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Une petite bourgade de province, ses notables, ses domestiques et sa rumeur. Charles Bovary, un jeune homme mal assuré, vient s'y établir à l'issue de ses études, suivant docilement la voie que sa mère a tracée pour son fils unique. Il épouse en premières noces une femme plus âgée que lui et richement dotée. Mais, en âme sensible et dévouée, Charles rêve de grand amour et veut fonder une famille.
Dans un exercice virtuose, l'auteure réécrit l'histoire de Madame Bovary du point de vue de Charles et dresse le portrait d'un homme, au XIXe siècle, qui peine à remplir le rôle que la société lui a assigné. Différent et vulnérable dans les sentiments qu'il exprime, dans la place qu'il donne à l'amour et au désir, Charles Bovary émerge d'entre les lignes du récit conté par Isabelle Flaten comme un homme de notre temps.
Isabelle Flaten donne voix et vie à Charles Bovary
Quelle belle idée que de vouloir sortir Charles Bovary du flou où l’a positionné Flaubert, quel jeu difficile que de vouloir le faire vivre sans copier Flaubert ! Isabelle Flaten y arrive fort bien et son livre, d’une lecture très agréable, éclaire un homme attachant.
C’est le vœu de sa mère qu’il soit médecin, il ne sera qu’officier de santé, mais qu’importe, elle le marie avec une riche veuve plus âgée que lui, revêche pour augmenter le plaisir. Il passe de sa mère à sa femme sans qu’on lui demande son avis. Que voulez-vous, c’est un bon fils ! Mais attention, ce n’est pas un benêt, un niais, un sot… C’est seulement un bon fils qui apprécie la simplicité, une certaine tranquillité et, surtout, qui voudrait être heureux et…. qui laisse faire la vie.
Et puis vient Emma, fille d’un de ses patients. Dès le premier regard, il sait qu’il est amoureux, épris d’elle et que c’est pour la vie. « Au fil de leurs rencontres, cela se confirme, entre Emma et lui les choses se passent à merveille. »Pour une fois, il se sent acteur de sa vie. Il épouse la jeune fille une fois le délai séant passé. Après quelques mois d’un bonheur parfait, il se rend compte, sans se l’avouer, qu’il n’arrivera jamais à contenter son Emma. Il paiera très cher pour cela. Heureusement, partir au galop sur son cheval, visiter ses malades, les recevoir dans son cabinet le remplissent d’une joie pure et simple. Lui qui a embrassé l’état de médecin pour faire plaisir à sa mère, le devient par passion et s’abonne à plusieurs revues pour augmenter son savoir. Oui, c’est un bon médecin.
Lui qui rêvait d’une vie harmonieuse avec femme et enfants, se retrouve avec une seconde épouse bipolaire, des dettes abyssales, alors, qu’en épousant Emma, il pensait reprendre la main sur sa vie réglée par sa mère. La naissance de leur fille ne change rien au programme. Mauvaise épouse, elle sera mauvaise mère
Isabelle Flaten connaît très bien Madame Bovary, elle décortique les mœurs de l’époque, le mariage arrangé auquel Charles se plie parce qu’il ne connaît pas autre chose. Charles fait partie des notable de cette petite ville provinciale. De ce fait, il est suivi par tous les yeux des voisines qui cancanent à cœur joie lorsque tout va mal.
Gustave Flaubert, lorsqu’il écrit Madame Bovary dépeint les mœurs de l’époque avec une joie féroce, mais… en homme de son temps, y semble bien à l’aise.
J’ai aimé cette lecture, cette revisite côté Charles. L’écriture d’Isabelle Flaten est dansante, changeante, légère avec une touche d’ironie. Comme un impressionniste, elle dépeint Charles par petites touches, sans s’appuyer, tout en lui donnant de la profondeur. Elle fait le portrait d’un homme plus complexe, fragile, mais bien campé dans sa campagne normande. Roman miroir dont j’ai apprécié la pirouette finale malicieuse
Un livre, une écriture qui furent un grand moment de plaisir
Livre lu dans le cadre d’une opération Lecteurs.com que je remercie vivement comme les Editions Anne Carrière. Pardon pour le retard mis à publier.
Une lecture très agréable. L'envers du décor en quelque sorte... Pourquoi M. Bovary ne serait-il pas aussi important que madame?
Une belle écriture, des émotions décrites brillamment et une fin de récit plutôt surprenante.
Une belle découverte : celle d'une auteure toute en finesse!
Puisque Flaubert se serait écrié "La Bovary, c'est moi !", pourquoi Isabelle Flaten ne s'emparerait-elle pas de Charles qui lui, n'est pas Gustave ? Opérant ainsi par la même occasion un malicieux clin d’œil à toutes les théories du genre et autres polémiques en vogue (un petit trait qui pointait déjà à la lecture de Triste boomer, son savoureux précédent roman). C'est la liberté suprême de l'écrivain, celle de la littérature tout entière en fait. Quel lecteur n'a pas rêvé de retoucher un peu une histoire, de changer la fin ou d'en savoir plus sur un personnage trop peu développé à son goût ? L'exercice auquel se livre Isabelle Flaten n'est pas une réécriture mais plutôt un changement d'angle ; là où Flaubert précipitait son lecteur dans les pensées (torturées) d'Emma, l'autrice entreprend d'éclairer celles de Charles peu épargné par Gustave à l'époque, comme la majeure partie de la joyeuse compagnie provinciale qu'il se faisait un plaisir d'égratigner. Ce n'est pas non plus une entreprise de réhabilitation, juste peut-être un désir né d'une compassion envers cet homme sous influence depuis son plus jeune âge et que l'autrice nous présente comme un individu épris de simplicité, d'harmonie et de tranquillité. Couvé par une mère aigrie par sa propre expérience matrimoniale, marié presque de force à une femme bien plus âgée que lui, poussé à la médecine par des ambitions qui ne sont pas les siennes, sa rencontre avec la jeune Emma lui fait entrevoir une perspective inédite de bonheur et sans doute de maîtrise. La suite, on la connaît si on a lu Flaubert mais on ne sait rien des sentiments qui traversent cet homme qui peut passer pour faible comme souvent les gentils.
L'écriture d'Isabelle Flaten, sa façon de manier la langue que j'avais déjà particulièrement appréciée dans Adelphe réussissent non seulement à faire de cette lecture un vrai plaisir - qui peut donner envie de lire ou relire Madame Bovary - mais également à chasser toute tentation de comparaison. Il y a du rythme, de la verve, elle tresse habilement les éléments assimilés du roman de Flaubert notamment les traits de caractère de Charles, cette tendance à s'en remettre au destin, tout en élargissant la focale et en épaississant son personnage. Le bonhomme absorbe les chocs, pense parfois à se rebeller et sous la plume empathique de l'autrice entrevoit même la possibilité que l'histoire racontée par Flaubert n'ait pas tout à voir avec la réalité. Ultime pirouette née du pouvoir suprême de la plume, à condition qu'elle soit de qualité, et c'est bien le cas ici.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
Prodigieux, un livre-somme. Si vous voulez vous approchez du secret, lisez cette épopée digne d’un bovarysme éclatant.
Dans les plis de ce roman édifiant, l’ascension fabuleuse d’une autrice, Isabelle Flaten, remarquable et sublime, tant son intuition, ici, est une gageure.
« Un honnête homme » un portrait de constance et de bravoure, celui de Charles Bovary.
Le charme fou d’une écriture qui ensorcelle. Nous sommes en plongée dans l’immédiateté d’un chef-d’œuvre.
Un récit intense, brillant, qui rassemble l’épars, la vie de Charles Bovary, réhabilitée, le double-cornélien d’Emma Bovary, l’inoubliable de Gustave Flaubert.
D’emblée l’ambiance est posée. Le style résolument accrocheur, signifiant, surdoué. Un livre unique dont l’aura est le papier calque de l’époque-même. C’est ici, la beauté suprême de « Un honnête homme ». Écrire une mise en abîme en mimétisme absolu. Le futur classique vient d’éclore.
« Entre Héloïse Dubuc et lui, les choses ne vont pas comme il l’avait prévu. Il s’était figuré le mariage telle une grande porte ouverte sur un lendemain prometteur. Il lui semblait qu’avec une épouse à son bras, il allait pouvoir emprunter la route commune, être de plain-pied parmi les autres. Jusqu’à ses noces, il avait été emmuré dans une forme d’exil difficile à identifier... ».
« Et de la même façon, toujours aplati sur son caillou, il déplore ce triste sortilège qui a converti son propre mariage en punition et sa femme en succube. Quoi qu’il fasse, quelle que soit la manière dont il s’y prend, Héloïse le blâme, rien ne va comme il faut ».
Lui, jeune médecin, dont la mélancolie est un ricochet sur la rivière de ses jours. Mal-aimé, dont la nostalgie est désespérante. Héloïse est beaucoup trop âgée pour lui, aigrie et pernicieuse. Vieillissante, méfiante, voire méchante, la tendresse inexistante, les murs gris de leur antre donne le vertige à Charles. « Il escompte que demain sera un jour lumineux, un baume sur l’obscurité d’hier ». Il résiste, soigne ses patients avec cette bonté qui déborde de lui. Magnanime, jusqu’au risque de s’écrouler, l’abnégation au plaisir, les malades sont un garde-fou. On aime si fort ce jeune homme pétri d’humanité, triste comme la pluie en plein hiver, dans la disgrâce de ses jours. Héloïse va mourir. Il laisse le radeau voguer sur les flots. L’indifférence pourtant l’accable. Manichéen quelque peu, les persiennes closes, il ne connaît pas l’amour pour se plaindre. Jusqu’au jour où il rencontre une jeune fille puérile de dix-sept ans dans une ferme, son père s’est blessé. Charles, le docteur, tel le Phénix renaît. Il perçoit enfin l’envoûtant frisson de la connaissance.
« À peine a-t-il franchi le seuil de la ferme qu’Emma interrompt aussitôt ce qu’elle était en train de faire pour se consacrer entièrement à lui… Emma a des enthousiasmes d’une spontanéité qui le ravit, un rien l’exalte, un rayon de soleil comme la moindre anecdote issue de sa bouche. Elle rêve maintenant à voix haute de poursuivre la conversation ailleurs, impatiente d’échapper à la monotonie de cette fichue campagne ».
Ils vont se marier. Emma est une femme-enfant. Elle qui a connu le couvent, l’éducation stricte. Le regard baissé sur le monde. Éprise de romans sentimentaux, elle idéalise sa vie. Charles est éveillé, vif, et attendrissant. Une soumission insidieuse, Emma qu’il aime plus que tout au monde, le piège se referme. Elle, secrète et introvertie. Rêveuse et envieuse voire chimérique. Bipolaire, égocentrique, elle est l’anti-héroïne de ce récit valeureux pour Charles. Lui, qui pourrait prétendre être notre contemporain. Avec les désirs d’un homme qui se voudrait père et maternant. Le socle d’une famille ordinaire en quelque sorte. Charles,un homme juste, simple et intègre. Le paradoxe avec Emma, frivole et inconstante. Lui, s’enferme dans le déni. Emma cherche le plaisir, la reconnaissance sociale. Frustrée et incomprise, capricieuse et qui sera pour la petite fille qui va naître une mauvaise mère. Comment Charles va-t-il affronter les épreuves ?
« Il sait qu’elle lui en veut de son inaptitude à se fondre dans le moule mondain, tout comme il lui en veut de s’épanouir sans vergogne dans les vanités ».
Emma vit une double-vie. Mirages et fantasmes, elle trompe Charles effrontément. Elle jongle avec ses propres mensonges. Les fondations vacillent. Le foyer prend l’eau. L’argent fond comme de la neige au soleil. Charles est sur le fil. Un ange-gardien aux ailes coupées. Le choc des vérités vont altérer ses sentiments. Emma est un oiseau blessé. Peut-il encore sauver son âme ?
Magnétique, grandiose, cinématographique, lucide, « Un honnête homme » rend hommage à Charles Bovary et remet d’équerre l’énigme bovarienne. Dans une langue époustouflante de justesse, le triomphe d’une histoire , la véritable présence humaine de Charles Bovary. Publié par les majeures Éditions Anne Carrière.
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Merci Nicole pour cette bien sympathique chronique . Ce doit être un roman là bien aimable . Belles lectures . Prenez soin de vous