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Mis à part un petit passage à vide aux trois quarts du bouquin, léger, quelques pages qui m'ont semblé moins intéressantes avant que la fin ne reprenne le dessus, ce livre est passionnant. Je ne suis pourtant pas un grand fan des épanchements, des "romans" ou récits dans lesquels l'auteur ou son double se raconte -je ne sais d'ailleurs pas ce qui, ici relève de la fiction ou du roman- ou alors, il faut que ça soit excellent : une écriture exigeante qui laisse passer les émotions (dans le genre, j'aime beaucoup Annie Ernaux, Charles Juliet qui ont basé toute leur œuvre littéraire sur l'autofiction, mais beaucoup d'autres également l'ont fait sur des livres très personnels tels Jacques A. Bertrand dans le très beau Le pas du loup). Eh bien, sans vouloir comparer Gabriel Robinson à ces grands noms de la littérature française contemporaine, il réussit à écrire un texte bourré d'émotions, de sentiments, de tendresse, d'admiration mais aussi de frustration envers ce père avec qui il n'a jamais pu parler, ce qui semble être un thème universel il va falloir que je voie cela de près avec mon grand garçon. La colère est présente, ainsi que la compassion envers la mère, touchée, coulée même par la découverte de la double vie de son mari. Le fils devient père pour ses parents et reste grand frère pour son cadet en même temps qu'il découvre sa sœur. Ce qui semble faire mentir un guide dogon que les parents ont consulté au début de leur vie commune et que leur fils, menant son enquête sur la vie de ses parents, a retrouvé : "Les fils sont le désordre, les fils sembleront toujours désordonnés aux yeux de leurs pères. Les pères construisent et nous, nous détruisons. C'est l'idée fixe, l'image courante." (p.8)
Écriture à la fois travaillée et limpide, exigeante comme je l'écrivais plus haut, qui fait la place belle aux émotions, alternant phrases courtes, un peu de dialogues et longues phrases, questions, jeux sur les mots, assonances :
- "Hélas, parallèlement à ma peur exagérée des guêpes attirées par nos melons, j'avais le bourdon. Farceur sans complice, intégralement niais, les cheveux blanchis par le soleil provençal, juché sur BMX et vêtu de bermudas fleuris, je m'ennuyais gentil, régulièrement confondu en train de parler tout seul faute de gamins de mon âge familiers de ma langue ; il n'y avait que des Allemands, des Anglais et des Hollandais. Parler avec les mains ? Recréer le babil de Babel propre aux enfants qui se captent pour un jeu de balle, ferme les yeux jusqu'à cinq, un bisou." (p.37)
- "Le cœur épuisé, prêt à exploser, irrigué par le stress jusqu'à l'insomnie, la nausée, mon père a traversé des déserts, survécu tête baissée sans parler trop, ce chameau." (p.40)
J'aurais pu citer nombre d'autres extraits, personnellement, j'ai une faiblesse pour iceux : "Le babil de Babel" me ravit particulièrement. Aimer un texte peut tenir parfois à ce qui pourrait paraître des détails mais qui selon moi est le petit plus nécessaire, le je-ne-sais-quoi qui fait la différence entre deux textes : celui qu'il l'a et qui plaît et celui qui ne l'a pas et qui ne fait pas mouche. G. Robinson a manifestement ce petit plus , ce je-ne-sais quoi, sans doute le plaisir et le talent de faire jouer les mots entre eux.
Tout pour plaire ce livre qui explore les profondeurs des tourments humains, les relations familiales, les dits et les non-dits qui peuvent faire exploser un groupe, des individus ou une seule personne. Finement observé et magistralement narré. Pas larmoyant, même s'il n'est pas toujours gai, il ne tombe jamais dans le sordide, le vulgaire ou le pathos. Un premier roman très maîtrisé qui en laisse augurer d'autres de très bonne facture.
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