On dit - parfois un peu trop facilement - que le hasard fait bien les choses. Mais ne boudons pas notre plaisir lorsque, déjà ravis de découvrir la rétrospective Chris Ware organisée dans le cadre du Festival de Bande dessinée d’Angoulême, nous tombons sur l’auteur américain lui-même et qu’il répond aux multiples questions qui lui sont posées !
Consacré l’an dernier par le Grand Prix, l’auteur ultra-culte de Jimmy Corrigan ou encore Building Stories, qu’on pourrait croire impassible au premier abord, est en réalité aussi profond que drôle, aussi rêveur que lucide. Chris Ware, dont l’univers singulier mérite une lecture fine et une attention au détail particulièrement aiguisée, raconte les mille facettes de l’humanité et du monde qui l’entourent… tout en s’amusant de la réalité du statut d’auteur de bandes dessinées : « Quand on voit un tableau dans un musée et qu’on ne le comprend pas, on se dit qu’on est un crétin. Quand on lit une BD et qu’on ne la comprend pas, on se dit que c’est le dessinateur qui est un crétin » !
Julie Doucet, pionnière de la BD féministe canadienne, enfin récompensée
Quelques heures plus tard, on retrouve le cartoonist pour ce qui constitue le temps fort de cette première journée du FIDB d’Angoulême. Sur scène, Chris Ware est chargé de remettre le Grand Prix 2022 du Festival de BD, et c’est la canadienne Julie Doucet qui reçoit le trophée. Sans doute moins connue dans l’Hexagone (du moins pour l’instant) que Pénélope Bagieu et Catherine Meurisse qui étaient également en lice cette année, la pionnière d’une bande dessinée engagée, parfois trash, invariablement puissante, se montre fidèle à ses engagements de toujours. « Je dédie ce prix à toutes les autrices du passé, du présent et du futur », clamera Julie Doucet, dont l’émotion palpable renvoie à un milieu de la bande dessinée qui n’a pas encore achevé sa mue et où le machisme, si on peut considérer qu’il recule doucement, reste encore une bien triste réalité. On se réjouira que ce Grand Prix mette ainsi en avant cette pionnière du féminisme dont l’œuvre subversive devrait désormais envahir nos librairies et bibliothèques.
En 2022, la bande dessinée se montre plus que jamais en prise avec le monde qu’elle expose, raconte ou critique, une volonté qui se manifestera avec force sous la forme d’un concert de dessins en solidarité avec le peuple ukrainien. Un moment poignant de la soirée, porté par de nombreux artistes internationaux et qui rappelle que, si Angoulême est en ce moment le cœur de l’univers BD, elle n’oublie pas cette tragédie qui secoue l’humanité.
Propos recueillis par Nicolas Zwirn
Bravo à Julie Doucet et au Canada pour ce prix !
Bonsoir, merci pour cette de chronique !
Félicitations pour ce Grand Prix!