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Cela fait plus de dix ans que David Armitage, aspirant scénariste à Hollywood, rame, attiré irrésistiblement par le mirage de la célébrité. Dix ans de galères qui ont eu raison des rêves d'actrice de sa femme Lucy. Dix longues années qui ont dégradé leur relation, seulement égayée par la présence de la petite Caitlin... Mais, alors qu'il est sur le point de perdre tout espoir, le miracle se produit : un de ses scénarios est acheté par une chaîne de télévision. Le succès immédiat de la série fait de lui un homme riche et envié. Alors que sa nouvelle vie le comble, David, abusé par les promesses mirobolantes, va découvrir que la gloire est souvent éphémère...
Si mes calculs sont bons, "Rien ne va plus" a été ma treizième incursion dans l'univers de Douglas Kennedy. D'ordinaire, j'ai tendance à me lasser de retrouver sans cesse les mêmes éléments, les mêmes références, les mêmes réflexes d'écriture chez un auteur. Après treize voyages passés en sa compagnie, les premiers signes de lassitude devraient pourtant apparaître, mais il n'en est rien. Si je n'ai pas entièrement adhéré au recueil de nouvelles "Murmurer à l'oreille des femmes" ainsi qu'à "La femme du Vè", ces quelques réserves n'ont pas entamé mon intérêt pour cet auteur, bien au contraire.
"Rien ne va plus" est paru en 2002, soit du point de vue chronologique entre "La poursuite du bonheur" et "Une relation dangereuse". Contrairement à ses romans les plus récents, le narrateur de cette histoire est un homme. David Armitage, scénariste, écrivain, vivote plus qu'il ne vit de sa plume et doit la constance de son acharnement à son épouse qui assume le rôle de pilier financier de la famille. Tout change dans la vie de ce couple lorsque David décroche un contrat pour un grand network, une série télévisée qui va lui permettre d'accéder à ses rêves les plus fous et de couronner de succès des années de galère.
Au premier abord, on pourrait trouver dans la situation initiale du roman des réminiscences de la vie de l'auteur qui a lui aussi beaucoup œuvré dans l'ombre avant de rejoindre la lumière. Les cinquante premières pages achevées, cette idée préconçue est vite balayée. David Armitage n'est en aucune manière un double ou encore moins un ersatz de Douglas Kennedy, mais une marionnette que les mains habiles de l'auteur vont propulser dans une satire emplie d'humour sur les coulisses d'Hollywood et de la télévision. Le roman aurait pu s'appeler "Ascension et déchéance de David Armitage" mais l'auteur avait visiblement trop d'empathie pour son personnage principal pour ne pas lui offrir une résurrection digne de ce nom, mais non dénué de cynisme.
Une fois encore, Douglas Kennedy ponctue le fil de sa narration d'une multitude de références littéraires, musicales ou cinématographiques dont certaines font partie intégrante de son œuvre. Cette érudition n'a rien d'un déballage façon confiture, mais contribue à l'ambiance du roman et sont, la plupart du temps, utilisés par l'auteur pour faire avancer l'intrigue (Pasolini, Emily Dickinson). Les péripéties de David Armitage sont nombreuses, donnent l'impression que l'effet boule-de-neige sera sans fin, une illustration littéraire de la Loi de Murphy un brin appuyé, mais il faut toujours garder à l'esprit que "Rien ne va plus" est avant tout une satire. Avec le recul et en modifiant quelques éléments, le roman aurait d'ailleurs pu avoir la forme d'une pièce de théâtre en trois actes avec prélude tant Douglas Kennedy est ici dans l'exercice de style.
Si David Armitage est complexe, ses coups de sang, ses réactions sont prévisibles, mais servent justement à sublimer l'alambiqué et diabolique scénario mis en place pour le détruire. Sans être à proprement parlé un archétype, le héros de l'histoire n'en est pas moins façonné par l'auteur pour appuyer sa démonstration. Les autres personnages gravitent autour de David sans que l'on sache, pour certains d'entre eux, de quel côté ils penchent. Il y a ceux qui suivent le sens du vent, encensant un jour, se désolidarisant le lendemain, ceux qui n'abandonnent jamais le navire et il y a les énigmatiques avec en tête Philippe Fleck et son épouse Martha. Une belle galerie de personnages qui donnent, chacun à leur niveau, de la substance au roman.
Au-delà de la satire, « Rien ne va plus » explore également la complexité de la création, évoquant avec intelligence le rapport de l'auteur au plagiat, mais également d'autres thèmes comme la puissance de la presse américaine ou la corruption à l'œuvre dans certains organismes reconnus pourtant pour leur partialité et leur éthique. Avec ce roman, Douglas Kennedy, quelque peu boudé dans ses contrées à l'époque, ne risquait pas de retomber dans les bonnes grâces de l'intelligentsia américaine. « Rien ne va plus », bien qu'arborant une forme satirique, n'en demeure pas moins une charge musclée et ciblée contre la plus grande industrie de divertissement du monde.
« Rien ne va plus » est un très bon roman que je rapprocherais de « Quitter le monde » qui présente des ressemblances au niveau de la construction narrative et des thèmes évoqués. Les deux romans sont toutefois bien différents, mais d'un roman à l'autre, quand bien même plusieurs années les séparent, la filiation entre les livres de l'auteur est une réalité palpable qui contribue à la qualité de son œuvre et légitime son cheminement créatif.
David est scénariste et lorsqu'il obtient enfin le succès pour une série télévisée tout change. A Hollywood tout est démesuré et comme à Rome au temps jadis, la roche tarpéienne est toute proche du Capitole...la chute sera soudaine et terrible...s'en relèvera t'il ?
Roman dans la veine habituelle de D. Kennedy un cran en-dessous de "l'homme qui voulait vivre sa vie" mais très agréable à lire
peinture grinçante de Hollywood, de la superficialité de la notoriété, des pièges du plagiat...
UN BON MOMENT SANS PLUS
Livre reussi, qui reussi à nous faire pénètrer l'univers particulier des scénaristes de séries à Hollywood.
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