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Émilien, écrivain parisien d'une quarantaine d'années, fait partie des habitués de la Laverie 66 dans le 11e arrondissement. Il y perd son manuscrit, tente d'identifier le responsable, et se perd dans une contemplation vertigineuse du hublot de la machine n° 6. Par la magie de son style, Valère-Marie Marchand fait vivre une galerie de personnages rocambolesques autour de son héros, qui va traverser de nombreuses épreuves dont il ne sortira pas intact.
« Nul besoin d’avoir fait maths sup pour le comprendre : si la Laverie 66 n’avait pas existé il aurait fallu l’inventer. »
« Spleen au lavomatic », burlesque, atypique, l’expérience d’une littérature qui travestit le conformisme avec brio.
Malicieux, parfois tragique, c’est un pas de côté judicieux.
Sous ses faux airs de clown au nez rouge, le génie d’une écriture unique, aux multiples degrés.
Résistante aux diktats conventionnels, l’humour inouïe, et bien au-delà, un univers métaphysique s’élève.
Une trame héritière de l’émerveillement. Le pouvoir inné d’une traversée du miroir, empreinte d’allégories.
L’épopée mi teinte d’un homme encore jeune, tourmenté, mélancolique qui passe sa vie à la Laverie 66.
Émilien Dorval, c’est lui, la trentaine, pigiste côté ville. Il travaille d’une façon aléatoire selon les missions. Célibataire, petites manies et chaque chose à sa place. Le bovarysme exacerbé, ses regards fuient le quotidien. Sa soupape de sécurité : la Laverie 66.
Le récit glisse dans les sciences-humaines, dans une sociologie urbaine et humaine.
La laverie est le reflet sociétal. L’épicentre où d’aucuns viennent laver le linge. Quid des chaussettes trouées, des draps froissés, des gestes pudiques ou démonstratifs. Tout, ici, est un symbole et un lever de voile sur les habitus, les catégories sociales, les férus des machines, 3,4 ou 5. Les lèves tôt ou les couches tard, ceux qui viennent les mains vides mais l’attente comble. Ce lieu est le repère d’une humanité en plein champ opératif .
« Cette buanderie urbaine était traversée d’incessants courants d’air et, de ce fait, de moutons de poussière peu reluisants à voir. »
« In situ, les sorties de séchoir pouvaient vite dégénérer en agressions verbales. »
« À la Laverie 66 les tics et les tocs étaient florés. »
« Émilien se dit que la Laverie 66 était l’endroit rêvé pour étudier ce rapport privilégié à soi-même et pour mesurer la distance qui le séparait du linge sale de ses voisins. »
Que dire de ce côté pile d’une laverie où tous ici, symbolisent l’expression même d’un rituel nécessaire mais perfectible.
L’anonyme, le silencieux, celui qui jette un regard en coin. Celui qui se prend à comparer la Laverie à l’instar d’un antre protecteur. Émilien a lui aussi ses propres codes.
Ses manies sont des doutes, des mélancolies enfouies. Il est un rêveur éveillé, un contemplatif, un écrivain.
Il plonge son regard dans le hublot d’une machine, le mouvement idéologique de ses faiblesses. Il accapare cette laverie, cherche l’inspiration dans le sacre d’un rythme pavlovien.
Le récit surdoué, enlace des citations, des repères, des ombres magnétiques. Émilien a oublié son manuscrit à la laverie. Disparu.
Où est-il ?
Émilien va mener son enquête. Le récit s’élance dans un espace d’introspection. Dans les méandres infinis, labyrinthiques de la quête de soi. Mais Émilien n’apprivoise pas ce vide abyssal. Le manque de son manuscrit comme un double cornélien.
C’est en cela que ce récit contemporain est onirique, une percée dans les tréfonds de l’âme humaine.
Il est en plongée dans l’étrange, dans son subconscient. Il perçoit en lui cette part de névrose. La Laverie 66 est une métaphore, celle des interpellations intérieures.
La laverie emblématique, l’heure pleine de la recherche de ses écrits. Comme une quête presque fantomatique et surnaturelle.
La perte de son manuscrit est une parabole, celle de la perte de ses certitudes.
« Ce lavomatic possédait, à ses yeux, de bien étranges pouvoirs et il n’était pas loin de penser que ses eaux de rinçage véhiculaient quelques vies antérieures. »
« Et puis, des langes au linceul, toute notre histoire est une histoire de linge. Linge propre, linge sale, linge de jour, linge de nuit, peu importe la trame, pourvu qu’on fasse le lien. »
Émilien retrouvera t-il son manuscrit ?
« Spleen au lavomatic » de Valère-Marie Marchand est puissamment symbolique et psychologique et dans un même tempo, il est d’une réalité impressionnante.
Les personnages qui gravitent dans ce roman nous frôlent de près dans la vie de tous les jours.
À chacun sa part de mystère et son linge à laver.
Brillant.
Publié par les majeures Éditions Héliopoles
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