis que si je te raconte la véritable histoire, peut-être que tu comprendras. La vraie, celle qui se cache et qui se montre quand je ferme les yeux le soir depuis des années. »
« Te garder ? Es-tu folle ? Ils se sont montrés capables d'enterrer une guerre entière, 200 000 morts et dix années durant lesquelles ils se sont pris pour des moutons et des prophètes, mais ils n'oublieront jamais que tu es née sans père, sans nom. Que tu as été imposée par une mère monstrueuse qui leur évoque combien d'enfants, de femmes, d'hommes et de bêtes ils ont massacrés pour la gloire de leur Dieu. »
« Un bon plat remplit le ventre, le ventre soutient le genou, mais un livre vous relève la tête et soutient l’homme tout entier. »
Un roman poignant, bien écrit qui relate la difficulté de naitre femme dans un pays où leurs droits sont bafoués. Prouesse de l'auteur homme de se faire entendre en tant que femme.
Mais autant j'ai trouvé ce livre intéressant et nécessaire, autant j'ai peiné à le finir. Par sa dureté tout d'abord mais aussi par le style: une belle écriture certes, ponctué de (trop?) longs monologues , comme pourraient l'être ceux d'une femme qui ne peut plus parler et qui a donc des pensées obsédantes, qui furent difficiles à lire pour moi. J'ai dû entrecouper cette lecture par des ouvrages plus gais afin de réussir à le finir...
Magistral. Quelle lecture ! Après le roman de G.Faye, et dans mon confort, je pensais lire ce « roman » plus tard. Trop de sang . Et pourtant , quel texte !
Les années 1990-2000 , cette décennie noire fut une guerre civile entre militaires et islamistes , 200.000 morts que 10 ans plus tard les autorités ont voulu occulter par une voie hypocrite, celle de la Réconciliation.
Une seule guerre a eu lieu officiellement en Algérie, c’est celle « contre les français »
Mais , en 1999, le 31 décembre, une petite fille de 5 ans Farj ou Aube en français a été égorgée comme un mouton de l’Aïd et laissée pour morte ainsi que sa petite sœur de 8 ans, décapitée. Tout le village a subi cette boucherie sans nom.
Aube a été récupérée mourante , mais soignée ou plutôt rafistolée en urgence, elle porte une balafre de 17 cm, ce qu ‘elle appelle son sourire, et une canule qui l’aide à respirer, et elle n’a plus de cordes vocales.
Elle a 26 ans , elle est enceinte,elle a cru un instant avoir le droit d’avoir une vie de jeune femme, elle est persuadée que ce sera une fille , elle lui parle avec des petits mots doux, elle l’appelle Houri, ce nom que l’on donne aux jeunes filles du paradis…
Elle lui raconte ce qu’a été sa vie, son pays depuis son égorgement et la prévient qu’elles vont vite se séparer grâce à 3 pilules. Elle ne veut pas que cette petite fille devienne femme dans ce pays qu’est l’Algérie, elle veut la protéger de la vie qui l’attend.
Elle prend la route pour retourner sur les lieux du massacre, elle pense trop à sa sœur.
Le voyage est plein d’embûches, elle fait des rencontres, un libraire, qui ne peut plus vendre que des livres de cuisine, un routier lui aussi abîmé qui roule sans arrêt, à chaque fois quand elle déroule son foulard et laisse sa blessure béante , chacun est saisi , elle est l’image vivante de ce que les hommes de son pays ont été et sont capables de faire.
Contre cette barbarie, le roman de K.Daoud dresse un réquisitoire implacable , cruel, l’écriture est raffinée, poétique parfois , malgré l’horreur du propos .
Un livre essentiel. Le Goncourt demain peut-être.
Un roman remarquable, engagé sur le plan politique et le sort des femmes algériennes.
Une partie de l’histoire que je ne connaissais pas. Une guerre civile éclate,une période de tension, de peur, où l'insoutenable est perpétré . Aube , âgée de 5 ans ,a vécu, le plus douloureux, le plus horrible moment de sa vie, Elle assiste à l’exécution de ses parents et de sa sœur, d'une manière effroyable. Elle est une miraculée, mais elle est muette , les cordes vocables sont touchées , un large sourire gravé par un couteau, un sourire , partant des deux cotés de son visage,
Une jeune fille détruite psychiquement et psychologiquement, Elle tombe enceinte , elle pense avorter, mais pour le moment, ce fœtus est un moyen d'exorciser , de parler de tous les malheurs, qu'elle a vécu ,pour elle c'est sa voix intérieur , elle peut tout dire, sans aucune répercussion . Sa voix externe n'est que silence.Elle décide de partir, à la recherche de ses racines, dans ce villages ou plusieurs personnes ont trouvé la mort. A t-elle eu une bonne idée ?
C'est le genre de roman que l'aime ou pas, aucun juste milieu L'auteur use d'un vocabulaire enrichi, C’est tout en finesse,n, autant sensible que subtile, avec une pointe poétique voir philosophique. L'auteur m'a immergée avec une grande dextérité , dans cette histoire troublante, On ne peut sortir indemne d'un tel récit. Une histoire qui reste , encore d'actualité, surtout pour le sort des femmes.
Un livre qui mérite amplement le prix Goncourt et le prix Transfuge du meilleur livre français 2024, Un véritable coup de cœur, qui me laisse dans mon questionnement Je vous conseille de découvrir ce roman.
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