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C'est une grande artiste, à la fois égérie, aventurière et passionnée, qu'Emmanuel de Waresquiel a entrepris de sortir de l'ombre, à l'heure où plusieurs expositions dédiées à l'oeuvre de Félicie de Fauveau sont en préparation en France et à l'étranger. Son livre retrace la destinée romanesque d'une marginale, comme le fut à sa manière Camille Claudel. Née à Florence en 1801 et morte en exil à Florence quatre-vingt-cinq ans plus tard, en 1886, Félicie de Fauveau a porté en elle le rêve meurtri, fou et anachronique d'une monarchie idéale en plein siècle de la démocratie et du positivisme. Elle appartient à la caste sulfureuse des conspiratrices, des amazones, des aventurières de l'impossible. Elle s'est battue pour une cause perdue d'avance dans le bocage vendéen, en 1832, à cheval, le pistolet à la ceinture, vêtue à la façon des hommes. Elle a cru au destin glorieux d'un jeune roi qui ne régnera jamais et finira, comme elle, sa vie en exil. Elle a été ce qu'on appelait à l'époque légitimiste, défendant la cause d'une vieille dynastie tombée une première fois le 10 août 1792, puis une seconde fois au pied des barricades de la révolution de juillet 1830. Cet exil, Félicie l'a aussi connu dans la diversité parfois équivoque de ses relations amoureuses. Le premier homme qu'elle a aimé a été tué a vingt ans, fauché par une balle républicaine, en défendant la même cause qu'elle. La femme auprès de qui elle s'est abandonnée avec passion, avec fureur, est longtemps restée dans le secret de son trouble et de son admiration, parce que l'époque le voulait ainsi, parce que personne alors n'aurait compris le sens profond de la vie partagée de deux femmes égarées dans un rêve commun. L'une était le " maître " et l'autre son " écuyer ". Félicie de Fauveau ne s'est jamais mariée et a vécu de son seul travail. En plein XIXe siècle, elle a fait le choix difficile de l'indépendance et de l'insoumission. Sculptrice étonnamment douée, elle a transformé, dans ses ateliers de Paris puis de Florence, les idéaux de sa jeunesse en une esthétique romantique inspirée du Moyen Âge et de la Renaissance, qui lui a valu d'être remarquée et appréciée par Stendhal, Alexandre Dumas, Balzac et Théophile Gautier. On a vu en elle un Benvenuto Cellini moderne. À Florence, bien que proscrite, elle a travaillé pour les rois et les princes de presque toute l'Europe. Mais son image de pasionaria et de rebelle a nui à sa reconnaissance officielle. Aujourd'hui, comme ce fut le cas pour Camille Claudel, le temps est venu de la réhabiliter. Emmanuel de Waresquiel s'y emploie avec brio, mêlant la sensibilité de l'écrivain à la rigueur de l'historien, pour nous faire admirablement découvrir son héroïne et l'aimer à notre tour.
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