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« Nul besoin d’avoir fait maths sup pour le comprendre : si la Laverie 66 n’avait pas existé il aurait fallu l’inventer. »
« Spleen au lavomatic », burlesque, atypique, l’expérience d’une littérature qui travestit le conformisme avec brio.
Malicieux, parfois tragique, c’est un pas de côté judicieux.
Sous ses faux airs de clown au nez rouge, le génie d’une écriture unique, aux multiples degrés.
Résistante aux diktats conventionnels, l’humour inouïe, et bien au-delà, un univers métaphysique s’élève.
Une trame héritière de l’émerveillement. Le pouvoir inné d’une traversée du miroir, empreinte d’allégories.
L’épopée mi teinte d’un homme encore jeune, tourmenté, mélancolique qui passe sa vie à la Laverie 66.
Émilien Dorval, c’est lui, la trentaine, pigiste côté ville. Il travaille d’une façon aléatoire selon les missions. Célibataire, petites manies et chaque chose à sa place. Le bovarysme exacerbé, ses regards fuient le quotidien. Sa soupape de sécurité : la Laverie 66.
Le récit glisse dans les sciences-humaines, dans une sociologie urbaine et humaine.
La laverie est le reflet sociétal. L’épicentre où d’aucuns viennent laver le linge. Quid des chaussettes trouées, des draps froissés, des gestes pudiques ou démonstratifs. Tout, ici, est un symbole et un lever de voile sur les habitus, les catégories sociales, les férus des machines, 3,4 ou 5. Les lèves tôt ou les couches tard, ceux qui viennent les mains vides mais l’attente comble. Ce lieu est le repère d’une humanité en plein champ opératif .
« Cette buanderie urbaine était traversée d’incessants courants d’air et, de ce fait, de moutons de poussière peu reluisants à voir. »
« In situ, les sorties de séchoir pouvaient vite dégénérer en agressions verbales. »
« À la Laverie 66 les tics et les tocs étaient florés. »
« Émilien se dit que la Laverie 66 était l’endroit rêvé pour étudier ce rapport privilégié à soi-même et pour mesurer la distance qui le séparait du linge sale de ses voisins. »
Que dire de ce côté pile d’une laverie où tous ici, symbolisent l’expression même d’un rituel nécessaire mais perfectible.
L’anonyme, le silencieux, celui qui jette un regard en coin. Celui qui se prend à comparer la Laverie à l’instar d’un antre protecteur. Émilien a lui aussi ses propres codes.
Ses manies sont des doutes, des mélancolies enfouies. Il est un rêveur éveillé, un contemplatif, un écrivain.
Il plonge son regard dans le hublot d’une machine, le mouvement idéologique de ses faiblesses. Il accapare cette laverie, cherche l’inspiration dans le sacre d’un rythme pavlovien.
Le récit surdoué, enlace des citations, des repères, des ombres magnétiques. Émilien a oublié son manuscrit à la laverie. Disparu.
Où est-il ?
Émilien va mener son enquête. Le récit s’élance dans un espace d’introspection. Dans les méandres infinis, labyrinthiques de la quête de soi. Mais Émilien n’apprivoise pas ce vide abyssal. Le manque de son manuscrit comme un double cornélien.
C’est en cela que ce récit contemporain est onirique, une percée dans les tréfonds de l’âme humaine.
Il est en plongée dans l’étrange, dans son subconscient. Il perçoit en lui cette part de névrose. La Laverie 66 est une métaphore, celle des interpellations intérieures.
La laverie emblématique, l’heure pleine de la recherche de ses écrits. Comme une quête presque fantomatique et surnaturelle.
La perte de son manuscrit est une parabole, celle de la perte de ses certitudes.
« Ce lavomatic possédait, à ses yeux, de bien étranges pouvoirs et il n’était pas loin de penser que ses eaux de rinçage véhiculaient quelques vies antérieures. »
« Et puis, des langes au linceul, toute notre histoire est une histoire de linge. Linge propre, linge sale, linge de jour, linge de nuit, peu importe la trame, pourvu qu’on fasse le lien. »
Émilien retrouvera t-il son manuscrit ?
« Spleen au lavomatic » de Valère-Marie Marchand est puissamment symbolique et psychologique et dans un même tempo, il est d’une réalité impressionnante.
Les personnages qui gravitent dans ce roman nous frôlent de près dans la vie de tous les jours.
À chacun sa part de mystère et son linge à laver.
Brillant.
Publié par les majeures Éditions Héliopoles
Une biographie parfaitement documentée, complète, précise.
L’œuvre de Boris Vian, écrite, chantée a fait le bonheur de ma jeunesse et je le retrouve ici avec joie.
Car il est vrai que cela fait des années que je ne l’ai pas relu.
Je l’écoute cependant de temps en temps et avec toujours le même plaisir.
Ce livre aurait pu paraître fastidieux et énumératif si, dans le flot des informations ne s’était mêlé une partie de sa vie privée.
On pourrait presque penser que l’auteur a vécu à ses côtés, a côtoyé ses femmes, ses amis.
Elle recrée son intimité, le plus souvent à partir de témoignages, mais on peut parfois penser qu’elle imagine.
Et ça rend le tout plus humain.
Mais revers de la médaille, humain égal faiblesses, et les failles de Boris Vian le font un peu descendre du piédestal sur lequel je l’avais placé.
L’impression générale du livre est qu’il est un peu répétitif.
Et surtout, il y a toujours dans ce genre de livre qui analyse tout, le côté cours de français de ma jeunesse où le prof disséquait tellement une œuvre qu’il lui enlevait toute émotion et spontanéité.
Mais là, Valère-Marie Marchand s’en sort plutôt bien et le but est atteint parce qu’elle m’a donné une furieuse envie de relire l’œuvre de Boris Vian.
Né en mars 1920 à Ville d'Avray, banlieue chic de Paris, Boris Vian, ce pilier du saint Germain des Près de l'après-guerre va connaître la seconde guerre mondiale et fera ses études et ses débuts sous l'Occupation. Ce génie des mots et des notes est avant tout un être singulier. Ingénieur de formation et de métier, c'est un artiste à la créativité débordante. C'est un littéraire aussi éclectique que talentueux, un timide pourtant contestataire, un amoureux toujours passionné, un traducteur de génie, un musicien en sursit puisqu'une malformation cardiaque aurait dû l'empêcher de jouer de la trompette.
Boudé par les professionnels et les critiques en particulier, il écrit « des histoires que personne n'a songé à écrire » et produit de nombreux textes et romans, poésies, essais, chansons. Il touche même au cinéma. Il écrit et joue contre le temps, contre la maladie qui l'emportera comme il l'avait prédit à l'aube de ses quarante ans.
Bien sûr ici aucune surprise, l'homme, sa passion du jazz, ses chansons, ses écrits, sont connus. Mais voilà assurément un document complet et dense, foisonnant de témoignages, qui éclaire l'image que l'on a de lui et va permettre de le faire découvrir au plus grand nombre.
Boris Vian, le sourire créateur est un livre dense, hyper documenté parfois jusqu'à saturation pour un lecteur qui ne serait pas passionné. Mais tellement complet qu'il est indispensable pour bien comprendre l'homme et l'artiste qui se cachent derrière ce nom connu de tous : Boris Vian. Et pour compléter le tout, on trouve à la fin du livre un lexique des mots et expressions emblématiques de l'auteur, sa biographie en quelques dates, ses différentes adresses, sa bibliographie, les titres des principales chansons qu'il a écrites, ses apparitions au cinéma, et un index qui répertorie les noms de ceux qui l'on côtoyé… toute une époque défile dans ces quelques pages.
Lire ma chronique complète sur el blog Domi C Lire
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