Lara entame un stage en psychiatrie d’addictologie, en vue d’ouvrir ensuite une structure d’accueil pour jeunes en situation d’addiction au numérique...
Ma chronique : Je suis encore sous le charme de ce roman, rayonnant, émouvant, au sujet brûlant ! Quelle plume !Un foisonnement d'émotions et de pensées.
" Pieds noirs et Algériens, c'est une histoire d'amour et de larmes entre deux peuples aimant le même pays mais qui ne se sont pas remis de leur rendez vous manqué".
Quatre générations de femmes, une palette de quatre couleurs, une même famille, des françaises d'Algérie (les pieds noirs) évoquent leur attachement viscéral à la Kabylie, leur terre natale, ainsi que la plaie ouverte de l'exil et plus tard la part manquante de leur histoire.
Le roman alterne entre 1954, où l'on perçoit les rumeurs de guerre, et cinquante ans plus tard. Trois d'entre elles ont vécu en Kabylie, la famille possédait des oliveraies. En 1961, comme beaucoup de "rapatriés", ils embarquent pour la France avec peu de valises. La métropole était hostile envers ces déracinés. D'une rive à l'autre, ils ont dû tout recommencer." un bonheur achevé".
Mais faisons connaissance :
- GrandMa, née en 1900 dans le désert qu'elle aime tant, est à mon avis, la plus intéressante. A 15 ans, elle a vécu un grand amour avec Oskar, un photographe allemand. Après un mariage arrangé avec un instituteur, il ne lui restait de son bel amant qu'un Leica et la passion de la photographie.
- Sa fille Léa, bien différente, a épousé son cousin germain. Léa " la plus française" de toutes, exige que ces quatre filles étudient à Alger, car à elle, on lui a refusé l'école parce que née "fille" !
- Made, la fille de Léa, fougueuse, "exagérément romanesque" très proche de GrandMa, adore Nour, sa grande amie Kabyle, ces deux-là ne se quittent pas. Pourquoi y a-t-il un abîme entre leurs deux familles ? Made veut se libérer du joug de la tradition. Elle écrit des poèmes.
- Laure, la plus jeune, la fille de Made, née en France après le départ précipité et violent de 1961, interroge les silences de cette famille.
Adulte, elle part pour l'Algérie à la recherche de ses racines afin d'en comprendre les déchirures et rapporter un olivier. Elle rencontre Assia qui elle aussi veut se libérer du poids de la religion et des traditions. Laure s'interroge sur le destin de sa mère, après son retour en France. Personne ne veut lui en parler, on lui a dérobé les souvenirs de sa mère.
La nature est présente à chaque page. Les oliviers jouent un rôle. Ils symbolisent la réconciliation, la paix.
Ce n'est pas qu'un roman de femmes, les hommes ont leur importance aussi, père, oncle écrivain, amant, mari, grand-père bigame..
C'est lumineux, bienveillant, vous ne vous ennuierez pas sous ce ciel algérien, si cher à Camus. Vous partez pour les sommets du Djurdjura et les bords de la Méditerranée.
Chaque chapitre est annoncé par une citation d'auteur qui nous guide avec élégance à travers l'histoire.
Vous pouvez par moments être dérouté par les rêveries de Made dans son "cahierlivre". Suivez-là dans son monde.
Le titre est inspiré" d'un tableau de Renoir " le ravin de la femme sauvage" .pour moi le plus beau livre de cette autrice
Algérie 1954 en Kabylie, Made et Nour ont le même âge, treize ans, mais leur statut est différent puisque l’une est la fille d’un employé alors que Made – refusant qu’on l’appelle Madeleine – est cette enfant rebelle des patrons de l’oliveraie, au pied des montagnes du Djurdjura au cœur d’un paysage magnifique. 1961, on suit en parallèle Laure, née en France dans les Causses où sa famille vit dorénavant. Elle questionne sa grand-mère sur leurs racines en Kabylie. Que s’est-t-il passé dans l’oliveraie qui a poussé la famille à l’exil, loin de leur terre natale. Le récit court d’une femme à l’autre : Grand-ma et son Leica, initiée à la photo dans sa jeunesse par un allemand de passage ; sa fille Eva coupée de sa culture, murée dans le secret… Made et son cahierlivre (elle veut tout restituer, ce qui l’émerveille, ce qui en fait « une petite personne vibrante », Laure enfin, qui hérite un peu de toutes celles-ci et veut ouvrir les secrets trop bien gardés. Toutes des femmes fortes cherchant à s’exprimer face à des hommes qui leur contestent le pouvoir de décision.
Les chapitres sont régulièrement introduits par une citation renforçant la narration, éclairant de sens les magnifiques contrastes clairs-obscurs, réunissant la grande famille littéraire afin d’organiser ce qui sans cela serait chaos. Isabelle Desesquelles cite Assia Djebar « ... Quel écho frappé, puis revenu, a crée entre nous le désert » ; Louis Aragon « L’art du roman est de savoir mentir (…) Le roman, c’est la clé des chambres interdites de notre maison. » ; Taos Amrouche « J’espère que tu n’oublieras jamais... ces êtres tissés de la même fibre que toi… » ; Jean Pélégri – citation que j’ai reproduite intégralement et illustrée sur la photo de présentation – ; Jean Amrouche «… La terre maternelle… origine ineffable » ; Clarice Lispector « Écrire… comme si je me souvenais » ; Léon Tolstoï « Il faut se mettre à la place de chacun » ; le poète Malek Ouary « N’y avait-il rien de valable chez nous ? » ; Virginia Woolf « … gonflée de mots,… libre ».
Ici on ne lit pas pour avaler les mots vite fait, pour aller vers un autre livre, toujours ailleurs, toujours plus loin, plus vite, dans une quête effrénée de pages. Non, on sera obligé de lire avec application afin de déguster les phrases qui arrivent comme des vagues, charriant les mots comme du sable mouvant, au gré du passé enfoui, du présent qui résiste à comprendre. On s’échappe souvent du récit, dans des envolées poétiques, loin des normes grammaticales, phrases et mots s’entrechoquant, mais ce n’est pas grave et si une phrase accroche, son sens énigmatique, on se laisse alors bercer par la musique saccadée du rythme. Après tout on est dans une histoire violente avec des personnages malmenés ou rebelles, pourquoi l’écriture ne serait-elle pas à l’unisson. C’est osé et magnifique, un peu déroutant au départ, avant de se sentir pris par le voyage entre passé et présent.
Avec les dates du récit, en alternance entre la vie à l’oliveraie en 1954 juste avant la guerre d’Algérie et en 1961 avant l’indépendance de l’Algérie, j’ai cru lire un récit, somme toute classique, de la tragédie des européens chassés de ce qu’il pensaient leur pays, ceux que l’on a nommé de l’expression aux connotations racistes : pieds-noirs. C’était se tromper lourdement car l’auteure, en merveilleuse conteuse, sait manier la surprise. Elle nous donne l’occasion de découvrir un pan méconnu de cette histoire coloniale qui court sur plus d’un siècle, la singularité rarement évoquée de la Kabylie, enclave difficile d’accès qui a toujours été rebelle au pouvoir centralisateur quel qu’il soit. Les grandes familles traditionnelles kabyles ont été à la jonction entre le pouvoir colonial, en position particulière face à la mise en place des forces de résistances au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le grand-père de Made, le père de Léa, né kabyle, « grandi chez les Pères blancs … une bonne recrue, instituteur » est cette figure de l’indigène sorti de la famille, absent aux siens.
L’auteure met au centre du jeu la place de la religion et questionne ce qui devait relier à l’origine, utilisé politiquement pour diviser une communauté et au final la coloniser, en interdisant sa langue, niant sa culture dans le dessein de s’accaparer les richesses. Made en est meurtrie de voir son amie Nour rabaissée du fait de sa religion. Elle dit : quelle justice à cela ?
Isabelle Desesquelles est l’auteure de « Je voudrais que la nuit me prenne » et de nombreux romans et récits. Prix Femina des lycéens 2018, elle a créé dans les Causses la maison d’écrivains De Pure Fiction et écrit sur son blog « Réalité et fiction sont des mots qui vont très bien ensemble. La force d’un univers, d’un écrivain, c’est aussi de nous faire croire à toutes les histoires, les déposer en nous. » Elle est experte de cette envolée dans la fiction et pourtant il ne faut pas beaucoup de recherches pour découvrir tout ce qu’elle a mis d’elle et du réel ici...
Un très joli roman sur la quête des origines et la quête de sens d'une vie lorsque l'on n'a pas les réponses à ces questions, ou alors qu'un tabou est posé par la famille. Une véritable enquête est menée par un des personnages principaux, semant au fil des pages des indices, des informations pour reconstituer l'arbre généalogique et l'histoire d'une famille meurtrie par la guerre d'Algérie.
Un récit à cheval sur deux époques qui nous offre un regard sur l'Algérie de 1954 et la France d'aujourd'hui. C'est avec beaucoup de délicatesseque nous pouvons suivre Laure, Made et Nour.
Si j'ai aimé cette plongée historique et familiale, il m'a manqué un petit quelque chose pour m'accrocher pleinement à cette histoire.
C’est à travers le portrait de quatre femmes que leur destin unit dans sa cruauté, que l’autrice reconstruit l’histoire de sa famille.
A treize ans, Made se forge une personnalité. En refusant de répondre au prénom qu’on lui a donné, lui substituant une version plus courte. Complices et amies, des presque soeurs Nour et elle vivent une enfance insouciante, et pourtant ce qui est écrit de tout temps viendra les séparer.
De cette histoire complexe , dont elle ne possède que des bribes, Laure essaiera des années plus tard de comprendre les enjeux et de faire ressurgir la vérité, au risque d’y perdre des illusions, pour comprendre qui était sa mère et comment l’exil a recouvert d’un manteau de silence les drames survenus dans le domaine des oliviers.
Avec beaucoup de délicatesse, comme on manie un tissu que l’âge a fragilisé, Isabelle Desesquelles retrace cette histoire familiale tronquée, dans l’illusion de protéger ceux qui l’ignorent. Erreur, les non-dits hantent les héritiers que l’on a voulu épargner. De l’authenticité dans les propos et une belle écriture, pour un roman touchant.
306 pages Lattès 15 janvier 2025
#Histoiredelafemmesauvage #NetGalleyFrance
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