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Berlin, 2001. Condamné par la maladie, Alexander piste les traces de son passé des grands-parents communistes, exilés à Mexico, rentrés bâtir la RDA; un père, intellectuel rescapé du Goulag stalinien; son fils, indifférent. Dans l'ombre de l'Histoire, les voix de quatre générations s'entremêlent pour dire un monde, une famille, une vie, et la splendeur des idéaux évanouis.
Ils sont communistes, par conviction, par choix ou parce qu’ils ne l’avaient pas, ces sept membres d’une même famille, moitié russe, moitié allemande. On les suit sur cinquante ans et quatre générations qui défilent et nous parlent de l’automne. L’automne : de la vie, des illusions, des souvenirs, des sentiments et des ressentiments. On y vit et on y pense au passé. Au Mexique d’abord, où les grands-parents communistes s’étaient exilés dans les années trente (on pense à Trotski qui n’en rentra pas). Eux sont rentrés en 52 car le Parti avait besoin d’eux pour reconstruire. En URSS ensuite, car les fils s’y étaient réfugiés après la prise du pouvoir par les nazis. L’un des deux en est revenu avec une épouse russe. Il ya peu de place pour l’avenir et les rêves. Difficile de rêver quand on vit en Allemagne de l’Est, celle qui est du mauvais côté du Rideau de Fer. Les rêves offerts par le Parti ressemblent à de pieux slogans un peu fanés et, même si on y croit, on sait bien que les lendemains ne chanteront que pour les générations qu’on ne verra jamais.
Ils ont lutté, ils ont survécu tant bien que mal à la guerre, à l’exil ou au camp, ils ont construit ce qu’on voulait qu’ils construisent, se sont aimés puis peu à peu éloignés. Peu de rêves, peu d’espoir, des vies étriquées formatées par la guerre, les pénuries et dirigées par le Parti.
Ca va mieux, beaucoup mieux que pendant la Grande guerre patriotique comme on l’appelle en Russie, mais, au fond, ça ne va pas fort dans cette Allemagne d’après-guerre quand on est à l’Est. On s’ennuie, on fait attention à tout. Ce qu’on dépense, ce qu’on dit et ce qu’on pense. On regarde l’Amérique, si loin et si près, car derrière le Mur, comme le dit un personnage, c’est déjà l’Amérique. Plus tard, le Mur tombé, vient le temps des bilans, des renoncements, des déchirures et des souvenirs qui reviennent à l’occasion d’un anniversaire, d’un mot, d’un objet, d’une histoire que racontait une grand-mère ou d’une odeur en cuisine.
« Il faisait très clair dehors quand elle leva les yeux, tellement clair que c’en était douloureux. Les bouleaux avaient un éclat jaune, l’automne serait chaud cette année, bon pour les récoltes se dit Nadejna Ivanovna. A Slava, on faisait en ce moment les pommes de terre, les premiers feux fumaient, les fanes de pomme de terre brûlaient, et quand les fanes de pomme de terre commençaient à brûler, c’était le signe qu’il était arrivé de façon inexorable : le temps où la lumière décline. »
Au-delà du bel hommage rendu aux cinq générations du vingtième siècle, perdues dans cette partie du monde, à travers ces destins individuels aux trajectoires aussi modestes que tragiques, c’est l’émotion qui domine. Les rapports intergénérationnels sont particulièrement réussis et finement décrits avec des personnages très consistants. On s’attache à eux, la grand-mère russe en particulier ou sa fille, et, en tournant les pages, les souvenirs affluent, les leurs bien sûr, mais aussi et surtout les nôtres, ceux de notre enfance, adolescence ou jeunesse et c’est ce qui fait le charme et la réussite de ce magnifique roman, puissant déclencheur de nostalgie.
Retour sur la RDA et la chute du mur. Un roman autobiographique sur trois générations, la famille Umnitzer militants communistes, qui passeront par le Mexique, la Sibérie et enfin l’Allemagne. Le temps qui passe et qui nous oblige tous à regarder en arrière, c’est ce que fait Euge Ruge. Il reprend la vie de sa famille. Une famille d’intellectuels avec leurs idées bien arrêtées de purs communistes, 7 personnes par chapitre qui nous racontent leur vie, 60 ans d’espoirs qui au fil des pages vont disparaître jusqu’à l’effondrement du mur de Berlin. Un roman émouvant, quoi de plus émouvant que de vivre au rythme de cette famille, une histoire vraie avec ses doutes, ses faiblesses, ses certitudes, un très bon livre. Je vais reprendre la citation de Jean Rostand (parût dans télérama du 7 novembre 2012) : «Ce n'est pas le temps qui passe. C'est nous.»
L’ex RDA comme on ne l’avait encore jamais lue, et pour moi, le meilleur de la rentrée littéraire 2012 à ce jour !
Il y a d’abord Charlotte Umnitzer, intellectuelle communiste réfugiée au Mexique pendant le 3e Reich, qui décide de revenir en Allemagne en 1952 pour participer à la construction de la RDA et servir l’idéal communiste, accompagnée de son 2e mari, Wilhelm, hâbleur professionnel immédiatement mis sur une voie de garage, tandis que ses deux fils, Kurt et Werner sont déportés en Sibérie pour avoir critiqué le régime. Il y a Kurt qui revient seul du Goulag, après 20 ans passés en URSS, et accompagné de son épouse Irina. De retour de Sibérie, Irina s’échine à transformer leur maison en un cocon confortable alors que sa mère, Nadejda Ivanovna, également rapatriée de Sibérie en RDA, continue imperturbablement à fabriquer ses cornichons, que Kurt devient historien du mouvement ouvrier, et qu’Alexander, alias Sacha, leur fils, a du mal à trouver sa place dans cette famille marquée par l’histoire. Quant à Markus, le fils de Sacha, il se détachera très vite du mode vie est-allemand pour s’intéresser à l’OUEST
Il s’agit donc de l’histoire d’une famille sur quatre générations qui se retrouve en RDA au retour d’exil, Mexico pour les uns, l’URSS pour les autres, où ils commencent une nouvelle vie. Au-delà de la politique qui n’est évoquée que pour son impact sur leur vie familiale (plutôt important au demeurant !), il s’agit plutôt d’une mosaïque de perspectives et d’histoires fondées sur les points de vue des 7 principaux personnages, dans une chronologie éparpillée qui évite la monotonie d’une histoire linéaire. Une histoire pleine de faits, de douleur, d’idéologie, de drames, de ressentiment, d'humour aussi, mais exempte d’amour et d’affect, comme si le rouleau compresseur du totalitarisme avait anéanti les sentiments. Passionnant.
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