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Au fil de ces microfictions, la poétesse, comédienne et enseignante Carla Lucarelli fait désormais connaître son talent de narratrice. On aurait tort de se fier au ton parfois léger de ces petites histoires qui semblent récoltées au creux du quotidien ou des pages « faits divers ». Les mises en scène de la vie de tous les jours, de personnages à première vue insignifiants, dévoilent des scénarios et des états d'âmes d'une extraordinaire violence et un maniement merveilleux de l'art de la tension dramatique et de la chute.
Vingt-deux récits qu'elle a d'abord présentés comme « accouplements » : un premier mot pour mettre le lecteur sur la piste, pour évoquer la volonté de réconciliation qui parcourt tout le recueil, la quête d'une identité qui s'accomplit par le biais d'un autre. Cet autre que j'aime, ou plus, l'autre moi, l'autre irrémédiablement autre, l'autre défaillant ou énigmatique, enfant ou parent, social ou intime. On explore avec la narratrice les étranges ressorts de la personnalité, les motifs obscurs qui nous meuvent, les déséquilibres encore inexpliqués ou les situations à jamais inextricables. Son style sobre restitue les sentiments sans artifices, comme pour se défaire des déguisements, de ce qui encombre, comme pour dire avec certains personnages : « Les choses sont ce qu'elles sont, c'est comme ça. » Pourtant, la narration travaille à colmater la temporalité brisée, à reconstituer l'identité disloquée, à élucider l'impensé. L'espace de l'écriture, plutôt que le lieu de la renonciation, est celui de l'éclosion, au sein même de la brutalité de la vie, d'une lucidité sereine.
Les microfictions, qu'elles se suivent ou s'opposent, correspondent ; elles inventent et dissimulent une mystérieuse géographie... L'espace urbain, à la fois le décor et le spectateur silencieux des drames qui se jouent, nous a servi de canevas pour suggérer une réflexion sur le genre du recueil. Dans la réalisation du livre, son dispositif est mis en lumière par l'établissement d'un plan typographique, chaque microfiction y prenant place en avenue ou jardin, en ruelle ou fleuve, et peu à peu l'espace cartographié prend les traits d'un visage humain, acquiert et livre une identité.
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