Des romans policiers à offrir ? Faites le plein de bonnes idées !
Vous entrez dans le Fareast, ici, laissez toutes vos illusions, tous vos espoirs.
Savel Férosse, un nom qui sonne viril, mâle, violent, enfin, vous m’avez compris. Savel est timide, effacé, bègue, inexistant, rampant. Donc tout le contraire. Savel Férosse n’est pas féroce mais là où il habite la férocité est comme art de survie.
Ce petit employé de la grande usine minière de la ville où il habite est marié à une femme qui l’écrase, le trompe… et père d’une adolescente rebelle qui changera le cours de sa vie. « Partout et avec tous, Férosse était comme la cinquième roue du carrosse : de trop. »
Tout ceci se passe au-delà du cercle polaire dans une petite ville russe, plus proche de la frontière finlandaise que de Moscou. La pègre est aux ordres d’oligarques moscovites. Composée de brutes épaisses prises très jeunes dans l’orphelinat où le chef va faire ses « emplettes » fait la loi, elle fait peur aux habitants. La Tombe, puis Sam dictent aux juges, maires, policiers la conduite à tenir et les lignes à ne pas franchir. Tout le monde s’accommode plus ou moins bien de ces « arrangements entre amis », jusqu’au jour où Férosse…
Ce livre est un roman noir au pays des tous pourris, même la justice et la police. Cette région est oubliée. Poubelle radioactive, les habitants sont laissés à eux-mêmes et comme la nature a horreur du vide et les humains, besoin d’un certain ordre, la mafia s’en donne à cœur joie et en plein jour. En arrivant dans cette ville, vous laissez toutes vos espérances, vous entrez dans le pays de la désespérance, de la noirceur, aucun espoir n’est permis. Pourtant, une petite lueur dans toute cette noirceur baignée de mauvaise vodka ; La forêt qui a accueilli et caché Férosse. Il y a mené un dur combat pour ne pas mourir, mais combat je dirais presqu’équitable et humain. Dans la taïga il fera une rencontre très importante, les Samis qui lui sauveront la vie et lui donneront le désir de continuer. Ce peuple a décidé de fuir l’occidentalisation, le progrès et vivent comme leurs ancêtres. Quelle différence entre ceux deux « peuplades ». Les Samis vivent au plus près de la nature, son simples et bienveillants, ne connaissant, apparemment, pas l’envie, le vol… et vivent en communauté. Les russes, âpres au gain, tueraient pour rien, où écraseraient le plus faible, le plus démuni. Dans ce livre, Elisabeth Alexandrova-Zorina par métaphores interposées nous raconte et critique la Russie actuelle livrée aux gangs, où il ne fait pas bon vivre lorsque l’on est intègre ou honnête et humain.
Chez amis, ne prenez pas peur. Bien que dur, ce livre se lit comme un polar, ce qu’il est un peu par l’intrigue (lire la 4ème de couverture). Elisabeth Alexandrova-Zorina a un humour décapant, ironique, âpre qui donne un je-ne-sais-quoi qui fait que je n’ai pu lâcher le livre. Un premier roman brillant, maîtrisé de bout en bout.
J’espère vous avoir donné envie de lire ce livre qui m’a fasciné.
Une très belle surprise que ce roman russe, écrit par une eune femme (née en 1984) qui connaît bien la région qu'elle décrit puisqu'elle y a grandi. La péninsule de Kola, au-delà du cercle polaire a été abandonnée après la chute du mur, elle est désormais une région polluée par l'enfouissement de déchets radioactifs.
Qui aime les romans d'aventures avec des personnages fous, décalés, des rebondissements, sans oublier une vision de la Russie actuelle sera ravi. Même si parfois quelques longueurs ou quelques répétitions de figure de style envahissent le texte, l'ensemble se lit avec plaisir et gourmandise.
La critique de la Russie actuelle est inscrite dans ce roman, tant dans la pauvreté voire le dénuement de certains, la difficulté à vivre dans un pays corrompu dans lequel l'argent que détiennent seulement quelques uns fait loi que dans la corruption, la concussion. La peur règne, entretenue par les mafieux, les truands : "On voyait tant de choses chaque jour au poste de police qu'on pouvait en perdre la vue mais seuls les murs avaient des oreilles ; les conversations sur la pègre se tenaient dans des bureaux sales et enfumés et le soir, quand le poste se vidait, la vieille femme de ménage les balayait avec la poussière si bien qu'elle savait tout ce qui se tramait dans la ville. Quant aux policiers, ils oubliaient ce qu'ils entendaient en moins de temps qu'il ne leur fallait pour remplir les procès-verbaux." (p.108)
"Tout est pourri au royaume de Poutine" pourrait-on paraphraser. C'est un peu vrai si on lit ce roman, mais pas tout à fait, car Elisabeth Alexandra-Zorina trouve les mots pour parler de la forêt, des Samis qui y vivent, de la nature, de Férosse qui est un homme simple et bon, naïf et foncièrement honnête. Elle oppose ces deux mondes, celui de la Russie traditionnelle, celle qui fait perdurer l'âme russe et celle qui s'est occidentalisée, qui a laissé le meilleur du progrès aux mains de quelques uns qui en abusent sans partager et qui manipulent les plus petits : "Il disait que les gens croyaient plus à la télé qu'à leurs propres yeux ; le voilà, qu'il disait, le miracle de la technique !" (p.193)
Un roman salué en quatrième de couverture par Bernard Werber "avec un univers d'une originalité typiquement russe." et par Zakhar Prilepine, agitateur politique notoire en Russie et écrivain : "Voici un roman social original et brillant sur la Russie actuelle, écrit dans une prose puissante par une jeune femme pleine de talent."
Avis partagé à 100%, j'ai juste un peu développé pour remplir les lignes du blog. Je le redis en conclusion : très belle surprise que cet excellent roman entre roman social, roman noir et roman d'aventures.
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