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Dominique Terrier nous propose 340 pages de nouvelles, courtes, voire très courtes, qui selon ses propres termes vont du noir foncé au rose bonbon.
C'est d'ailleurs par du très sombre que le recueil débute. Une succession de petites histoires dans le style série noire à l'américaine. Avec quelques représentantes du beau sexe, la femme «l'avenir de l'homme» selon Aragon, mais un avenir peu radieux, entre quatre murs voire quelques planches. Des belles à pourrir la vie d'un honnête truand.
Heureusement, par un sourire, la belle peut illuminer la première journée de liberté d'un taulard.
Malgré la noirceur de certains textes, le style est imagé, empreint d'un humour à la Audiard dont Dominique Terrier nous a déjà gratifiés dans «Tuez-moi demain», son petit bijou de polar humoristique.
Après cet hommage au polar et ses femmes fatales, parfaitement compréhensible pour un auteur dont le livre de chevet du genre est «Le facteur sonne toujours deux fois», les nouvelles suivantes s'inspirent fortement du vécu de l'écrivain: Son rapport à l'écriture, son enfance, son parcours professionnel.
S'ensuivent de belles pages qui m'ont ramené des années en arrière - j'ai quasiment le même âge que l'auteur – certaines me parlant plus particulièrement.
Je ne m'attarde pas sur les nouvelles dont le titre rappelle une chanson ou un album, avec parmi elles un bien bel hommage au grand Miles Davis, et d'autres plus surprenantes où j'ai eu du mal à suivre la pensée de l'auteur, avec l'impression de lire un texte quelque peu déjanté.
Plus poétique, une belle ballade écossaise le long des parcours de golf, au milieu des «Loch», avec un air vivifiant à l'odeur délicatement tourbée qui caresse le visage, des embruns au goût de malt qui titillent les muqueuses, se termine bien évidemment dans ce que l'Ecosse abrite de plus précieux : une distillerie de whisky, mais pas n'importe laquelle, Edradour, la plus petite d'Ecosse.
L'auteur raconte avec beaucoup de tendresse et de nostalgie son enfance dans la cité lyonnaise, lorsqu'encore gone, il accompagne son grand-père sur les pentes de la Croix-Rousse pour y découvrir la boule lyonnaise, dans un de ces clos boulistes qui, s'il en reste, font partie d'un patrimoine régional d'une autre époque.
Il évoque également sa grand-mère, à l'origine de sa passion pour l'humour à force d'écouter sur un électrophone Teppaz des comiques que les moins d'un certain âge, voire d'un âge certain, peuvent difficilement connaître: Fernand Raynaud, Roger-Pierre, Jean-Marc Thibault...
Le Teppaz a disparu, mais le 45 tours avec «Deux croissants» et «Le 22 à Asnières», je l'ai toujours.
L'enfance pour Dominique Terrier c'est également certaines séries télé cultes.
«Le fugitif», qui a scotché toute une population dans l'espoir que le docteur Richard Kimble, «innocente victime d'une justice aveugle», prouve son innocence en attrapant l'ignoble manchot après qui il court désespérément d'épisode en épisode.
«Les envahisseurs», au petit doigt raidi comme unique signe distinctif, que seul David Vincent, perdu sur une route de campagne, a vus débarquer et que bien sûr personne ne croit.
Sans oublier L'amitié entre Sonny, le petit australien, et Skippy son bondissant compagnon.
Quel plaisir de revenir à cet âge d'insouciance et de découverte, avec une seule chaîne ORTF qui représentait des moments de pur bonheur. Je rajouterai pour ma part deux séries qui m'ont marqué de façon différente : «Belphégor» le summum de l'angoisse pour un gamin au début des années soixante, et «Chapeau melon et bottes de cuir» pour la délicieuse Madame Peel.
La dernière partie, moins romantique, raconte le parcours d'un ouvrier qui, fraîchement devenu fraiseur, se retrouve embauché dans la grande famille de l'usine Berliet, devenue RVI, mais toujours Berliet dans les esprits. On a droit à une une visite guidée des ateliers les plus sales et bruyants de cette glorieuse institution de la région lyonnaise, pour laquelle une armée d'anonymes - dont mon paternel - se levait dès potron-minet pour prendre un car dans lequel ils espéraient grappiller quelques minutes de sommeil et rattraper un temps perdu qui ne se rattrape jamais. L'auteur découvre alors le monde syndical et utilise ses talents d'écrivain à la rédaction des tracts pour défendre le monde ouvrier et les «camarades travailleurs», à une époque où ces notions avaient une signification profonde.
Si j'osais, je dirais qu'il y a du Maupassant dans certains textes, un Maupassant élevé au beaujolais et au tablier de sapeur, qui aurait partagé quelques moments privilégiés avec Frédéric Dard et Michel Audiard.
Je pourrais continuer à évoquer le plaisir que j'ai pris à lire ces textes d'un «penseur sans bagages», d'un auteur qui, sans se prendre au sérieux, écrit superbement. Mais je vais m'arrêter là car, comme le dit le grand Jacques, «il est tard Monsieur, il faut que je rentre... chez moi»
« Polar pas sérieux dans lequel on tue pour rire ». Telle est une partie de la dédicace de l'auteur sur mon exemplaire rapporté du salon « sang pour sang polar » du 3 Mars 2018.
Polar particulièrement jubilatoire, véritable remède contre la morosité qui devrait être disponible dans toutes les bonnes pharmacies et remboursé par la sécu .
Les duettistes principaux de ce récit sont Poulbot Montmartrois pure souche éduqué à l'école de la rue et son fidèle pote de toujours Lolo « issu d'une longue lignée d'abrutis congénitaux » mais éminemment sympathique par ailleurs. L'activité principale de notre duo de choc au début du roman consiste à prolonger l'apéro ( 9h47, record à battre ) afin de surveiller, de leur bistrot favori, le coin de la rue puisque l'aventure surgit toujours de là.
Mais ce sont surtout des emmerdes qui se pointent du coin de la rue et nos héros ( ou anti-héros c'est selon ) secondés par Dudley SMITH ( à ne pas confondre avec un homonyme cher à James Ellroy) et Claudius « Lyonnais jusqu'à la moelle » vont se trouver confrontés à quelques situations délicates et côtoyer toute une galerie de personnages truculents mais pas toujours de bonne compagnie.
Une bande de nazillons nostalgiques ayant pour chef de meute sadique le neveu d'un célèbre acteur allemand, une ninja fille du chanteur d'un groupe de rock mythique qui flingue autant que Ventura/Blier/Blanche dans « Les Barbouzes » , une Milady châtelaine écossaise petite-fille d'une légende du crime ayant fait le serment de poursuivre l'oeuvre de son illustre grand-père, des kidnappeurs bras-cassés fans des verts ( l'équipe de foot pas les écolos), des marins au curieux besoin de faire des phrases, des Corses sympas mais avec leurs proverbiaux et ancestraux conflits familiaux, Robert Mitchum (?).
Dans ce livre on se mitraille, se chevrotine, se broie, s'étripe, se tisonne, se dynamite ( je sais tous les verbes sont pas dans le dico ) allègrement mais toujours dans la bonne humeur ( celle du lecteur en tout cas) car on l'a dit au début c'est pour rire.
Certains esprits chagrins rétorqueront que ce livre est un peu court. Je rétorquerai à mon tour que la densité des intrigues est telle que plus entraînerait un risque d'overdose pour le lecteur normalement constitué ne pouvant raisonnablement intégrer en une seule fois l'intégralité des bons mots que l'auteur distille en rafales dans un esprit que ne renierait pas Monsieur Audiard.
Je suis ressorti de l'aventure avec les muscles zygomatiques fatigués mais tellement satisfait de ce moment passé avec Poulbot, Lolo and co que je suis partant pour un nouveau tour de grand huit du rire avec eux.
Merci Monsieur Dominique TERRIER pour cet excellent polar humoristique et merci de bien vouloir nous concocter une suite aussi déjantée, en prenant votre temps bien sur car je sais que vous écrivez surtout pour le plaisir, le nôtre et le vôtre, sans contrainte.
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