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Depuis les « émeutes urbaines » de l'automne 2005, l'esprit égalitaire qui découlait d'une conception ouverte de la France, dicté par le souci d'une société « juste », a cédé devant ce que les artificiers du « démon des origines » appellent « l'épreuve des faits ». L'argumentaire le plus typique de cette histoire qui serait en train de se jouer : c'est la culture primitive des individus et notre incapacité à « ouvrir grand les yeux » sur ce qui se passent réellement dans ces « cités » qui expliqueraient le « problème des banlieues ». Ainsi donc, ces jeunes sont les responsables de leur sous-condition.
Cette convergence entre « le problème des banlieues » et les pratiques culturelles de ces habitants d'origine extra européenne, longtemps développée par le Front National, a atomisé les clivages politiques, s'incarnant même dans le discours scientifique.
Évidemment partiale, cette explication des événements confond sciemment ghettos de pauvres et ghettos immigrés. Que l'État soit le grand responsable de la mise en abîme de ces lieux en instrumentalisant leur ségrégation pour mieux contrôler l'organisation de notre société - les barbares dans leur cité et les modernes dans la Cité - ne fait plus question.
Dans cet ouvrage, nous livrons au lecteur les résultats d'une recherche menée dans deux quartiers de l'agglomération parisienne :
La cité Balzac à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) et la Grande Borne à Grigny (Essonne). Étalée sur deux ans (2010 et 2011), cette étude questionnait le sens des révoltes de 2005 et les effets des politiques publiques qui y ont été conduites depuis. Ce qu'on y constate tient en une phrase : ces lieux sont plus que jamais sur la corde raide.
Pourtant, ces révoltes étaient porteuses d'espoir. Elles voulaient ébranler le processus dé-démocratique qui rongent ces quartiers mais elles ont échoué. De sorte qu'on n'y observe aujourd'hui toujours plus de rancoeur, toujours plus de désillusion. Une expression nous revient à l'esprit, entendue chez nombre de nos interlocuteurs : « On n'a rien à perdre. » Ce que cela signifie ? Croire que ces personnes accepteront longtemps de vivre en marge de la vie démocratique, réduits à n'être que des individus de second zone sans destin si ce n'est celui de leur finitude dans ces ghettos de pauvres, c'est se leurrer. Beaucoup nous ont déclaré assumer tous les risques, celui de la radicalité inclus.
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