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«La journée du mardi se passa bien. La nuit, maman fit des cauchemars. "On me met dans une boîte", disait-elle à ma soeur. "Je suis là, mais je suis dans la boîte. Je suis moi, et ce n'est plus moi. Des hommes emportent la boîte !" Elle se débattait : "Ne les laisse pas m'emporter !" Longtemps Poupette a gardé la main posée sur son front : "Je te promets. Ils ne te mettront pas dans la boîte." Elle a réclamé un supplément d'Équanil. Sauvée enfin de ses visions, maman l'a interrogée : "Mais qu'est-ce que ça veut dire, cette boîte, ces hommes ? - Ce sont des souvenirs de ton opération ; des infirmiers t'emportent sur un brancard." Maman s'est endormie.»
Elle donne dans ce livre le meilleur d'elle même, un côté secret qu'elle partage, en douceur et en douleur, beaucoup de tendresse et de sensibilité.
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"Devant le sac de paille, rempli de pelotes de laine et d'un tricot inachevé, devant son buvard, ses ciseaux, son dé, l'émotion nous a submergées. C'est connu le pouvoir des objets : la vie s'y pétrifie, plus présente qu'en aucun de ses instants." Dans "Une mort très douce", Simone de Beauvoir nous relate les dernières semaines de la vie de sa mère et son bras de fer perdu d'avance contre la grande faucheuse. Mensonge par omission, Simone et sa sœur Poupette ne peuvent avouer la dure vérité à Françoise de Beauvoir, hospitalisée suite à une malencontreuse chute. Des examens révélant un cancer à un stade avancé, elles préfèrent lui faire croire qu'elle vient d'être opérée d'une péritonite sans gravité.
Sentant la fin de sa mère qui approche, Simone se remémore son enfance et son adolescence, elle revient sur leur passé commun, se souvenant alors des divergences qui l'opposaient à cette mère possessive et dominatrice. Une femme pleine de vitalité et qui pourtant se refusait à croquer la vie à pleines dents, emprisonnée par le carcan d'une éducation rigide, amoindrie par les privations affectives de son enfance et désillusionnée par son mariage avec un mari volage. Une génitrice qui va reporter tout son amour sur ses enfants, un amour exclusif et tyrannique que Simone a parfois beaucoup de mal à supporter. Françoise de Beauvoir se montre à la fois fier et honteuse de l'insolente liberté de sa fille, lui reprochant (tout en lui enviant) une indépendance qu'elle n'a pu conquérir elle-même. Des relations houleuses que la maladie et l'approche de la mort vont aplanir !
Page après page, avec beaucoup de délicatesse et sans pathos, Simone de Beauvoir nous décrit les six dernières semaines de la vie de sa mère. La vie qui se délite de la chair de sa mère rongée par la maladie, le teint rose qui vire au jaune, un corps qui devient de plus en plus décharné par la maladie qui gagne du terrain, la pudeur qui s'efface devant la souffrance... Malgré la retenue dont elle fait preuve dans ce récit, on devine l'amour infini qu'elle portait à sa mère, sa douleur face à une perte irremplaçable et son incompréhension face à la mort, concluant son récit par ces mots : "Tous les hommes sont mortels : mais pour chaque homme sa mort est un accident et, même s'il la connaît et y consent, une violence indue."
http://leslecturesdisabello.blogspot.fr/search/label/De%20Beauvoir%20Simone
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