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Finaliste du Man Booker Prize et lauréat du Guardian First Book Award pour Le Coeur qui tourne, l'écrivain irlandais Donal Ryan confirme son talent avec ce second roman grave et singulier, portrait de l'Irlande d'aujourd'hui et récit bouleversant d'un homme qui ne trouve pas sa place.
Jeune paysan naïf et solitaire, Johnsey vit à l'écart du monde. Il travaille à la coopérative du village, avec sa famille pour seul lien. à la mort de ses parents, il hérite de leur ferme, éveillant aussitôt la jalousie de la communauté. Et lorsqu'un consortium promet la prospérité au village en échange du rachat de ses terres, Johnsey refuse. Il devient dès lors un ennemi aux yeux des villageois, qui lui déclarent la guerre...
Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe raconte, au jour le jour, le combat d'un homme seul qui tente par tous les moyens de trouver un sens à sa vie dans un monde qui en est dénué. Donal Ryan livre au passage une formidable critique de la société moderne et du matérialisme qui vient à bout de toutes les valeurs et de tous les idéaux.
« Donal Ryan apporte une nouvelle fois la preuve de son incroyable talent. » The Independent
Découvert avec Le cœur qui tourne, son premier roman qu’il avait présenté à la Fête du livre de Bron, revoici l’écrivain irlandais Donal Ryan ! Franchement, j’avais eu un peu de mal avec ce roman choral, Le cœur qui tourne, alors que là, l’auteur s’attache à un seul personnage et tout ce qui gravite autour, durant une année entière, Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe.
L’Irlande loin du folklore et du tourisme est à nouveau bien présente car Donal Ryan sait plonger son lecteur dans le quotidien de vies pas faciles, à la campagne, ou à proximité d’une ville. Ici, c’est un jeune homme simplet, « un gros demeuré », nommé Johnsey, un garçon attachant que l’on aurait envie d’aider alors que presque tout se ligue contre lui.
D’emblée, il y a Eugene Penrose et sa bande. Ils s’acharnent sur lui quand il rentre du travail à la coopérative où Packie Collins lui a donné un travail par respect pour son père. Hélas, celui-ci est mort et son épouse ne s’en remet pas. Les Unthank semblent bien attentionnés mais « L’odeur de papa s’attarde partout. »
Johnsey, harcelé depuis l’adolescence par des garçons avec lesquels il jouait à l’école, est triste, pense souvent aux filles, sans espoir : « C’est dans sa chambre qu’il réfléchit le mieux. Quand on gamberge trop, on risque de se bousiller complètement le cerveau. »
Chacun des douze mois jalonnant le récit débute par de très touchantes considérations sur le temps qu’il fait, sur la nature ou sur les travaux de la ferme. Orphelin, Johnsey subit la commisération des autres villageois qui lui disent qu’il peut passer quand il veut : « Leur porte lui serait toujours ouverte. Il aurait aimé voir leur bobine s’il les avait pris au mot. » C’est tellement juste et bien vu !
Hélas, on sent bien que rien ne va s’arranger mais l’auteur sait bien mener sa barque. Les terres familiales dont Johnsey est le seul héritier sont très convoitées. Fidèle à ceux qui l’ont précédé, il se refuse à vendre.
L’auteur sait faire toucher du doigt les ravages causés par la misère, le chômage, l’emprise de la religion et le pouvoir de ceux qui s’entendent à manipuler les gens en distillant mensonges et fausses promesses : « Maman avait bien raison. Les gens disent et croient ce qui les arrange ; pour qu’une chose se change en vérité, il suffit qu’il y ait assez de monde pour la crier haut et fort. ».
Impossible d’en dire plus mais il faut tout de même citer Dave Charabia, le seul véritable ami qu’ait eu Johnsey et surtout Siobhán, celle qui fait naître un espoir fou dans l’esprit du lecteur… Johnsey Cunliffe peut-il s’en sortir ?
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Johnsey n'est certainement pas "le couteau le plus affuté du tiroir", il a tout du simplet de village, d'un Candide victime presque volontaire des autres jeunes. Il a du mal à aligner des phrases cohérentes et préfère souvent se taire parce qu'il craint de ne pas savoir mettre ses mots dans l'ordre. Heureusement que Jackie et Sally, ses parents, protègent ce grand et gros couillon mal dégrossi.
Sauf que..les parents meurent tour à tour et leurs terres valent un paquet de fric et qu'elles intéressent des promoteurs, "le consortium".
Sauf qu'un tabassage en règle par les crapules du coin l'envoie à l’hôpital où il rencontre Dave Charabia, blessé lui-aussi, et surtout Siobhan la jolie infirmière.
Sauf que Johnsey le benêt, supposément devenu riche par la possession des terres héritées) devient l'ennemi du village.
Le roman commence en janvier pour finir en décembre, une année en portraits et péripéties dans la vie de ce drôle de gars, un chapitre par mois qui débute par des considérations sur les saisons et le travail à la ferme, rappelle des souvenirs d'enfance du temps où les parents de Johnsey étaient vivants. Une année bien courte finalement tant elle bouleverse radicalement la vie de cet anti-héros pas si nunuche qu'il en a l'air.
« Voilà à quoi on reconnaît le mois de décembre : il file en un éclair. Vous fermez les yeux et déjà il est passé. Comme si vous n’aviez jamais été là. »
Qu'est-ce que je l'ai aimé ce ravi de la crèche et son embarras, son asocialité involontaire, son regard sur l'amour et l'amitié et surtout sa loyauté ! Une bonne pâte bien tendre mais qui nous ouvre les yeux sur le manque d'humanité de nos congénères ! Il est tour à tour émouvant ou agaçant, se dépréciant sans cesse ; on le plaint pour ses maladresses et sa solitude mais son bon sens et son humanité font un sacré pied de nez à la méchanceté et à la cupidité ambiantes !
Le style de l'auteur est toujours aussi fluide et ose les traits d'humour (quand un cathéter devient un "chat-têteur" dans la bouche de Johnsey) mêlés à un brin de poésie nostalgique à l'irlandaise, faisant ainsi de ce roman une comédie flirtant avec le roman noir.
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