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Il convient de lire Tsé-Tsé et Mémoire de Bouche comme un récitatif à deux voix - à la fois oratorio et tryptique - une complainte en trois mouvements.
La voix de la mère se fait entendre, première et dernière. Elle ne chante en sa parole solitaire que pour exprimer le plaisir, la douleur et la plénitude de la succion, de l'absorption et de l'anéantissement par dissolution de salive et sucs gastriques. L'enfant est le premier et unique objet de cette extatique voration. Investie entièrement dans son application de suceuse absolue, la mère réintègre en elle-même le fruit de ses entrailles.
Cette opération charnelle a toute l'exigence d'une ascèse et toute la lenteur hors du temps d'une contemplation. Alors en contrepoint se fait entendre la voix de l'enfant, à la troisième personne, celle du pur objet. La possessive tendresse maternelle prend la forme symbolique de la mouche tsé-tsé, émolliente et anesthésiante, dispensatrice d'un sommeil physique et mental, pathologique et prodigieux, à l'horizon duquel l'enfant s'identifie complètement à la vermine qui l'anéantit, puis au vide qui en résulte.
Une fois son enfant réduit, éteint, dissipé, rendu à son indistinction initiale antérieure à sa naissance, il ne reste plus à la mère, dont la fringale n'a pas failli, de se prendre elle-même pour proie. L'autodévoration de celle qui n'est plus que bouche illimitée s'affirme comme l'accomplissement de la dimension auto-érotique de la femme dont la fécondité tient tous ses produits dans les bornes de son giron.
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