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Même les meilleurs journaux n´en sont pas indemnes : on prend une suite limitée de noms, dont tout le monde est censé savoir la face publique, et on fait tourner tout autour un discours vide, mais qui fixe les valeurs symboliques d´un monde en dérive.
Jérôme Mauche a toujours travaillé l´écriture en prenant sa matière dans l´objet même qu´il travaille. C´était déjà cette technique de convocation et renversement dans Électuaire du Discount, mise à plat des techniques de vente et d´exploitation des grandes surfaces, c´était aussi le cas dans le livre que j´avais publié au Seuil/Déplacements, La loi des rendements décroissants, à partir des formules économiques, contournements, élisions de L´Usine nouvelle, Challenges et autres magazines du libéralisme triomphant.
Je souhaitais depuis longtemps, à titre symbolique aussi, la présence de Jérôme Mauche dans publie.net, sachant que sa proposition serait forcément un écart : il nous arrive avec un texte dont le titre de travail était Synonymie ambiante, ce qui veut dire que les noms propres, qui ici trouent le texte, sont interchangeables, commutables, qu´on peut les remplacer par leurs sosies (ils en ont tous, et répertoriés). Surtout, que la machine à discours qui encombre la totalité papier de nos kiosques de presse - qui considère cela comme une évidence - fonctionnera de semaine en semaine indépendamment des noms qu´elle cite, les ingurgite et dégurgite pour ressasser ces mêmes symboles qui sont censés nous représenter.
Si ce n´était que cela, il s´agirait d´un beau tour de force, mais ça ne ferait pas de Jérôme Mauche un écrivain.
Adorno disait que « la force du montage, c´est de faire exploser ses éléments eux-mêmes ». C´est la langue que Mauche vient scruter, et pas les Johnny Depp, Alain Delon, Mick Jagger valsant avec André Rieu et Antonioni tourne la suite d´Astérix, la mode se mêlant à la chanson, les figures évanouies - Sheila et Annie Cordy, venant percuter en bal étrange les fantômes d´aujourd´hui.
Le ballet c´est celui des adjectifs : que fait-on de la langue, dans ce ressassement où le cliché vient remplacer le réel, puisqu´il n´est plus que surface ? Quelles sont les géographies, que nous dit-on de la représentation elle-même ?
Que cherchons-nous à définir de nos propres peurs, à valider cette machine vide qui remplit tout ?
Alors le texte de Mauche échappe à sa propre loi : les éléments reviennent, se percutent les uns les autres, constituent une spirale qui se resserre. Les noms propres deviennent des grimaces, des micro-récits s´élaborent pour qu´ils se rejoignent les uns les autres, le monde entier se déforme et s´y reflète. La machine à angoisse que devient le texte remplace progressivement la machine à éviter l´angoisse des éléments qu´il convoque.
FB Jérôme Mauche : bio & biblio sur site CipM Marseille.
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