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« La première fois que j'ai vu Sylvia, Angela et Gigi, ce fut au cours de cet été-là. Elles marchaient dans notre rue, en short et débardeur, bras dessus bras dessous, têtes rejetées en arrière, secouées de rire. Je les ai suivies du regard jusqu'à ce qu'elles disparaissent, me demandant qui elles étaient, comment elles s'y étaient prises pour... devenir. »
Dans les premières pages j'ai été perdue. Je ne comprenais pas la chronologie ni le sens de ce que je lisais. On est quand ? Qui a fait quoi ? Combien d'années se sont écoulées ? J'ai parfois du mal avec ces formes de narration qui ne précisent pas, où j'ai l'impression qu'on passe du coq à l'âne sans crier gare. Pourtant je me suis dit que j'allais aimer.
August, la narratrice, ça aussi ca m'a perdue car je croyais qu'August était le petit frère… Donc August nous promène dans ses souvenirs qu'elle sème comme le petit Poucet ses cailloux, çà et là un peu au hasard. J'ai eu aussi l'impression de les suivre comme on pose ses pieds sur des pas japonais.
Elle a quitté le Tennessee pour Brooklyn, avec son père et son frère, laissant derrière eux leur mère.
Ça a le goût de l'enfance, comme quand on repérait une ou plusieurs filles rigolote avec qui on rêvait de devenir amie, nous, petite nouvelle débarquée d'ailleurs, très seule. Mais dans l'enfance, dans toutes les enfances, des ombres rôdent…
Il y a tout le sordide autour, dans les étages et les rues de Brooklyn, les paumés, les junkies, les pervers, les prostituées.
August et son petit frère sont en manque de leur mère restée dans le Tennessee car elle parle avec son frère, mort au Vietnam.
Il y a de la poésie et de la beauté dans ces lignes et toute la laideur de la misère, mais aussi la honte et les complexes provoqués par le regard des autres. Je m'y suis un peu ennuyée parfois, j'y ai trouvé quelques longueurs, jusqu'à environ un quart, mais ensuite c'est devenu totalement addictif.
Qu'elle est belle cette histoire d'amitié sans barrière, où la condition sociale n'a d'importance que pour certains adultes, qui nous parle du temps qui passe, des blessures de la vie, des manques et des joies, des deuils de toutes sortes, tels celui de l'enfance, de ses rêves, et de ceux qu'on aime.
Réminiscences d'une adolescence avec ses rencontres, ses découvertes, ses dénis. On revit avec August cette période bénie où une vie se construit au fil des années avec ses joies, ses peines, ses rêves. Une histoire de fille, de femme en devenir dans le Brooklyn des années 70, mais qui aurait aussi bien pu se situer ici et maintenant. Une écriture sobre et concise, des chapitres courts, ce roman se lit d'une traite.
Lu dans le cadre du Club de lecture de février 2018 à la librairie L'Attrape-Mots.
L'histoire se passe à New-York, dans un quartier de Brooklyn : Bushwick, dans les années 70. Ce quartier, aujourd'hui très branché, temple du Street Art, était, à l'époque (jusque dans les années 90), le plus dangereux de la ville. Il était le repère de trafiquants de drogue, de la prostitution, des règlements de compte... Les "blancs" quittaient le quartier par vagues.
L'héroïne, August, venant de son Tennessee natal, y a habité pendant son adolescence avec son père et son frère. Elle y revient, vingt ans après, pour y enterrer son père. Lui reviennent alors des images de cette époque où adolescente, elle avait tout à découvrir.
Avec Sylvia, Angela et Gigi, elles formaient un quartet de filles avides d'expériences. A quatre, elles se sentaient toutes puissantes pour affronter les premières fois de l'adolescence, liées par une amitié sans faille. Et pourtant, le passage à l'âge adulte ne se fera pas sans douleurs. Dans un quartier où le danger est partout et où elles ne peuvent faire confiance à personne. Elles seront unies dans leurs malheurs, leurs angoisses mais aussi dans leur espoir d'une vie meilleure.
L'auteur évoque, aussi, la lutte des afro-américains pour l'égalité des droits à travers les personnages du père et du fils. Ils épousent les idées politico-religieuses de la Nation de l'Islam, dont une personne clé n'est autre que Malcom X. Martin Luther King est mort assassiné le 4 avril 1968. Alors que Rosa Parks, à Montgomery, en Alabama, le 1er décembre 1955, refuse de se lever pour céder sa place à un blanc dans un bus. Malgré toutes ces luttes et bien d'autres, rien n'a vraiment beaucoup changé pour les Noirs d'Amérique en 1970. Jacqueline Woodson nous le fait bien sentir dans sa prose.
La narration de ce livre est particulière. Elle fait penser à des Haïkus (poèmes classiques japonais faits de 17 syllabes réparties en 3 vers). D'ailleurs, l'épigraphe du roman est un haïku de Richard Wright tiré de son livre "un autre monde" :
"Descends jusqu'en bas
Tourne à droite et tu verras
Un pêcher en fleur."
Jacqueline Woodson, l'auteur, a vécu, elle-même, dans le quartier de Bushwick. Elle n'a pas voulu s'inspirer de sa propre histoire mais s'en est imprégnée pour créer ces quatre adolescentes. "Un écrivain écrit pour exister. Comme je voulais transposer sur une page le souvenir du Bushwick de mon enfance, j'ai inventé quatre filles fascinantes qui m'étaient étrangères, m'éloignant de ma propre enfance. Puis je les ai enracinées dans un quartier qui m'était aussi familier que l'air que je respire." (page 165).
Jacqueline Woodson a, principalement, écrit pour la jeunesse. "Un autre Brooklyn" est son premier roman pour adultes. Elle a été finaliste du prestigieux prix américain le National Book Award en 2016. Elle avoue être très influencée par l'auteur américain James Baldwin, entre autre.
C'est l'histoire d'August, une jeune femme poussée à revivre des souvenirs qu'elle avait profondément enfoui en elle. Une rencontre fortuite et là voila de retour dans les années 1970 à Brooklyn entre enfance et adolescence.
Les souvenirs d'August, sont liés à ceux de Sylvia, d'Angela et de Gigi. Les 4 meilleures copines du monde, d'ailleurs ensemble elles dominent le monde ! D'une complicité à toute épreuve : tantôt fusionnelle, tantôt envieuse. Elles sont d'un soutien sans failles l'une pour l'autre. Elles bataillent avec un quotidien dont elles ne sont pas satisfaites, alors elles vont secouer les cartes que le sort leur a attribuées, pour le meilleur et pour le pire.
À demi-mots on découvre ses souvenirs et ses secrets, ceux de ses proches, de ses amis, de ses voisins. On progresse dans l'histoire comme on traverse un brouillard épais. L'héroïne nous tient par main et on avance avec elle avec une seule crainte : être mené vers un drame. Le drame, on le sent venir de tous les côtés. Il faut dire que l'histoire se déroule dans une période de violence sourde et ordinaire et l'écriture de l'auteur à su retransmettre cette ambiance.
Le style est très mélodieux, rythmé par des questions hautement philosophiques, des paroles de chansons, des vers de poèmes. La composition est canon, le découpage du récit semble complètement déstructuré : les paragraphes se répondent, mais ne s'accordent que dans les toutes dernières pages. À cela s'ajoute un ping pong dans le temps. C'est une bouffée d'intelligence (et de violence) !
Verdict : Un très beaaaaaaau roman sur la force du souvenir, entre altérations, exagérations et dénégations ! Par bien des manières, il m'a fait penser au Testament de Marie de Colm Tóibín. J'ai adoré.
Nous sommes dans les années 70 à Brooklyn.
August, Sylvia, Angela et Gigi partagent les confidences de leur âge alors qu'elles se promènent dans les rues de leur quartier. Elles sont convaincues de leur beauté, de leur talent, et persuadées d'avoir devant elles un avenir brillant.
Mais il y a un autre Brooklyn, un endroit dangereux où des hommes adultes s'en prennent à des filles innocentes dans des coins sombres, où les mères disparaissent, où les pères rencontrent la religion et où la folie peux ressembler à un simple coucher de soleil.
Qui atteindra ses rêves? Qui se fera broyer?
Un roman plein d'émotions.
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