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Magistral, universel, « Marche-frontière » est le sceau d’une haute littérature. Prenez le passage de l’écluse lorsque vous entendrez chuchoter les pas d’Ahmed Slama. L’heure pleine et affranchie de l’écoute et son universalité écorchée vive. Avant le mot, l’existence fragilisée par les diktats sociétaux. Glissez du bout du doigt les syllabes annonciatrices d’une délivrance sur la fenêtre des insistances. « Marche-frontière » est un plaidoyer, un aigle noir majestueux en plein vol. Dans le sombre d’un ciel désespéré mais volontaire et qui ne lâchera pas sa quête. Ici, c’est la vérité qui est douloureuse.
« Sans-papiers » n’est pas simplement la condition du présent. Ça vous colle au corps et à la mémoire. On les revit les épisodes précédents, dans et par le péril permanent, toujours imminent : l’angoisse du contrôle et sa chaîne logique : si contrôlé, arrêté, enfermé, CRA, expulsion. »
Ahmed Salma décortique l’ubuesque administratif. Anonyme, invisible, l’homme entre deux rives. La langue maternelle foudroyée avant sa plausible révolte. Les racines ancestrales détournées de la voie d’Or. Ce texte engagé, sans pathos, (nous sommes dans une autre dimension) est l’allié de l’identité qui cherche les preuves des sidérations. Le cornélien procédurier, la folie des épreuves pour prouver sa bonne foi, quête de survivance bafouée par les questions glacées et injustes.
« Seul le portefeuille était perdu, les cartes aussi, lors de cette balade au crépuscule, perte matérielle, seulement matérielle à laquelle succéderait l’administrative, ensuite c’est toute la mémoire qui s’écroulerait. »
Se soumettre, faire silence. Comment peut-on résister dans ce fleuve enivré par les courants des turbulences ? L’homme ubiquité, passerelle vacillante, fragilisée par les efforts d’endurance. « Marche-frontière » serre les poings, fait front à l’immanquable, aux faillites politiques.
« Reprendre le carnet des routes passées, poursuivre l’exploration des bribes du souvenir en quête de mémoire, de l’histoire personnelle et du nom. Dernière feuille : l’entretien avec l’agente du « Bâtiment ». « Marcher. Avancer. Rien de mieux pour se maintenir éveillé, réveillé. On titube un peu, il y a les genoux qui fléchissent de temps à autre. »
Écrire, le nom matrice, le cosmopolite, l’alphabet Babel. Étreindre la respiration gagnante. Être soi, manteau frigorifié sur les épaules frêles, pluie-larme, parapluie-pays (s). « Marche-frontière » est une page du monde qui attend fébrile le regard frère. Rencontrer Ahmed Slama et apprendre encore de lui, à l’infini. Échanger nos identités, puis les déchirer. Faire pacte commun, de concorde et d’amour. L’hospitalité étant la pierre angulaire de la fraternité. Marche-frontière est un livre d’utilité publique, le nom parabolique, lumineux et inestimable. Un témoignage encerclant et émouvant. Publié par les majeures Éditions Publie.net. (Une pensée pour la belle Anabela L. qui comprendra.)
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