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En 1976, à Hong Kong, Tiziano Terzani rencontre un devin qui le met en garde : « Ne prends surtout pas l'avion en 1993 ! » Seize années plus tard, le 31 décembre 1992, il décide de respecter la prophétie.
Pendant un an, il voyage en train, en bateau, en bus ou à dos d'éléphant, et redécouvre une Asie que le voyageur pressé ne connaît plus.
Cette année sans prendre les airs est le prétexte pour brosser l'un des tableaux les plus riches et les plus vivants jamais peints de l'Asie, de sa culture propre, de sa spiritualité et de ses peuples.
Avec lui, on suit la chasse aux esprits dans les ruelles de Bangkok, l'hystérie géomancienne des généraux birmans, les pelotons d'exécution des khmers rouges au Cambodge, et l'on découvre un continent aux prises avec ses propres démons.
Écartelée entre une modernisation à travers laquelle se dessinent les prémices de la mondialisation et des cultures ancestrales souvent garantes du lien social, c'est une zone du monde en pleine mutation où nous entraîne l'auteur.
Dans chaque pays visité, Terzani va aussi à la rencontre de nouveaux devins, une façon de jouer avec le prétexte même de son périple et de confronter la prédiction initiale aux dires de nouveaux prophètes, pas toujours très inspirés, mais c'est surtout une façon d'approcher comme personne avant lui la spiritualité propre à ce continent si fascinant.
Souvent comparé à Kapuscinski, à Bruce Chatwin ou à Nicolas Bouvier, Terzani signe ici un très grand livre.
« Dans la vie, il se présente toujours une bonne occasion. Le problème, c'est de savoir la reconnaître et parfois ce n'est pas facile. La mienne, par exemple, avait tout l'air d'une malédiction. Un devin m'avait dit : "Attention! En 1993, vous courrez un grand risque, celui de mourir. Cette année-là, ne volez pas, ne prenez jamais l'avion." Cela s'était passé à Hong Kong. J'avais rencontré ce vieux Chinois par hasard. Sur le moment, ces mots m'avaient frappé, évidemment, mais cela ne m'avait pas tracassé. Nous étions au printemps de 1976, et 1993 me semblait encore très loin. Toutefois, je n'avais pas oublié cette échéance. Elle était restée dans mon esprit, un peu comme la date d'un rendez-vous auquel on n'a pas encore décidé si on ira ou non. »
Terziano Terzani décide de suivre les prédictions l’oracle et ne prendra pas l’avion pendant une année. Bon prétexte pour renouer avec l’Asie qu’il a connue quelques années plus tôt, qu’il aime. Il en voit le changement, la « modernisation », autrement dit l’occidentalisation.
Une année, non pas entre parenthèse, mais une année de flânerie, de méditation, de réflexion, de poésie, de rencontres, de retrouvailles… bref, une année très riche. Le Journaliste, correspondant en Asie de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel redécouvre le plaisir des voyages lents, la vie quotidienne « Tous les endroits se ressemblent quand on les atteint par l’avion, sans un effort minimum : de simples destinations séparées entre elles par quelques heures de vol. »
Dans chaque ville, chaque village, chaque pays où il séjournera il demandera l’adresse d’un voyant. Les résultats ne sont pas toujours à la hauteur, mais… il y a toujours un petit quelque chose. Est-ce l’art divinatoire, est-ce l’habitude d’observer leur « client », est-ce de la psychologie, est-ce son besoin d’y trouver quelque vérité. En occident, officiellement, on se gausse des personnes qui consultent, « En Asie, en revanche, la sphère occulte sert encore aujourd’hui pour expliquer les faits divers, au moins autant que l’économie et, jusqu’à une époque récente, l’idéologie. ».
Avec ce voyage tout en lenteur il redécouvre la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge, le Vietnam… Ce qu’il y voit ne lui plait pas trop. En effet, une occidentalisation (une américanisation) à marche forcée fait disparaître toutes les vieilles habitations, les vieux quartiers et, même, la spiritualité asiatique. Les villes ne respirent plus, aucun courant d’air frais ne vient rafraîchir les habitants, étouffés par les tours, autoroutes construites sans schéma (cela me fait penser à ses autoroutes françaises construites dans des couloirs d’orages, de neige, avec tous les désagréments)
Terziano Terzani nous fait découvrir l’autre face du « progrès », de la modernisation de l’Asie. Ce livre, biographie, carnet de voyage, grand reportage ; un peu roman d’aventure, philosophique, spirituel ne se lit pas d’une traite. Comme l’auteur décide de prendre son temps pour voyager, j’ai fait des escales qui m’ont permis de réfléchir à ce qui est écrit. Oh ! Je vous vois venir ! Non, ce n’est pas barbant du tout, au contraire.
L’écriture, classique, est belle. Je pense que la traduction lui a gardé cette beauté. J’ai aimé ce voyage dans le monde asiatique des sciences occultes. Ce que l’auteur dit sur la destruction de la spiritualité asiatique est plus inquiétant car il me semblait que c’était la base de leur civilisation.
Une pépite qui se déguste sur la longueur. La 4ème de couverture est un très bon résumé. e ne suis pas certaine d'en avoir bien parlé, mais j'aimerais vous avoir donné l'envie de le lire.
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