Le Club des Explorateurs permet chaque semaine à deux lecteurs de lire en avant-première un même titre que nous avons sélectionné pour eux et de confronter ainsi leur point de vue.
Cette semaine, nos deux Explorateurs ont lu le livre de Camille Laurens Celle que vous croyez (Gallimard).
L'avis de Michèle Finance :
La première partie raconte comment Claire veut séduire avec une fausse identité un homme qu'elle n'a jamais rencontré que sur Facebook. On y interroge le réel et la fiction mais aussi la place de la femme dans l'imaginaire masculin. La deuxième partie est le roman écrit par Claire durant son hospitalisation en HP. Roman lu et interprété par son psychiatre qui devient peu à peu acteur du roman. Je ne raconterai pas la suite, ce serait malhonnête de vous priver de ce plaisir, et plaisir il y a à décrire le désir.
J'hésite entre dire que c'est une réussite qui m'a, à certains endroits, complètement bluffée (j'ai même recopié quelques passages) et dire que tout cela n'est que coquetterie. Ou même érudition, volonté de mêler poésie, théâtre et citations lacaniennes. C’est assez vite agaçant.
Réellement, le sujet est d’actualité (les méandres trompeurs de la toile), la cruauté est réelle (comment rester jeune à tout prix pour plaire), l’amour est meurtrier (notamment s’il y a mauvais usage). C’est en fait l’histoire d’une femme qui veut manipuler et qui tombe dans son propre piège, les liaisons dangereuses à l’heure d’Internet et des amours virtuels. Cela dit, à moins qu’il s’agisse d’une expérience personnelle mal vécue, je ne comprends pas pourquoi Camille Laurens s’accroche à cette frontière des 50 ans comme s’il s’agissait de la fin de tout, en termes de séduction, de sexe ou d’énergie !
Certes, ce récit intimiste à la limite de l’impudique est un beau texte de femme qui réclame son droit au plaisir et refuse d’accepter que l’âge lui interdise cet accès. Plaidoyer essentiel s’il en faut, requiem pour un corps abandonné par l’homme, cri d’alarme d’une femme trompée par un homme immature et égoïste. C’est aussi un suspense psychologique, avec des allers-retours, comme dans un polar, pour répondre à la question « qui a tué qui ? » …
En résumé, je dirais que Camille Laurens écrit bien et qu’elle sait utiliser le verbe pour séduire son lecteur, ce qui explique l’envie de relire et recopier des passages. Quant au contenu du roman, l’histoire elle-même, je reste sur ma faim, persuadée d’avoir été à mon tour manipulée, ce qui me plaît plutôt bien avec certains auteurs, moins ici, où j’ai le sentiment d’un déséquilibre au niveau de la structure du récit.
© Michèle
L'avis de Anne Tappert :
Claire aime l'amour, le désir. Elle est séparée de son mari, vient de se faire quitter par son amant. En plein naufrage elle cherche à ne pas être totalement sans nouvelles de lui. Sous un faux nom mais avec le même prénom, rabotant une vingtaine d'années, elle communique via Facebook avec Christian, un ami de ce dernier. Elle le séduit avec candeur. Claire, la femme de chair va tomber amoureuse du jeune photographe, mais Claire, son double virtuel dont Christian s'éprend ne laisse rien apparaître.
Dans quelle situation s'est-elle mise ? peut-elle se présenter à lui avec son identité propre mais surtout son âge ?
Voilà la trame de ce roman de Camille Laurens.
Le sujet est intéressant mais j'ai trouvé que la vraie originalité du livre réside dans la forme : il commence avec un prologue, qui m'a déroutée, comme un monologue sur la douleur de l'âge pour une femme, c'est l'essence du roman.
Le premier chapitre est constitué des paroles de Claire à un psychiatre, le second de l'audition de celui-ci.
Le troisième chapitre est une lettre de l'auteure à son éditeur et l'épilogue est constitué par les paroles du mari.
J'ai aimé ces différentes parties, autour d'une femme perdue à cause de son âge, même si le côté retranscription stricte des dires des personnages, ne m'a pas séduite.
J'ai trouvé cette femme vibrante, sincère dans l'acceptation de son besoin d'amour, tellement vulnérable, tourmentée, acceptant tant au nom du désir.
Je ne veux surtout pas dévoiler le ressort du livre, qui fonctionne bien.
Chaque partie est un autre " son de cloche", ajoutant des éléments au récit précédent, le prisme différent de chaque narrateur, d'une même histoire, mais peut-être pas, le roman est peut-être pluriel, qui sait ?
© Anne
D'accord avec vous Mesdames