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Violette et Enrique n'ont pas grand-chose en commun. Tout les sépare : l'âge, le statut social, la culture, la couleur de la peau. Tout, sauf une grande solitude. Violette, une femme d'une soixantaine d'années, l'a choisie elle-même en coupant tout contact avec ses proches et ses connaissances. Enrique, un jeune Bolivien sans papiers, y est contraint par son exil en Belgique et sa pauvreté. Lorsque leurs chemins se croisent, un besoin de soutien réciproque va les rapprocher et les sortir de leur isolement. Pour Violette, femme très indépendante mais blessée qui, depuis plusieurs années, ne parle plus qu'avec elle-même (et sans le moindre ménagement), c'est la porte des sentiments qui s'ouvre à nouveau. Et celle de son passé, qu'elle avait banni avec force.
Pas de sentimentalisme dans ce roman où se déploient une grande lucidité, un refus des idées préconçues et de l'apitoiement facile. Pourtant, c'est de sentiments dont il est question dans cette rencontre entre une bourgeoise belge vieillissante et un jeune sans-papiers bolivien.
Rigide, fermée, Violette n'est pas quelqu'un qui suscite une sympathie immédiate mais elle force notre admiration puis notre affection par son désir d'être juste et par la lutte qu'elle mène avec courage contre elle-même, ses peurs, ses principes. Enrique, quant à lui, va l'aider à révéler la part généreuse et tendre qui sommeille en elle.
Dans un style incisif, Verena Hanf dresse ici le plan de nos impasses, de nos égoïsmes, et indique un chemin pour en sortir.
Le livre est construit comme une alternance des narrateurs : une fois Violette (le plus souvent, les plus longues parties) et une fois Enrique, et ainsi de suite. C'est une sorte de dialogue muet entre eux deux fait de phases courtes voire très courtes. Aucun des deux personnages ne se pose vraiment de question existentielle. Ils font tous les deux, séparément, le point sur leurs vies : quelques retours dans le passé pour comprendre leur présent et leur envie de changer d'air et de solitude pour Violette qui n'est pas tendre avec les autres ni avec elle-même :
"Plus douloureux est le regard sur le corps. Mon corps est un peu délabré, limite cabossé. Mêmes les rondeurs ne sont plus rondes. Elles perdent leur contenance, elles tirent vers le bas. Pourtant je n'ai pas eu d'enfants. Ils n'ont servi à rien, ce ventre, ces hanches, ces seins. Violette, arrête ! Arrête une fois pour toutes avec tes complexes de femme qui n'a pas eu d'enfants. Comme s'il fallait enfanter pour exister à part entière aux yeux de la société." (p.39)
Violette n'est pas une dame vieillissante qui attire immédiatement la sympathie, totalement égocentrée et rétive aux contacts avec autrui. On ne sait pas trop pourquoi Enrique va lui donner cette impulsion pour aller vers lui, elle-même ne le sait pas non plus, parfois certains gestes ou comportements ne sont pas explicables. Toujours est-il que cette rencontre imprévisible les changera durablement, chacun avançant lentement et timidement vers l'autre et en lui.
Un très beau roman, très court qui ne sombre jamais dans le sentimentalisme facile : on est dans des rapports humains tout à fait réalistes entre deux personnes qui ne se livrent pas mais qui s'attachent l'une à l'autre. Tout les sépare, l'âge, la condition sociale, la couleur de peau, la culture et ce sont ces différences qui vont les lier.
Écrit dans un style qui colle parfaitement à ce qu'il décrit : phrases courtes, efficaces, qui vont à l'essentiel et qui ne s'embarrassent pas de fioritures, pas de salamalecs, d'adjectifs superflus, d'adverbe en trop (je devrais prendre des cours avec Verena Hanf moi qui en mets partout) : "Je mange une dernière pomme de terre, je débarrasse la table, je fais la vaisselle, je regarde la pendule, c'est l'heure du repos maintenant. Je me brosse les dents, j'enlève mes chaussures, ma jupe et mes boucles d'oreille, je tire les rideaux et je m'allonge sur mon lit." (p.33), c'est un livre qui se lit aisément, dans lequel les pauses sont facilitées par de courts paragraphes, on peut donc le poser, le reprendre, ... Aucun ennui, aucun sentiment de longueur, c'est un roman épuré, court (167 pages) qui n'oublie pas de faire la part belle à ses personnages, à leurs relations et leurs sentiments. Une réussite pour ce premier roman écrit directement en français de Verena Hanf, auteure d'origine allemande et égypto-libanaise qui vit à Bruxelles.
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