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Règne animal retrace, du début à la fin du vingtième siècle, l'histoire d'une exploitation familiale vouée à devenir un élevage porcin. Dans cet environnement dominé par l'omniprésence des animaux, cinq générations traversent le cataclysme d'une guerre, les désastres économiques et le surgissement de la violence industrielle, reflet d'une violence ancestrale. Seuls territoires d'enchantement, l'enfance - celle d'Éléonore, la matriarche, celle de Jérôme, le dernier de la lignée - et l'incorruptible liberté des bêtes parviendront-elles à former un rempart contre la folie des hommes?
Règne animal est un grand roman sur la dérive d'une humanité acharnée à dominer la nature, et qui dans ce combat sans pitié révèle toute sa sauvagerie - et toute sa misère.
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Règne animal de Jean Baptiste Del Amo
C’est sous les conseils d’une amie qui fréquente la petite bibliothèque de mon village et qui avait adoré le livre Règne animal de Jean-Baptiste Del Amo, que j’ai lu le livre de cet auteur que je ne connaissais pas. Dès les premières pages du premier chapitre intitulé Cette sale terre (1898-1914) j’ai tout de suite été conquis par la qualité de l’écriture, par cette présentation minutieuse, quasi cinématographique du décor décrit par Jean-Baptiste Del Amo. Tout au long de ce roman qui se déroule lentement, je dirai au rythme des saisons, je me suis réjoui de la qualité des descriptions et surtout du vocabulaire employé, me faisant presque regretter de ne pas avoir en main un crayon à papier pour souligner les mots peu usités que je rencontrais, pour y revenir plus tard et en apprécier toute leur saveur en approfondissant leur définition savante. Ceci-dit Règne animal de Jean-Baptiste Del Amo est une saga familiale rurale qui retrace la vie d’une exploitation familiale du début à la fin du vingtième siècle, en suivant son évolution puis son déclin au travers de l’omniprésence des animaux et plus particulièrement des porcs, mais également en suivant cinq générations de ces fermiers qui vont vivre et mourir sur cette ferme dans le cataclysme de la guerre 14-18, des désastres économiques, de la violence industrielle dans le domaine de l’élevage et d’une violence humaine ancestrale. C’est donc au rythme des saisons que la première partie de ce livre se déroule et nous les suivront de par les réflexions d’Eléonore de son observation scrupuleuse du rythme de la nature. Eléonore qui sera actrice puis témoin de l’activité agricole de cette ferme. Son enfance est celle de beaucoup d’enfant dans cette période ; faite de pauvreté, auprès de son père malade des poumons Auprès de sa mère, une femme rude, sèche, pétrie par la religion catholique, dénuée de tout sentiment envers sa fille, elle aurait surement préféré avoir un garçon, au point qu’elle est nommée par l’auteur la génitrice, puis la veuve, mais à aucun moment par le terme de mère. Eléonore a soif de vivre, de combattre les idées reçues. Son avenir semble s’ouvrir par l’arrivée sur la ferme de Marcel, un commis de ferme comme l’on disait à l’époque venu suppléer le père malade et le remplacer à son décès. Hélas, la mobilisation générale est sonnée. Marcel est appelé à aller se battre dans les tranchées. Jean-Baptiste Del Amo, nous immerge alors dans le vide des campagnes, ou lorsque les hommes sont partis se battre ce sont les femmes qui s’occupent de la ferme, aussi bien des bêtes, qu’accomplissant les travaux des champs et la vie au foyer. Après le départ des hommes se sera celui des bêtes, enlevées sans ménagement de leur herbage, conduites dans des wagons vers des boucheries à ciel ouvert. Le choc lors du retour de ces hommes victorieux, dont beaucoup sont revenus défigurés ; des gueules cassées comme ont les a nommés. C’est dans cet état, que Marcel revient à la ferme. Eléonore l’avait attendu, il deviendra son époux. Le deuxième chapitre intitulé La Harde nous projette en 1981. D’une exploitation agricole traditionnelle, nous arrivons dans une exploitation familiale exclusivement tournée vers l’expansion au travers d’une porcherie, dirigée par Serge et Joël, les petits enfants d’Eléonore. Au fil des pages, nous ressentons physiquement cette odeur caractéristique du lisier de porc et d’ammoniaque. Bêtes et gens vivent dans le même lieu. Serge et Joël sont frères, deux caractères bien différents, élevés à la dure par leur père Henri, héritier de la violence de Marcel. L’un est sous l’emprise de son père ; l’autre est sous l’emprise de l’alcool. La vie de ces porcs se résume à 182 jours dans la pénombre d’une porcherie, avant de se retrouver dans les étals des bouchers, sans trop de gras ! Dans cette porcherie industrielle, l’on tracte le moindre virus, la moindre bactérie, le moindre avortement. Dans cet univers concentrationnaire seul compte la productivité, à tout prix Cette porcherie devient un lieu de guerre qui déteint sur les hommes perpétuant une barbarie de génération en génération. Vous lirez ce dernier chapitre l’effondrement en apnée, non pas parce que dans cette ferme tout va de travers les bêtes comme les hommes, mais par la réflexion que ce livre amène, sur la dérive de notre humanité acharnée à dominer la nature, dans un combat sans pitié révélant toute notre sauvagerie ; tout simplement notre misère. Bien à vous.
1898. le Père, La génitrice et Eléonore, âgée de 5 ans, cohabitent dans une petite ferme au fin fond de la campagne française. La culture de la terre, l'élevage des bêtes, seuls moyens de subsistance, rythment la vie des protagonistes. le Père s'épuise aux champs tandis que la génitrice use d'un droit de vie ou de mort sur tout être vivant dans les lieux. L'homme malade et fatigué, fait alors appel à un neveu, Marcel, pour le seconder puis très rapidement le remplacer. Eléonore, auprès de l'adolescent, grandit en harmonie avec la nature, les saisons, les animaux et vit, enfin, de rares et précieux moments d'insouciance. Mais la guerre éclate. Marcel part au front. Contre toute attente, Marcel en revient, métamorphosé par l'horreur et la violence. Eléonore et Marcel bâtissent, sur ces bases fragiles, une exploitation porcine devenant au fil des décennies, un élevage industriel.
Je découvre Jean-Baptiste del Amo avec Règne Animal qui m'a été judicieusement conseillé. La puissance de l'écriture est impressionnante. La richesse du vocabulaire, les descriptions détaillées, s'appuyant sur une documentation évidente, ainsi que l'équilibre narratif en trois parties, donnent au fond, riche et dense, une envergure exceptionnelle.
L'auteur aborde à travers ce 4ème roman de multiples problématiques, la principale étant celle du déséquilibre que l'Homme impose constamment à la nature. Il transpire du texte, le dégoût de del Amo pour une humanité qui s'obstine à détruire, dans une totale illusion du « toujours mieux, toujours plus », jusqu'à en oublier l'existence de ce processus formidable de création qu'est la Vie. Si la création et la destruction se déchirent dès les premières pages, c'est cette dernière qui sera à l'origine d'une certaine libération.
Les événements, terribles, sont relatés en usant d'un vocabulaire redondant, abusant de synonymes en cascade, renforçant l'aspect glauque des situations, ce qui permet d'en mesurer toute l'horreur.
Le roman est sombre, triste, noir.
La nausée saisit parfois.
Les pages laissent dégueuler toute l'ignominie dont est capable l'être humain envers la faune mais aussi envers lui-même.
Si Del Amo a choisi le cochon comme l'animal dominant de son histoire (jusqu'à ériger l'un deux en un personnage-clé en 2ème et 3ème parties), ce n'est pas pour rien. L'animal est réputé intelligent, pourvu d'une conscience de soi. Tout ce qui le caractérise et fait sa force à l'état sauvage est incompatible avec un élevage industriel. Les convois d'animaux, dans des conditions ignobles, évoqués lors du récit de la guerre 14-18, rappellent ceux de la déportation du conflit mondial suivant. le départ des porcs pour l'abattoir ne peut faire penser qu'aux conditions de l'extermination dans les chambres à gaz. C'est là la volonté de l'auteur de créer un perpétuel parallèle entre maltraitance animale et folie meurtrière humaine. Et ce sera le cas jusqu'à l'issue de l'histoire.
Et pourtant.
L'amour de Del Amo pour la Vie est présent partout. L'amour, la tendresse, l'indulgence, la compassion, la compréhension, la solidarité s'entendent à l'évocation de l'enfance et de l'adolescence des protagonistes. L'enfance, cette période où l'insouciance règne encore, où tout est encore possible, où l'Homme est capable du meilleur. A chaque page, l'animal, l'insecte, la fleur, la céréale, les éléments, investissent les lieux, flirtent avec la jeunesse, donnent à la vie tout son intérêt et sa force. L'amour s'exprime par une caresse sur la tête d'un chien, par la fidélité d'un oiseau pour un personnage, par le corps à corps d'un enfant et d'une couleuvre. Ces instants-là, poétiques, renforcent d'autant plus la noirceur du récit.
Du roman, émerge également la quête d'identité, thème prédominant dans l'oeuvre de l'auteur. Parce que ce roman, c'est aussi l'histoire de personnages au passé compliqué, marqués par les événements, rongés par les secrets, prisonniers de leur condition, écrasés par la filiation. Cette approche psychologique terriblement humaine, essentielle pour comprendre le déroulement des événements, fait de Règne Animal un roman magistral.
En conclusion, je ne voudrais pas réduire Règne Animal à une propagande pour des mouvements de lutte contre la maltraitance animale (Jean-Baptiste Del Amo ayant rejoint en mars 2016 la L214) parce qu'il est bien plus que cela. C'est une histoire d'Hommes, avec toute ses attentes, ses errances, ses contradictions, bref sa complexité face à une nature fragile qu'il nous faut impérativement laisser libre…au risque de nous perdre.
Je découvre Jean-Baptiste del Amo avec cet ouvrage et quel roman ! Il m'a donné envie de découvrir les autres livres de l'auteur.
L'écriture est très soignée et la construction du récit est intelligente avec notamment ces trois parties (avant guerre, pendant et après la guerre) ou l'on voit bien l'évolution de l'exploitation et des protagonistes.
Les descriptions sont admirables et vont participer à immerger totalement le lecteur au sein de cette exploitation. Attention aux coeurs sensibles, c'est dur, très dur même. Un livre à éviter lorsque l'on est un peu déprimé.
Pas besoin de rentrer beaucoup plus dans le détail mais j'ai clairement été bluffé par ce livre très prenant et qui fait également réfléchir le lecteur par moment sur certains sujets (l'élevage intensif et ses dérives, le traitement des animaux, l'autorité dans la famille...) sans pour autant être moralisateur mais en n'ayant pas peur d'utiliser des mots / des situations difficiles.
Un excellent roman que je conseille si vous n'avez pas peur des ambiances oppressantes. Mais ça serait dommage de louper ça, alors n'hésitez pas trop à plonger les deux pieds dans le purin.
Affaire de siècles, de génération en génération on aiguise le couteau, on vêt des tabliers de cuir comme par raillerie, on hisse le porc par les deux pattes arrière en ignorant ses cris de terreur, bientôt d’agonie, et pendant un instant tout se mure dans le silence. La lame meurtrière reflète alors les rayons d’un soleil pesant dans les yeux noirs des hommes, dans la pupille gauche de la bête que l’on voit de profil, offrant sa jugulaire rose au travers d’un duvet blanc. Les cris, « on s’y habitue », disent-ils à ceux qui s’en détournent.
Derrière, l’humidité transpire par les fenêtres grand-ouvertes de la petite hutte. Les femmes font chauffer des casseroles d’eau, prêtes à ébouillanter les tripes qui coulent dans la bassine avec le sang. Car il ne faut rien perdre, rien gaspiller. Tout sera utilisé, et on sait y faire à Puy-Larroque.
On sait également gaver les oies, noyer les chats et battre les chiens. On sait gérer la ferme comme il se doit, comme les pères l’ont appris, comme les mères l’ont encouragé dans le silence ou le consentement. On s’habitue au dur labeur quotidien, à l’étrange « intimité (…) entre l’homme et la terre, son obscure sensualité ». Alors, pourquoi partir ?
Naturellement, les anciens font place aux plus jeunes, s’étant assuré de la descendance au travers des coups de reins donnés dans l’obscurité des chambres. Les familles fleurissent et développent la ferme. Des années plus tard, on ne tue plus le cochon au couteau, l’appât du franc requiert l’optimisation de l’élevage, alors on encage par dizaines les bêtes « énormes et fragiles à la fois », gavées de vaccins et de médicaments pour nous arriver immaculées dans nos rayons, puis on les envoie à l’abattoir, les branches du métier se spécifient.
Le goût du sacrifice
Mais dans l’intimité de la famille, la maladie traverse les temps, agresse ses membres qui cèdent parfois à la folie ou à la mort, à l’alcoolisme ou au mutisme. Seul le vieux chêne du village, témoin de tous les âges, paraît survivre pour mieux regarder les humains aller et venir dans la peine. Car malgré la brutalité et le savoir transmis avec finesse, on dirait que l’on vit dans la douleur, cernés par la puanteur. L’odeur ne quitte plus rien, même plus les murs qui s’en plaignent en suintant la fiente, même plus les vêtements que l’on ébouillante. Mais on s’y habitue, encore une fois, et l’on espère qu’en France un porc tué chaque seconde suffira. Car à l’autre bout de la chaîne, les millions de consommateurs s’impatientent, arrachent la viande des os avec plaisir et se régalent éternellement du « goût du sacrifice ».
Et si Jean-Baptiste Del Amo sait que l’on oublie vite, il se rappelle également que lors d’une guerre pas si lointaine on enfermait des êtres humains pour les abattre ensemble, coupables de rien d’autre qu’une croyance, une origine ou simplement une nature. Alors il nous décrit de la même manière, crûment et sans détours, ces prisons mortuaires comme peu de caméras l’ont filmé autrefois. Il veut aller chercher cette compassion que suscitent les génocides et la contextualiser dans nos méthodes. Il veut que l’être humain, coupable d’une mémoire vacillante, s’attèle à changer de discipline, à oublier la frénésie, à refuser l’héritage violent.
Car le Règne animal est avant tout humain, il dégouline de meurtre et de violence banalisés, sue la mauvaise conscience collective, suinte de désolation mais, avant tout, il transpire le talent incontestable de l’auteur qui saura nous emmener au plus profond de la barbarie avec une élégance mêlée d’obscénité, en une épopée de notre existence cruelle que certains œuvrent à tarir, malgré l’indifférence de tous. Après la lecture de cette fresque impitoyable, le lecteur sera responsabilisé, rien qu’un instant. Reste à savoir s’il va oublier de nouveau, ou se remémorer la mort à chaque festin rouge.
L'auteur du ce livre a une écriture très (parfois meme trop) riche. La lecture en est exigeante mais parfois l’empilement d'adjectifs est juste un peu trop.
Le livre qui se compose en fait de deux livres et la bascule est' à mon avis, pas bien faite. La seconde partie ne s'enrichit pas de la première meme si les deux partis pris chacun de leur coté sont très intéressantes. C' est un pamphlet contre l'élevage, ce qui pour moi, agriculteur, l'a pas rendu plus facile à lire vu que je butte du coup sur les inexactitudes voir les contrevérités (par exemple toute l'autotirade de Henri à la page 333) que peut parfois distiller ce fervent végétalien membre du L214.
Ceci n'empeche pas que les descriptions et le parallèle tiré entre la vie des éleveur et ses animaux retenus dans des conditions outrageantes ( et qui ne survivrait jamais à une inspection de la DSV mais qui entrainerait aussi la chute de l'exploitation en moins de temps qu'il en faut pour l'ecrire...) est très bien fait. Qui est l'esclave de qui au bout? La folie est elle dans les gènes ou dans la manière de travailler?
C'est un livre tout sauf relaxant que je ne conseillerai pas à tous le monde
D'une écriture exigeante, sans facilité, ce livre est une évocation puissante et sans compromis de la rudesse de certaines situations, de certaines conditions de vie.
D'abord une toute petite ferme du Sud-Ouest au début du siècle dernier, des hommes et des femmes taiseux, des rapports (in)humains troubles, une extrême pauvreté matérielle et relationnelle. Et puis la "Grande Guerre" et ses dégâts irréparables et innommables.
Ensuite, une énorme exploitation porcine où l'augmentation exponentielle du rendement a pris le pas sur tout le reste.
Et tout le long, l'omniprésence des animaux, leurs instincts, l'immuabilité des cycles. Les corps sous toutes leurs formes, leurs productions, leurs déjections, leurs attirances, la putréfaction, les transformations, les déformations...
La mort qui rôde, trop précoce, agonisante, inévitable, provoquée, latente...
Et cette difficulté pour le "clan" familial à créer des liens, à communiquer, à sortir de son aliénation, sur plusieurs générations.
Ce livre est tout à la fois prenant et presque répulsif, il envahit l'esprit, fort et dur... Une lecture très loin d'être anodine....
Pour son quatrième roman, Jean-Baptiste Del Amo a frappé très fort et sûrement dérangé beaucoup de consciences car, contrairement, à ses ouvrages précédents qui avaient été salués par la critique, "Règne animal" n’avait jamais été cité pour une récompense quelconque… jusqu'à ce que le Prix du Livre Inter lui soit décerné tout récemment. Enfin !
C'est amplement mérité pour ce livre remarquablement écrit avec un souci du détail digne des tableaux de Brueghel.
Toute l’action se déroule dans une ferme, près du village fictif de Puy-Larroque, au cœur du Gers. Le XIXe siècle se termine dans cette « campagne hostile, terre rétive qui finira bien par avoir leur peau. » Le père et la mère, nommée la génitrice avant de devenir la veuve, élèvent des cochons, plus quelques vaches et une jument pour les labours. Après plusieurs fausses couches, Éléonore est venue au monde. Elle tente de faire sa place, mène et garde les porcs dans la chênaie. Le père étant malade, le cousin Marcel vient vivre chez eux. Il va avoir 19 ans.
Au fil des pages, nous sommes plongés dans le quotidien de cette ferme et les diverses tâches accomplies sont décrites avec une précision remarquable. Le cimetière du village est important et revient souvent, semblant animé d’une vie souterraine.
Hélas, l’été 1914 arrive. Les femmes ont fait la grande lessive, les hommes commencent à faucher. « Le jour de sa communion solennelle, Éléonore fait en secret le vœu de bannir tout sentiment, toute inclinaison religieuse. » Il faut dire que le comportement du Père Antoine, curé du village, n’est pas favorable à cela. La vie des paysans est rude : « Aucun d’eux ne peut traverser la vie sans sacrifier un membre, un œil, un fils ou une épouse, un morceau de chair… »
C’est la guerre ! Tous les hommes de 18 à 40 ans sont mobilisés mais qui fera les moissons ? « Mis à part ceux qui gardent le souvenir de 70, la guerre est une abstraction… et ils agitent leur main pour saluer la sœur, la mère, l’amante qui pleure sur la place de Puy-Larroque. » Alors, les femmes… « Elles apprennent à aiguiser la lame des faux, elles empruntent le chemin des champs, le manche des outils sur l’épaule, vêtues de leurs robes grises… » L’auteur réussit des pages magnifiques sur le rôle de celles qui ont tout assuré pendant l’absence des hommes… à lire absolument.
Les premiers avis de décès arrivent. Éléonore vit dans le souvenir de Marcel. « La guerre ravive la foi vacillante. » On réquisitionne le bétail et nous voici dans les trains puis à l’arrivée où quinze équipes de bouchers doivent fournir 2 000 kg de viande pour un régiment d’infanterie, une apocalypse aussi pour les animaux massacrés… Quelle description de la guerre avec Marcel en plein champ de bataille !
Quand le cauchemar est terminé, « la peur, la douleur et la honte ont saccagé le désir… » mais la vie doit continuer pour passer subitement à 1981, toujours dans la même ferme où Henri, le patriarche, avec Serge et Joël, ses deux fils, a monté une porcherie hors-sol grâce aux crédits de la Politique Agricole Commune… Quelle débauche de traitements pour pallier carences et déficiences volontairement créées par l’homme ! Les porcs n’ont plus de défenses immunitaires pour donner toujours plus de viande et le lisier envahit tout… Après avoir lu des pages aussi fantastiques où rien ne manque, odeurs comprises, peut-on encore se délecter de cette viande qui envahit les bacs des super et hypermarchés ?
Jusqu’au bout, Jean-Baptiste Del Amo est passionnant sur les pas de ces paysans devenus exploitants agricoles ne respectant plus ces animaux élevés pour l’abattage alors qu’enfin « la Bête, le Règne animal, reprend sa Liberté, échappe aux hommes et à leur folie. »
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Règne Animal de Jean-Baptiste Del Amo est un roman magnifique, violent et exact en dépit d'un pessimisme affiché, d'afféteries parfois pesantes et surtout d'une fascination pour les déjections de toutes sortes. À travers le récit de la vie dans une exploitation porcine, Del Amo livre un superbe portrait de personnages dont il excelle à rendre les hésitations, les peurs et la bestialité d'une humanité fruste mais toujours finement saisie.
https://viduite.wordpress.com/2017/03/15/regne-animal-jean-baptiste-del-amo
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