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C'est un livre qui, comme un fleuve tranquille, devait couler de source.
En 2017, Frédérick Lavoie se rend au Bangladesh pour réaliser une série de reportages sur les enjeux liés à l'eau. Comme à son habitude, le journaliste récolte des témoignages pour mettre en récit le réel. Or, au fil des entretiens au coeur du delta du Gange, sa confiance dans la justesse de ses perceptions s'effrite. Que comprend-il vraiment, au fond, de ces gens à qui il dit vouloir donner une voix ? S'ensuit une longue période d'introspection qui le pousse à rouvrir le mystère de son métier et à explorer d'autres façons de le pratiquer.
Des bidonvilles de Dhaka à l'Ukraine en guerre, Frédérick Lavoie apprend à vivre avec le trouble - et parfois à le semer - afin de répondre aux défis de son époque, en particulier à celui de la crise écologique. Nourri par la pensée de Donna Haraway, Anna Tsing et d'autres, Troubler les eaux est un récit qui nous fait éprouver le vertige d'un journalisme renonçant à ses certitudes pour mieux prendre en compte la différence et l'insoluble.
Une urgence de lecture !
Précieux, incontournable, « Troubler les eaux » est un essai qui met en lumière les problématiques de l’eau, mais pas que.
Le Bangladesh est l’épicentre de ce documentaire journalistique, tiré au cordeau. D’une justesse impressionnante, tant, Frédérick Lavoie est impliqué au lever de voile d’un pays endurant.
Il part en 2017 au Bangladesh au plus près des habitants, afin de comprendre et de se rendre compte d’une réalité qui fait froid dans le dos.
« Voilà quelques jours que nous sillonnons la campagne bangladaise. Peut-être trois, cinq, ou même huit. Nous allons de village en village pour récolter des témoignages, observer les conditions de vie, confirmer ou infirmer des à priori...Si son témoignage vient invalider l’une de mes hypothèses, qu’il en soit ainsi. Je suis journaliste indépendant et boursier ».
Les villageois content. Les rudesses, le manque de confiance dans une eau polluée. Les malaises face aux questions qui appellent des solutions. Les réalités comblent de difficultés. Taire l’impossibilité de filtrer l’eau buvable. La pauvreté comme un blâme sur le front des habitants encerclés par l’eau. Entre les inondations, les villages flottants où charrient les détritus et les immondices. Les enfants surveillés au plus près par crainte d’une noyade. Le fleuve qui happe d’un seul coup la tragédie humaine. Les orages infinis et les rizières englouties. Les barrages qui cèdent. Les moussons pavloviennes, le rocher de Sisyphe.
Frédérik Lavoie rassemble l’épars. Note et consigne, prend acte. Laisse les paroles circuler jusqu’au prochain déluge. Journaliste, écrivain, il est dans une posture de devoir moral.
Les idiosyncrasies sont les palpitations d’un peuple assigné à l’effort. Quid de la marée noire qui a touché Joymoni. « Mais si on parlait d’autre chose que du naufrage du Southern Star 7 ? Peut-on trouver facilement de l’eau à boire ici ? ».
Frédérick Lavoie ne cède rien. Le périple devient universel. Il regarde l’élément eau et sait où la balance penche du mauvais côté. Son recul est nécessaire. Il enquête et ne laisse rien voir de son désarroi. C’est en cela aussi que « Troubler les eaux » est intègre. Il place la vérité là où elle doit se trouver. C’est un enquêteur, un informateur, un homme de terrain devenu, crayon en main.
On ressent comme une prise d’arme face à l’adversité. Il collecte les faits. Pointe du doigt là où ça fait mal. Il écoute avec cette dignité d’un homme de parole. Il est au Bangladesh au plus près des sources troubles, le trou noir de l’ouragan.
« On nous a parlé là-bas d’écoles et de maisons qui se trouvaient à un kilomètre de la rive et qui, en une crue saisonnière, ont été emportées par les eaux avec le sol sur lequel elles se tenaient ».
Le Bangladesh, pays pris en otage. « C’est également ici que sont installées depuis des décennies plusieurs des manufactures textiles et teintureries les plus importantes du pays. En confectionnant des vêtements destinés à l’exportation, elles rapportent de précieuses devises étrangères au Bangladesh. En revanche, leurs déversements toxiques dévastent ses rivières… Les consommateurs étrangers boycotteront-ils le Made in Bangladesh, taché de sang et de la sueur des couturières ? ».
« Troubler les eaux », un récit-thèse, un livre qui bouscule notre confort et nos soifs d’occidentaux. Dont nos inquiétudes ne sont que des vaguelettes. Eux, vivent le quotidien trouble, le déluge. L’eau est vitale pour tous, certes. Mais ici, Frédérick Lavoie apporte les preuves, les chiffres, les habitus d’un peule qui a le regard tourné vers l’eau chaque minute de chaque jour. « Troubler les eaux » est également un outil pour les étudiants en journalisme. Il déploie les diktats des informations. Les enjeux déontologiques, géopolitiques, écologiques, philosophiques et sociologiques. La conscience professionnelle comme rectitude. « Troubler les eaux » est une valeur sûre et spéculative. L’eau comme un mirage d’égalité de par le monde. Profondément humain tant l’on ressent la sensibilité d’un auteur qui va bien au-delà de ses convictions. C’est un essai perfectible qui bouge avec le monde. Vivifiant, crucial et sérieux. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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