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Eva pourrait être l'héroïne de ce roman souvent triste, parfois gai, mais le plus souvent poignant quand il raconte la vie d'hommes et de femmes qui ont eu le courage de résister à l'ennemi et en ont souvent payé le prix fort. Eva n'est pas seule. Il y a autour d'elle Eugène (celui qui raconte), Romain, Raoul, Armand, Marinette ... Ils ont 20 ans, ils sont joyeux, insouciants, amoureux et du jour au lendemain, ils s'engagent et deviennent malgré eux des héros tombés pour la France. Le roman se découpent en chapitres courts, qui parlent de l'un ou de l'autre, petites anecdotes ou grands drames, et c'est très émouvant.
Alors que Josiane s’apprête à se tirer une balle dans la bouche, assise sur les WC de la gare du Nord, des épisodes de sa vie défilent dans sa tête : son enfance défoncée à coups de mots assassins de la part d’un géniteur déficient et d’une mère adulée mais cruelle, qui ne se gênent pas pour lui faire sentir qu’elle n’a été qu’un accident. Persuadée de ne pas valoir plus que les friandises ou les lunettes offertes par les amants de sa génitrice pour acheter son silence de petite fille, elle grandit bercée par le mépris ou au mieux l’indifférence, vouant une admiration totale et entière à une mère qui se rêve star de cinéma.
Tandis qu’autour de Josiane ça défile dans les toilettes (il semblerait que tout le monde se soit donné le mot pour l’empêcher d’appuyer sur la gâchette), entre deux chasses d’eau elle se remémore quelques souvenirs réconfortants, sa jeunesse à peine allégée par quelques rencontres, parfois poétiques, parfois dramatiques : Martin le premier amoureux, Germain le vieux monsieur solitaire, puis Clara, puis Anna… mais avec elle dès qu’un petit bout de positif se présente, cela finit toujours par un « Je ne l’ai plus jamais revu ».
C’est un personnage intéressant, Josiane, qui se regarde bien plus qu’elle ne veut l’admettre, avec ses « si on était dans un film », et c’est vrai que l’histoire a tout du genre cinématographique. Mais je n’ai pas réussi à aimer ce personnage malgré sa sensibilité particulière, cette attention aux autres, ce regard développé en dépit – ou à cause de – son passé difficile et son incapacité à haïr – il y avait de quoi pourtant. Je n’ai pas non plus adhéré au style de l’auteur, peut-être que j’en ai un peu assez de ces histoires où le monde s’acharne sur un personnage de façon surréaliste, de ces personnages négatifs, de ces livres qui veulent sortir du lot par leur audace en usant de mots crus et de situations brutales. En me penchant sur un livre au titre pareil c’est bien que je cherchais à être secouée, mais justement j’adore ce titre, j’adore cette couv ! Peut-être bien qu’il est temps pour moi de faire une cure d’eau rose...
J’ai un sentiment mitigé après lecture, bon nombre de pages m’ayant un peu déprimée. Vous me direz, quand on lit le résumé et même le titre, on ne s’attend pas à un roman joyeux. Effectivement. Mais la narration m’a un peu dérangée également. C’est vif, c’est ponctué étrangement, c’est une histoire racontée dans l’urgence, au fur et à mesure que les souvenirs fusent. Alors parfois c’est déconcertant et fatiguant. Mais je ne dirai pas que je n’ai pas aimé du tout. C’est une histoire sombre dont l’espoir surgit à plusieurs reprises au fil des pages (le titre en vert est par conséquent une bonne idée).
On avance dans les chapitres et on se demande si le doigt de cette jeune femme qui a un canon de fusil dans la bouche va finir par appuyer sur la gâchette ou non. On espère que non évidemment, on se dit que les quelques jolis moments du passé qui lui reviennent en mémoire vont la faire retirer ce métal de sa bouche une bonne fois pour toute. Mais rien n’est moins sûr, parce que les souvenirs noirs ont la part belle. En effet, Josiane est née dans une famille qui ne la bercera pas dans le bonheur. La main de sa mère ne fera que se défiler. Cette mère qui voulait être actrice et qui par conséquent est mal dans sa vie, en manque de ce rêve qu’elle n’a jamais pu atteindre. Et puis ce père absent. Et puis les couilles des amants à la vue de la petite fille qu’était Josiane. Et l’achat de son silence. Mais aussi plus tard ses rencontres plus ou moins bonnes et ses jobs souvent dégradants. Et ce physique dont elle ne fait pas l’éloge.
« Je suis laide, presque grosse, assise sur les chiottes de la gare du Nord j’ai le canon d’un fusil dans la bouche. J’ai trente ans, le doigt sur la détente, le regard sur un poil par terre. »
Pas vraiment une vie de rêve, vous l’aurez compris, même si la rencontre avec un vieux Monsieur, Germain Bonnemaison, habitant le sous-sol de la maison familiale, se révélera être l’élément sauveteur de son enfance morose puis le fil conducteur de sa jeune vie d’adulte. Une jolie partie pleine d’attendrissement qui fait entrer quelques rayons de lumière dans le récit. Mais même les jolies histoires d’amitié de Josiane se finissent assez mal, en général.
Dans la narration, j’ai été gênée, je vous en ai déjà parlé, mais je me dois de souligner que certains paragraphes sont très beaux, presque poétiques. Des mots qui s’interposent dans le familier et qui s’imposent.
« J’ai passé deux heures tiraillée entre le film illusionniste qui me mettait en scène et une lucidité qui traînait autour de l’écran. J’ai éteint la télé, la pénombre a envahi le lieu et j’ai laissé ma vie sur la chaise, cette nuit, un mégot consumé entre les doigts, une pensée rouillée au bout d’un temps irréversible. Il y avait juste un corps dans une pièce. »
En bref, c’est une lecture en demi-teinte, et je suis telle Josiane, je suis hésitante, entre-deux. Entre cette histoire noire mais révélatrice d’une société qui va mal, quand la douleur et le mal-être s’insinuent dès l’enfance ; ce qui pour moi est un sujet intéressant bien que sombre. Et entre cette écriture en état d’urgence et cette ponctuation fugitive. Je vous laisserai faire votre propre avis, pour ce sujet très personnel qui ne peut être ressenti de la même façon par tous.
Ma chronique sur mon blog : https://ducalmelucette.wordpress.com/2017/01/15/lecture-la-belle-histoire-dune-jeune-femme-qui-avait-le-canon-dun-fusil-dans-la-bouche-de-denis-faick/
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