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Ce roman détonne par bien des aspects. Pour sa maison d’édition que j’ai découverte il y a peu temps et qui propose des ouvrages de qualité, originaux et hautement symboliques dans la défense des peuples arctiques, la reconnaissance des préjudices endurés au fil des années.
L’autre particularité, tient dans le travail de traduction, je parlerais plutôt de transcription de par la nature même de la langue inuit, dont la transmission est davantage orale. Tout cela fait l’objet d’un avant-propos qui éclaire bien des choses, et conditionne le lecteur une fois entré dans le vif du sujet. Le traducteur a en réalité travaillé de longues années, en plusieurs étapes, et s’est adjoint l’aide précieuse de scientifiques comme Claude Lévi-Strauss.
Sanaaq n’est pas un roman comme les autres. C’est surtout la juxtaposition de quarante- sept scènes de vie se déroulant dans une baie du grand-nord canadien, au fil des saisons. L’auteur y expose un grand nombre de personnages, dont finalement très peu occupent le devant de la scène. Un lexique en fin d’ouvrage permet à chacun de s’y retrouver. La structure familiale inuit est assez particulière, car s’entend au sens large, et a une organisation essentiellement féminine. Qu’on se le dise, dans le grand-nord, ce sont les femmes qui ‶tiennent la boutique‶. Elle se sentent une grande liberté de corps et d’esprit.
On y apprend à chasser le phoque, avec à l’esprit l’idée de ne pas prélever plus que les besoins, à en utiliser chaque partie à des fins précises et utiles ; on y apprend à construire un igloo, à observe la glace et à en déjouer les pièges, on y découvre le regard d’une femme face à l’arrivée de l’aviation (nous sommes dans le début des années 50), des missionnaires et leur dédain pour l’esprit chamanisme…
Il faut s’habituer au style, volontairement simple, et sans aucun doute fidèlement transcrit par l’interprète, par ailleurs fin connaisseur de la culture inuit.
J’ai beaucoup aimé cet ouvrage, qui a toute sa place parmi les autres publications Dépaysage, qui ont fait le pari de l’originalité, du respect et de la défense de ces peuples longtemps ignorés ou malmenés.
https://leblogdemimipinson.blogspot.com/2022/08/sanaaq.html
Saanaq, de Mitiarjuk Nappaaluk, est qualifié de premier "roman inuit". Écrit sur une période de deux décennies, d'abord en syllabique inuktitut puis en translittération, il a été commandé par des missionnaires catholiques travaillant au Nunavut, qui souhaitaient améliorer leur capacité à communiquer avec les peuples autochtones vivant dans la région. Ce qu'ils demandaient, c'était un simple recueil de phrases. Ce que Nappaluk a commencé à écrire, c'est un roman. Elle ne connaissait aucun alphabet, elle n'avait jamais lu de roman auparavant.
Composé de 48 épisodes, ce roman raconte le quotidien de Sanaaq, une jeune veuve forte, de sa fille Qumaq, et de leur petite communauté nomade du nord du Québec.
Le style d'écriture de Mitiarjuk est sans artifice, ancré dans le présent et parsemé de dialogues. Elle raconte leur vie au jour le jour, c’est ici et maintenant: chasser le phoque, réparer le kayak, ramasser des moules sous la banquise bleue, trouver du combustible, etc…. Les épisodes présentés sont simples dans leur structure mais d’une belle complexité émotionnelle. Le lecteur est plongé dans la vie nomade intime des familles inuites alors qu'elles luttent quotidiennement pour leur survie, face à la nature et à l’arrivée des missionnaires qui menacent de changer à jamais leur mode de vie et leurs croyances.
Roman sincère et formidable source d’informations anthropologiques sur une culture qui peut être difficile à pénétrer pour un français, Sanaaq nous est offert par les éditions Depaysage, avec comme toujours un super boulot éditorial (avant-propos, lexique, postface, etc…).
Traduit par Bernard Saladin d’Anglure
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