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Cold Creek, Colorado. Sadie, 19 ans, s'est volatilisée.
Pour West McCray, journaliste radio à New York, il s'agit d'une banale disparition. Mais quand il découvre que la petite soeur de Sadie, Mattie, a été tuée un an auparavant, sa curiosité s'éveille. West se lance sur les traces de Sadie et les témoignages qu'il recueille alimentent sa série de podcasts.
De son côté, Sadie ne désire qu'une chose : trouver l'homme qui a tué sa petite soeur. Elle sait qu'il s'appelle Keith et qu'il a eu un temps ses habitudes dans un bar proche de chez elle. Il a quitté la ville mais Sadie a retrouvé sa trace.
Qui est réellement cet homme ? Comment est-il entré dans la vie des deux soeurs ? Tandis que Sadie remonte la piste de Keith, West remonte celle de Sadie. Et se dessine, progressivement, la figure d'un homme, d'un monstre, qui pourrait bien, cette fois, emporter Sadie.
Courtney Summers propose une narration rythmée en alternant la voix de Sadie et l'enquête journalistique de West. Dans ce roman, salué par la critique américaine, elle dresse un portrait d'une Amérique laissée-pourcompte, où les femmes et les enfants sont trop souvent abusés par les hommes.
J’ai pour principe de ne jamais trop me documenter sur un ouvrage avant de le lire : j’aime le découvrir sans aucun apriori, sans aucun parti pris … Au moment de me plonger dans la lecture Sadie, je ne connaissais donc que son résumé, et celui-ci était franchement aguicheur : un meurtre, une grande sœur en quête de vengeance, une double-enquête sur fond de course contre la montre … C’était franchement prometteur ! Mais il y a un « mais ». Contrairement à ce qu’annonce le résumé, Sadie ne cherche pas seulement à se venger de « l’homme qui a tué sa sœur » … mais bien aussi de « l’homme qui a abusé de sa sœur et d’elle-même ». Et s’il y a bien une thématique que j’évite comme la peste, c’est bien celle des abus sexuels ... Vouloir se servir d’un livre comme « tremplin pour ouvrir la discussion », pourquoi pas, mais je pense vraiment qu’il aurait fallu indiquer sur la quatrième de couverture que cette thématique allait être abordée, pour ne pas prendre au dépourvu ceux et celles que cette-dite thématique peut perturber. J’ai vaillamment été au bout de cette lecture, vu que je l’ai reçu dans le cadre d’une Masse critique privilégiée, mais je n’en ai clairement pas autant profité que si Sadie était purement et simplement à la recherche du seul meurtrier de sa cadette !
Car tel est le point de départ de ce roman : un an après la mort de sa petite sœur, Sadie disparait sans laisser la moindre trace. Mattie était tout pour elle : leur mère, toxicomane, ne s’est jamais réellement occupé d’elles et les a abandonnées quelques années auparavant. C’est May Beth, la grand-mère de substitution des deux adolescentes, qui contacte West McCray, journaliste, afin de lui demander de retrouver Sadie avant qu’il ne soit trop tard. Car, dit-elle, « une autre fille morte, je ne le supporterai pas », et que la police ne semble pas prendre l’enquête au sérieux. Alors West suit les traces de Sadie, qui suit elle-même les traces de celui qu’elle sait être le meurtrier de sa sœur : Keith, ancien amant de sa mère … La jeune fille retrouvera-t-elle cet homme qui lui a arraché son seul rayon de soleil ? Le journaliste parviendra-t-il à la rattraper avant qu’un nouveau drame ne se produise ?
Le procédé est de plus en plus courant, mais il est tout de même toujours efficace : Courtney Summers nous offre ici une alternance de point de vue à chaque chapitre – ou presque. Tantôt, nous suivons les pensées de Sadie, plongée dans son macabre road-trip à la poursuite du meurtrier de sa sœur, tantôt nous suivons le podcast de West McCray, journaliste appelé à la rescousse par la « grand-mère » des deux adolescentes. Malgré quelques redondances assez ennuyantes qui n’apportent rien de particulier au récit, j’ai beaucoup apprécié ce double point de vue : toute mature qu’elle soit, Sadie n’a assurément pas le même regard qu’un adulte, et les propos de West viennent parfois modérer – voir contredire – ce que pense la jeune fille. D’un côté, nous avons donc Sadie, dont le cœur est obscurci par un chagrin bien plus gros qu’elle, par une colère qui enfle progressivement, bref, qui est poussée par ses émotions. De l’autre, nous avons West, regard extérieur, qui découvre toute cette affaire avec un œil neuf, et qui nous présente donc des faits presque objectifs – presque, car qui dans ce monde peut se vanter d’être parfaitement objectif quand il parle ou écrit quelque chose ?
Je dois bien l’admettre : j’ai eu énormément de mal à me plonger dans cette histoire, atrocement longue à se mettre en place. L’exposition s’éternise, on se demande quand l’action va réellement se lancer. J’ai eu du mal à m’attacher à Sadie – qui est parfois attendrissante, parfois franchement insupportable –, j’ai eu du mal à accrocher avec le format « podcast » des chapitres dédiés à West – c’était une bonne idée, mais ça ne l’a pas fait avec moi, je trouvais ça vraiment pas naturel de lire ce que j’aurai du entendre. Je lisais donc un chapitre, je reposais le livre, je le reprenais, je lisais sans conviction un nouveau chapitre, puis faisais une pause … Et puis, soudainement, un soir, au moment d’aller me coucher, sans crier gare, c’est arrivé : je n’arrivais plus à m’arrêter. Il fallait que je sache. Si Sadie allait atteindre son morbide objectif. Si West allait arriver à temps pour empêcher un nouveau désastre. Ce n’est à mes yeux pas un vrai page-turner, mais c’est un bon roman à suspense qui nous donne envie d’avancer, et surtout, d’aller jusqu’au bout. Même si c’est dur.
Car je ne vais pas vous mentir : c’est dur. On parle tout de même d’une jeune fille d’une vingtaine d’années qui projette de tuer quelqu’un pour venger sa sœur. On parle tout de même d’un homme qui a tué une adolescente de treize ans, et qui gardent des « trophées » portant le prénom de toutes les petites filles qu’il a abusé. C’est un livre atroce, et cela d’autant plus qu’on sait pertinemment que la mention « inspiré de faits réels » aurait toute sa place sur la quatrième de couverture. D’autres blogueurs l’ont déjà mis en évidence : dans ce livre, rien n’est clairement raconté, tout est sous-entendu, suggéré, évoqué à demi-mot. L’autrice dit sans le dire, mais le lecteur comprend bien ce qu’elle veut transmettre. Et d’une certaine façon, cela ne rend cette réalité que plus terrible encore : on le sait, les victimes peinent à parler de ce qu’elles ont vécues, peine à mettre des mots sur leur douleur. Ce livre l’exprime vraiment bien, je trouve. Par cette retenue même, par ce silence, par ces révélations implicites. Parfois, le plus important réside dans ce que l’on ne dit pas … Et c’est bien pour cela que cette fin est à la fois frustrante et évidente : après un livre de non-dits, cela semble tout naturel que Courtney Summers laisse une fin suspendue.
En bref, vous l’aurez bien compris, mon avis est clairement mitigé sur cette lecture. Objectivement, j’ai tendance à admettre que c’est un bon livre, avec juste assez de suspense pour donner envie de poursuivre sans pour autant banaliser la situation de la jeune Sadie. Le format « retranscription de podcast » est intéressant, et les chapitres de Sadie sont prenants et émouvants. Mais voilà, ça ne l’a pas fait chez moi : déjà parce que la thématique abordée me rend incroyablement mal à l’aise, et ensuite parce que je n’ai pas réussi à me plonger rapidement dans le récit. C’est vraiment une histoire qui, pour être bouleversante, nécessite que le lecteur parvienne à s’y plonger corps et âme, comme s’il était Sadie, comme si Sadie était le lecteur. Sadie, ce pourrait être n’importe quelle jeune fille, n’importe quel jeune homme, n’importe quel enfant négligé et abusé. Ce n’est pas un mauvais livre, loin de là, mais ce n’est pas non plus un livre excellent …
https://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2019/11/sadie-courtney-summers.html
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