2018 commence abruptement avec la mort des éditeurs Bernard de Fallois et Paul Otchakovsky-Laurens et celle du grand écrivain israélien Aharon Appelfeld.
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La Revue de Presse littéraire de juin
Michèle et Anne ont lu "Celle que vous croyez" de Camille Laurens (Gallimard)
Camille Laurens publie "Celle que vous croyez" (Gallimard) un grand roman sur la passion à l’heure de Facebook
Camille Laurens abandonne l’autofiction dans son nouveau roman Ta promesse pour un genre qu’elle a inventé lors d’une présentation radiophonique, « l’autruifiction ». Pourtant l’héroïne porte les mêmes initiales et subit un procès pour atteinte à la vie privée, comme l’écrivaine ! En tout cas, Ta promesse est un roman époustouflant qui mélange les genres, promène son lectorat, allègrement, explore l’emprise mais la relie à la personnalité de chacun, Bref, un roman multifacette à découvrir assurément !
Sa promesse, Claire Lancel a un peu eu du mal à la faire, un soir au restaurant lorsque son amour, son bel amour, son merveilleux amour, Gilles, le lui a demandé. En retour, a-t-il bien compris celle qu’elle lui a soutirée ?
Lors d’une partie du roman, les conversations avec l’avocat, l’interrogatoire d’amies ou de relations lors de l’enquête, de parties de procès etc. proposent leurs impressions du drame, encore inconnu pour le lecteur. Camille Laurens décrit une relation amoureuse pernicieuse et délétère d’une femme au milieu de sa vie qui rencontre, enfin, la douceur d’être aimée. Néanmoins, plusieurs relations précédentes difficiles auraient dû l’alerter ! Seulement, l’amour est aveugle, ou sourd ou tout à la fois ! Claire a toujours voulu désamorcer ses intuitions, elle l’aimait tellement, ou voulait s’en convaincre, assurément !
Elle est une écrivaine renommée qui réalise des podcasts à succès, tandis que lui est marionnettiste, metteur en scène d’opéra et pianiste amateur. La grande question qui traverse l’esprit du lectorat tout au long de la première partie est à quel moment Camille Laurens va révéler ce qui s’est passé, pour transformer ces années de désir, d’échanges et de jouissances en drame irréversible !
Une réussite !
Car le drame on l’attend sans savoir qui, quand et comment. Camille Laurens transforme son lecteur en Petit Poucet, succombant au pouvoir de son écriture. Et, la vérité sera bien au-delà de l’imaginaire. Car en scandant son roman en plusieurs parties, Camille Laurens ne cesse jusqu’à la fin de se jouer de celui-ci.
Impressionnant, avec des marques dans le style qui sidère, qui étouffe et qui ruine toute la construction de l’amour ! Et ce n’est pas tout, Camille Laurens cumule les genres, du thriller aux poèmes en rimes libres, jusqu’à la dystopie et au roman judiciaire en passant par la romance !
Tout au long de cette découverte sur l’emprise, la correspondance avec le film L’anatomie d’une chute m’est souvent revenue à l’esprit. Ta promesse est une œuvre littéraire inclassable, mais parfaitement réussie. Non seulement, le roman dénonce une relation amoureuse toxique, mais aussi le vide qui irradie les relations humaines, avec ce déficit d’empathie remarquée actuellement. Mais, c’est aussi une ode à la place de la littérature dans nos univers, tant du point de vue de l’écrivaine que du lectorat. Une découverte magnifique !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2025/01/13/tapromessecamillelaurens/
Quel bonheur d’être en couple. Mais on le sait - et on a beau le savoir, on y va quand même -, les histoires d’amour finissent mal, en général. Dans ce livre, Claire, écrivaine, cherche une forme pour raconter sa relation idyllique puis cauchemardesque avec Gilles, marionnettiste. Tantôt comme un roman policier, où coule l’interrogatoire de Claire interrompu par quelques témoignages des proches qui s’adressent à “madame le, la, le juge”, tantôt au travers de vers libres insérés au milieu de la narration. Des strophes où Claire emploie un “on” ou un “nous” féminin plutôt que le “je”, comme si son discours était universel, pluriel. Ou interchangeable.
“À nous il faut dire
les choses
en baisers et caresses
Jamais en mots”
En réponse au compte-rendu de ces années vécues ensemble et terminées dans le sang, de ces promesses qu’on exige ou qu’on quémande, l’avocate de Claire, patiente mais inquiète, traque les contradictions, les petites jalousies, les minuscules disputes. Quelque chose qui expliquerait l’agression. “Qu’est-ce que je peux vous dire ? On a envie que l’amour existe. Que l’amour résiste.” Claire finit pourtant par avouer, par se souvenir, de certains détails. De la vérité, enfin révélée, grâce à la distance, grâce à l’écriture. “Quelqu’un en moi se moquait de moi. Celle qui écrit, sans doute, celle qui lit.”
Magistrale, la structure du récit dévoile l’emprise qui s’installe, qui emprisonne. Au-delà de la poésie, la narratrice se sert de parenthèses, de formules en italique, de phrases diminuées, d’un “tu” accusateur, de paroles de chanson parfois - il y a des choses de l’amour qu’on ne peut pas dire mais qu’on peut chanter. Ou écrire.
Ta promesse
.
En apparence, c'est une histoire simple. Une histoire d'amour entre Claire, une écrivaine réputée à la vie personnelle jusqu'alors cabossée, et Gilles, un marionnettiste et metteur en scène d'opéra séducteur et brillant. Une histoire d'amour exemplaire, évidente, faite de flamboyance, de nuits enfiévrées et de repas aux chandelles sous les effluves entêtants et sucrés des mimosas en fleurs, de bonheurs partagés et de promesses. Parce que quand on s'aime et que l'on vit dans l'euphorie de la passion, quoi de plus normal que les promesses. On a envie d'y croire, elles sont un gage d'éternité, la certitude d'un amour sans fin. Et on les scelle avec entrain même si elles semblent excessives.
Mais voilà, « on n'écrit pas sur le bonheur […], la seule matière de la littérature c'est le chagrin ». Et dès les premières pages on sait qu'une des promesses n'a pas été tenue. Que derrière cette histoire aux allures idylliques se cache une autre vérité. Qu'elle a mené Claire devant un tribunal, tenue responsable d'un drame à l'issue incertaine et tragique. Mais que s’est-il passé ?
Rembobinage. Retour en arrière et dissection au scalpel d'une histoire d'amour toxique. Décryptage d'une passion dévastatrice.
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Ce livre est une dinguerie. Il décrit avec acuité et avec minutie le phénomène terrible de l'emprise amoureuse. En le faisant raconter par la victime elle-même, l'autrice le décortique avec une précision glaçante. Avec Claire, on se laisse duper par les apparences trompeuses et on en traverse avec effroi les différentes phases de cette mécanique bien huilée. La séduction, les effusions, les flatteries, que rien ni personne ne peut tempérer. La sourde oreille aux mises en garde, les doutes écartés d'un revers de main à peine formulés. Puis l'isolement, la culpabilisation, l'addiction et le manque, brulant et permanant, qui pousse à "s'empoisonner au souvenir et à l'espérance". Et enfin la destruction finale, inévitable et fatale.
Dans cet affrontement insidieux, l'écrivaine n'a que ses mots, et encore on veut les lui ôter. Quant au pervers narcissique, marionnettiste, il tire les ficelles. A travers les dépositions de Claire, Camille Laurens pointe aussi les points saillants de cette pathologie, l'absence d'empathie, des comptes à régler avec son enfance, autant de signaux d'alerte qu'elle identifie a posteriori mais que Claire n'a pas voulu voir.
La construction de ce roman en trois actes est elle aussi habile. Commençant par la fin, mais ne livrant les informations cruciales qu'au compte-goutte, elle accroche de suite l'attention du lecteur, happé par les blancs lui restant à découvrir. Elle s’étire dans des descriptions interminables pour poser l’illusion de la normalité et anesthésier la vigilance du lecteur, comme le pervers le fait avec sa proie. Elle s'offre même le luxe de mêler à la voix de Claire celle de ses proches, et même celle de Gilles, d'un cynisme glaçant. Et c’est implacable et sans appel.
En refermant ce roman, on pense à Eric Reinhardt, forcément, qui lui aussi s’est appliqué dans son œuvre à décrire ce fléau, mais il y a ici une singularité qui chez moi a fait mouche.
Alors convaincue ? L’avez-vous lu ou vous ai-je donné envie de le lire ?
« L'amour, c'est tant qu'on y croit »
Dans ce roman fort habilement construit, Camille Laurens explore une relation qui va se terminer dans le sang entre une écrivaine et un marionnettiste. Une exploration subtile du mensonge et de la vérité, de la manipulation et de l'illusion amoureuse. Vertigineux !
Dans le roman, la narratrice s'appelle Claire Lancel. Elle est écrivaine, ayant déjà une belle œuvre à son actif. Elle a connu la douleur de perdre un enfant et sa vie sentimentale est faite de hauts et bas qui ont fait l'objet de plusieurs livres. Mais cette fois, elle fait la promesse à Gilles, son nouveau compagnon, qu’il ne sera pas un personnage dans l’un de ses prochains livres. Promesse envolée à peine scellée, si l'on considère le caractère autofictionnel de l'histoire qui le met en scène dès le chapitre initial.
Il est marionnettiste, metteur en scène d'opéra et fait la connaissance de Claire lors de la soirée de la Saint-Sylvestre 2013. Une soirée à laquelle elle avait fini par se rendre à contrecœur, ni habillée, ni maquillée, mais qui s'était terminée dans les bras de son nouvel amant.
À compter de ce moment, leur relation va s'apparenter à un bonheur de tous les instants. Un temps qui mérite d'être raconté en vers libres et que les témoins, comme son amie Carole, voient comme une parenthèse enchantée. À l'entente sexuelle viennent s'ajouter des projets communs et l'installation dans une maison dénichée à Hyères et qu'ils achètent ensemble. Comme le dit Balzac, « ils furent heureux comme nous rêvons tous de l'être ».
Ici l'usage du passé n'est pas fortuit, car l'idylle a pris fin. On le comprend lorsque l'on lit que la police trouvé Claire assise par terre en sang devant sa maison. Qu'elle va être mise en examen. Que la juge et l'avocate entrent en scène. Une avocate qui va chercher à comprendre ce qui s'est passé et enjoint sa cliente à « déconstruire l’idylle, sinon on ne va pas y arriver ».
Dans cette seconde partie du roman, Claire va donc tenter d'approcher au plus près de la vérité. De revivre son histoire d'amour en la déconstruisant pièce par pièce. Elle va « recomposer le chaos » et découvrir la manipulation dont elle a été victime. « Le dictionnaire amoureux qu’elle croyait connaître par cœur, ce dictionnaire était ravagé, illisible, des pages manquaient ou étaient déchirées. Elle a dû redonner forme et sens à l'incohérence. Comprendre l’incompréhensible. Tirer la vérité du déni et de l’oubli — de leur déni à tous les deux. Elle a eu du mal. L’obscurité était plus épaisse, sans doute — la lumière fait mal quand on sort du noir ».
Dans un suspense allant crescendo, la troisième partie est celle du procès. Celle qui va révéler que « l'être n'est qu'une syllabe du paraître » ou, pour reprendre la formule de l'expert psychiatrique énonçant la technique du prédateur, « séduire, réduire, détruire ». Mais c'est bien Claire la prévenue, accusée de meurtre avec préméditation.
Camille Laurens est trop bonne romancière pour ne pas avoir compris qu'avant l'épilogue, son récit devait s'enrichir de rebondissements, jusqu'à un ultime coup de théâtre. Mêlant avec raffinement les genres littéraires du roman psychologique à la poésie en vers libres, du thriller au roman de procès, elle embarque le lecteur dans un maelstrom d'émotions. Et comme à son habitude, elle emmêle avec jubilation la réalité et la fiction. Il est, par exemple, aussi question d'assignation en justice pour atteinte à la vie privée, comme ce fut le cas en 2003 après la publication de L'amour. Et voilà la formule « tout le reste est littérature » illustrée avec style !
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici ! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre et en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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