Le nom de cette ville allemande située sur le Danube, au sud du pays, dans le Bade-Wurtemberg, évoque immanquablement son château qui domine la cité où se réfugièrent vichystes et collabos qui avaient pu fuir à temps la débâcle de l’armée du IIIe Reich.
Dans ce roman, Pierre Assouline nous...
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Le nom de cette ville allemande située sur le Danube, au sud du pays, dans le Bade-Wurtemberg, évoque immanquablement son château qui domine la cité où se réfugièrent vichystes et collabos qui avaient pu fuir à temps la débâcle de l’armée du IIIe Reich.
Dans ce roman, Pierre Assouline nous invite à vivre ces quelques mois, de septembre 1944 à avril 1945, en suivant les pas de Julius Stein, majordome de la famille Hohenzollern qui a dû abandonner des lieux habités depuis quatre siècles, sur ordre de Ribbentrop, afin de laisser place libre au maréchal Pétain et sa suite. Otto Abetz, ambassadeur de France à Paris, avait dit au Führer que Sigmaringen serait la ville idéale pour abriter ceux qui avaient collaboré. Tout le personnel est resté afin que tout se passe pour le mieux.
D’une discrétion exemplaire, Julius ne se livre à aucun épanchement : « Un majordome général a vocation à tout entendre sans rien écouter. » Avec application et précision, il nous présente tous les occupants du château ainsi que cet indescriptible capharnaüm de 383 pièces dont le maréchal occupe le 7e étage, « l’Olympe », pendant que Laval n’est pas content de ses appartements.
Dès l’arrivée de ces Français, les mesquineries reprennent. Le maréchal exige d’être le seul à pouvoir utiliser l’ascenseur car il se considère comme le plus illustre prisonnier du château. Quant au gouvernement, il se compose de deux parties : ceux qui ne veulent rien faire, regroupés autour de Laval, et ceux qui travaillent pour reprendre le pouvoir avec Brinon, Déat, Luchaire, Darnand…
Fort d’une recherche énorme et très approfondie, l’auteur qui cite toutes ses sources à la fin du livre, nous fait partager le quotidien de ces sinistres personnages qui se détestent, se jalousent. Sa lecture est formidablement instructive car Pierre Assouline décrit aussi la ville où de plus en plus de Français fuyant les libérateurs et l’inévitable épuration à venir, ont trouvé refuge : « Il y avait de tout : des collaborateurs bien sûr, mais aussi des zazous, des miliciens en armes bien que le port d’armes soit interdit en ville par crainte d’incidents avec les fidèles de Doriot, des mères de famille nombreuses, des dandys, des tueurs, des maréchalistes, des actrices, des politiciens, des enfants, d’authentiques fascistes et même des braves gens qui avaient suivi le mouvement, tombés dans le panneau de la panique en se jetant dans le flot des fuyards, craignant d’être à leur tour dénoncés par leur concierge s’ils rentraient chez eux, persuadés que les gaullistes réservaient un mauvais sort à tous ceux qui n’avaient pas rejoint la France libre, et qu’en suivant le maréchal comme ils l’avaient fait pendant quatre ans, il se plaçaient sous sa protection naturelle, des gens qui avaient trouvé dans cette ville un endroit où abriter leur terreur. »
Julius étant Allemand, il nous renseigne aussi sur les états d’âme d’un peuple en train d’être brisé mais il avoue : « Chez nous, dès lors qu’on endosse un uniforme, on se croit délesté d’une certaine responsabilité. On n’a plus à décider… On obéit, que l’uniforme soit celui d’un soldat, d’un officier, d’un postier, d’un pompier ou d’un maître d’hôtel. »
Pendant que les Alliés avancent et bombardent Dresde, Himmler décrète le Volkssturm, la mobilisation générale, soit 500 000 hommes de 16 à 55 ans. L’hiver est terriblement froid. Julius parle de l’épuration nazie dans le monde de la culture : « le pouvoir mena une guerre contre l’esprit, la sensibilité, l’intelligence, la culture. » Au moment où tout se désagrège, apparaît un personnage important, le Docteur Destouches plus connu sous le nom de Louis-Ferdinand Céline. Ayant obtenu les papiers nécessaires, il réussit à fuir à temps avec sa famille après avoir surtout pensé à soigner les plus pauvres.
Enfin, nous vivons l’arrivée de l’armée française : « La représentation de Vichy-sur-Danube, une comédie tragique et bouffonne, était terminée. » Avec talent, Pierre Assouline réussit un livre passionnant, non dénué de sentiments et très instructif sur une période si difficile pour notre pays, période à toujours avoir en mémoire lorsque les temps redeviennent difficiles.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Je partage votre point de vue
ce livre nous en apprend beaucoup sur une période troublée. J'avais aimé la lecture de ce récit bien documenté