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Écrivain, éditeur, Jean-Claude Guillebaud a été journaliste, grand reporter à Sud-Ouest, au Monde, au Nouvel Observateur et chroniqueur à La Vie.
Entre catastrophisme ostentatoire et dérision désabusée, notre époque aime à se vêtir de noir.
Pourtant, il n'y a pas d'ombre sans lumière. Car l'espoir et la volonté d'agir, l'énergie et la soif de bonheur sont les aspirations les plus naturelles de l'homme.
Dans ce texte très personnel, Jean-Claude Guillebaud s'insurge contre la désespérance contemporaine et nous convainc que, décidément, l'avenir a besoin de nous.
L’espérance est comme une flamme qui, constamment renaît. On peut dire aussi qu’elle est une énergie profonde qui respire et pulse à la manière de l’océan. La désespérance survient quand toutes ces choses –pulsation, ressac- s’arrêtent. C’est le cas aujourd’hui. Mais qui donc a étouffé la flamme ?
Une question à laquelle Jean-Claude Guillebaud s’efforce de répondre dans cet essai avec des mots simples pour des maux multiples.
Pour lui, l’origine pourrait être la guerre 14-18. En effet, les soldats sont partis se battre au nom de la patrie « Quand on dit aujourd’hui que le patriotisme et le souci des autres sont passés de mode, c’est indirectement de cette gabegie initiale que l’on parle. »
« Après elle, le « je » l’aura durablement emporté sur le « nous » et le souci de soi aura prévalu sur la générosité sacrificielle, tant cette dernière fut honteusement manipulée à Verdun, aux Eparges ou ailleurs. »
« 1914-1918 fut le « déclencheur ». Au terme symbolique du XXème siècle, toutes les « valeurs » dont se prévalait l’Europe se retrouvèrent corrompues, tordues, salies, déconsidérées. »
Jean-Claude Guillebaud, très conscient du désespoir qui nous entoure, pousse un livre de colère contre tous les pessimistes mondains, les railleurs, tous ces fervents paroissiens de l’église du pessimisme, du défaitisme, de l’égoïsme, du cynisme, du « chacun pour soi et Dieu pour moi » qui jouent sur du velours en cette période de crise économique et de violence. « Le cynisme me fait horreur, et la désillusions m’apparaîtrait comme une trahison. Mon optimisme n’a pas « survécu » aux famines éthiopiennes aux assassinats libanais ou aux hécatombes du Vietnam. Tout au contraire, il leur doit d’exister, il s’est nourri et fortifié de ce que j’ai vécu là-bas ». « Une société qui n’est plus « tirée en avant » par une valorisation de l’avenir, une société sans promesse ni espérance, est vouée à se durcir. Ramené à lui-même et cadenassé sur sa finitude, le présent devient un champ clos ».
Il nous propose de réagir, de ne plus accepter béatement et benoitement, la pensée unique de l’inespoir inoculée à chaque instant par les media, les hommes politiques qui montrent une absence totale de vision et d’action. Le monde associatif palie à cette absence et sa vitalité contrebalance la médiocrité politique. Bien sûr, il n’a pas le Pouvoir, mais les mouvements alternatifs travaillent à la mutation du monde de demain.
Pour Jean-Claude Guillebaud, nous ne sommes pas dans une société en déclin, mais en pleine mutation ; une nuance très importante à mes yeux. Les mutations que ce soit dans le domaine de la mondialisation ou globalisation, des finances, de la biogénétique, de l’écologie ou du numérique ne devraient pas nous apeurer si nous mettons en premier les valeurs humaines et sociales et non la rentabilité immédiate. Il nous explique ceci dans le chapitre 6, un autre monde est possible, qui commence par cette très belle phrase de Gandhi : « Un arbre qui tombe fait beaucoup de bruit, une forêt qui germe ne s’entend pas. »
Les transmutations en cours sont porteuses en effet d’autant de menaces que de promesses. Leur devenir dépend par conséquent de notre discernement, puis de notre détermination. Nous sommes coresponsables de ce qu’elles enfanteront demain. Il nous appartient, à nous citoyens, de faire le tri entre menaces et promesses. L’avenir, en somme, a besoin de nous. Quelle confiance vous nous faites, et quelles espérances vous portez !
Lorsque vous nous parlez de l’Europe, vous écrivez tout haut ce que nous disons tout bas. « L’acte unique, en effet, voulu par François Mitterrand, était une imprudence, pour ne pas dire une faute historique. On jetait ainsi les fondements d’une guerre économique entre les peuples d’Europe dont nous ne sommes jamais sortis. Comme introduction à la « paix éternelle » en Europe, cela commençait mal. On se trouvait piégé en outre dans une contradiction ubuesque : comment faire du « plus » en additionnant du « moins » ? Comment instaurer une souveraineté plus forte en juxtaposant des souverainetés nationales rendues plus faibles ? Loin de nous protéger contre une influence venue d’outre-Atlantique la construction européenne en devint le cheval de Troie et fit entrer ce « modèle » chez nos, en contrebande. Le centre de gravité de la Commission de Bruxelles favorisa la chose. Au final, le « projet » européen devenait agressivement néolibéral, mimétiquement américain, vidé de son sens et étranger à la culture historique du continent ». Là aussi, vous indiquez un chemin « Plus question de commence par l’économie ou de miser sur une avant-garde de « bâtisseurs » en reléguant les peuples au second plan ; plus question de parier sur l’effacement programmé des nations ou d’oublier l’approche européenne de l’économie de marché Bref, le chantier est à nouveau devant nous. On appelle ça une refondation. »
J’aime votre désir, votre espoir, votre colère. J’aimerais que nos hommes politiques, qui se déchirent pour un manteau de pouvoir, lisent vos écrits et s’en inspirent. J’aime votre optimisme, pardon, votre espérance. J’aimerais que les enfants du divorce entre le monde politique, syndical et la société civile, la vie associative ne soient pas écartelés, mais constructeurs d’une société plus juste.
Vous avez côtoyé, dans votre carrière de journaliste, le pire ; assisté à la démolition par les bombardements suivie d’une reconstruction immédiate au Liban. Vous êtes très lucides sur notre société et votre espérance n’est pas naïve. Tout comme Monsieur Hessel, Lucie Aubrac et tant d’autres résistants, souvenons-nous : Un autre monde respire déjà et Souviens-toi du futur (titres de deux chapitres). Alors que j’essayais d’écrire cette chronique, Jean-Claude Guillebaud était l’invité du Grand Entretien de François Busnel.
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