Les meilleurs albums, romans, documentaires, BD à offrir aux petits et aux plus grands
J'adore cette chronique, claire et nette. :-)
Un texte sur le pouvoir émancipateur de la littérature, qui est aussi un pouvoir de consolation et de réconciliation avec la vie.
Toute mon adolescence, j'ai entendu parler des personnages d'
À la recherche du temps perdu, persuadée qu'ils étaient des cousins que je n'avais pas encore rencontrés. À la maison, les répliques de Charlus, les vacheries de la duchesse de Guermantes se confondaient avec les bons mots entendus à table, sans solution de continuité entre fiction et réalité. Car le monde révolu où j'ai grandi était encore celui de Proust, qui avait connu mes arrière-grands-parents, dont les noms figurent dans son roman.
J'ai fini, vers l'âge de vingt ans, par lire la
Recherche. Et là, ma vie à changé. Proust savait mieux que moi ce que je traversais. il me montrait à quel point l'aristocratie est un univers de formes vides. Avant même ma rupture avec ma propre famille, il m'offrait une méditation sur l'exil intérieur vécu par celles et ceux qui s'écartent des normes sociales et sexuelles.
Proust ne m'a pas seulement décillée sur mon milieu d'origine. Il m'a constituée comme sujet, lectrice active de ma propre vie, en me révélant le pouvoir d'émancipation de la littérature, qui est aussi un pouvoir de consolation et de réconciliation avec le Temps.
" Ce que rappelle avec force ce livre, c'est le formidable pouvoir émancipateur de la littérature. "
Elisabeth Philippe,
L'Obs
" Erudit, réjouissant, euphorisant. "
Nathalie Crom,
Télérama
" Un des meilleurs livres qu'on puisse rêver sur Proust. "
Tiphaine Samoyault,
Le Monde des livres
" Éblouissant. ?"
Jérôme Garcin,
Le Masque et la plume
Prix Médicis essai 2023
Dans cet essai très personnel, l’auteure mêle des éléments de sa vie à sa lecture de la « Recherche ». C’est son père, grand lecteur de Marcel Proust qui lui fait découvrir l’auteur. Depuis, elle lit et relit les 2400 pages des sept tomes de « A la recherche du temps perdu ».
Laure Murat, issue d’une famille aristocratique, se retrouve dans la critique féroce que Proust en a fait dans son œuvre.
« Pour ténus qu’ils soient, les quelques fils de la Vierge tissés entre Proust et ma famille, qu’il s’agisse des Murat ou des Luygues, dessinent un univers où se retrouvent la plupart des ingrédients de la société aristocratique de la Belle Époque décrite dans « la recherche » : les mariages d’argent, les tensions entre noblesse d’Ancien Régime et noblesse d’Empire, les croisements avec le « sang juif », les détours clandestins par Sodome… »
L’auteure a passé son enfance et sa jeunesse dans les traces de l’histoire, une sorte de « musée où tout rappelait les gloires de l’Empire ». Elle doit se plier aux convenances dans un monde où tout est codifié et où l’hétérosexualité est la règle.
Cette lecture assidue va lui permettre de s’émanciper de ce milieu où elle ne se sent pas à sa place et elle va rompre avec sa famille pour pouvoir vivre librement son homosexualité.
Lectrice de sa propre existence, Laure Murat nous donne les clés pour déchiffrer ce monde Proustien. Elle fait le parallèle avec sa propre famille, et ses ancêtres dont certains ont croisé l’auteur de la « Recherche ». Son arrière-grand-mère, Cécile Ney D’Elcingen mariée au Prince Murat, le recevra à sa table.
« Lorsque, encore adolescent, mon père comprit en lisant A la recherche du temps perdu que sa grand-mère avait connu Proust, il la pressa de questions. " Ah oui, répondit-elle évasivement, ce petit journaliste que je mettais en bout de table…" »
Mais, au-delà des ressemblances et des anecdotes, elle nous transmet ce pouvoir consolateur de l’œuvre de Proust. Cette lecture l’a chaque fois consolée « Or, la consolation recèle une puissance libératrice. C’est une force d’émancipation »
Outre ce pouvoir d’émancipation et de consolation, l’œuvre de Proust ouvre à la compréhension du monde.
Laure Murat nous offre un livre foisonnant, avisé et passionnant, une œuvre qui nous donne envie de lire ou relire « A la recherche du temps perdu ».
Grande fan de La Recherche, je ne pouvais ignorer cet essai enfin disponible à ma BM.
Mais comme je ne suis pas noble, j’ai eu un peu de mal avec la généalogie familiale de l’auteure qui tente pourtant de la rendre la plus simple possible.
Et puis son histoire familiale n’est pas ce qui m’a le plus intéressé dans ce livre.
J’ai aimé la lecture qu’elle fait de ce roman foisonnant à travers sa pratique de l’aristocratie, comment , grâce à la lecture de La Recherche, elle a compris les fonctionnements de son milieu social de naissance mais aussi sa vacuité.
J’ai aimé qu’à travers cette lecture, elle, la féministe et homosexuelle affichée, aie trouvé le courage de s’extraire de son milieu qui souhaitait la faire taire.
Un autre effet de La Recherche : l’effet émancipateur.
J’ai aimé que l’auteure du présent essai ai eu pour déclic un épisode de Downtown Abbey dans lequel le maître d’hôtel mesure l’équidistance des couverts. Ce détail force les portes de sa mémoire, à la manière de.
J’ai aimé que la comtesse Greffuhle revienne régulièrement dans le propos.
J’ai découvert les ressassements généalogiques de la noblesse, une vision hiérarchisé et autoritaire et monolithique du monde.
Enfin, j’ai aimé que cette lecture la console de son abandon familiale, comme l’adulte Marcel console l’enfant séparé de sa mère.
J’ai aimé cette image de La Recherche comme consolation.
Quelques citations :
Toute la Recherche peut être lue comme une investigation sur l’inadéquation des mots et des choses qui implique, à terme, une démonétisation inévitable des Noms, de leur pouvoir extravagant et trompeur. (p.77)
Dans son étude, Anne Simon formule la révolution proustienne en une équation limpide : « existence + imagination = réalité » (p.186)
Tout lieu de pouvoir s’érige sur un cimetière. Descendre en droite ligne de brutes anoblies ne m’enorgueillissait pas. (p.198)
L’image que je retiendrai :
Celle du château familiale de Luynes, sur la commune de Luynes.
https://alexmotamots.fr/proust-roman-familial-laure-murat/
Je n'aurais pas lu ce livre s'il n'avait pas fait partie de la sélection proposée au jury de lecteurs dont je suis membre et je ne serais pas allée jusqu'au bout si je n'avais pas tenu à respecter la règle tacite de ne donner un avis qu'après avoir lu l'ouvrage en entier.
Ce livre, dont l'auteure est une descendante des Luynes (noblesse d'Ancien Régime) et des Murat (noblesse d'Empire), qui a totalement rompu avec son milieu il y a une trentaine d'années, qui enseigne la littérature française à l'UCLA (Université de Californie de Los Angeles), est, tout à la fois, essai/autobiographie/analyse littéraire/roman.... ,
Laure Murat déclare que c'est Proust, et en particulier "A la recherche du temps perdu" qui lui a ouvert les yeux sur l'aristocratie dans laquelle elle a été élevée et lui a permis de se libérer d'un carcan qui étouffait ses forces vives. Car, affirme-t-elle, contrairement à certaines interprétations, Proust n'était pas un dandy snob qui essayait de se faire accepter par l'aristocratie, même s'il le fut un peu au début de sa carrière, mais en est devenu un contempteur ironique et sans pitié.
Même si ce procédé d'entremêler les fils de son passé avec ceux de l’œuvre de Proust qui a côtoyé sa famille (il dinait à la table son arrière-grand-mère qui le qualifiait avec mépris et condescendance de "petit journaliste") est intéressant, même si la description de l'aristocratie française m'a appris pas mal de choses, j'ai globalement trouvé cet ouvrage profondément ennuyeux et dérangeant.
Ennuyeux car l'auteure nous abreuve d'une pléthore de noms, plus ou moins prestigieux, plus ou moins connus à tel point qu'elle a ressenti le besoin d'ajouter une annexe intitulée " Index des noms de personnes et personnages" qui compte 490 noms (en moins de 256 pages!!!!); en quoi l'énumération de tous ces noms (les Camondo ???? les Ephrusi???, Mme Furtado-Heine???, Max Fould???........) présente un intérêt quelconque à part nous présenter le Who's who personnel de Laure Murat,
Ennuyeux, car au risque de faire hurler les aficionados de Proust, je n'ai jamais pu, ni lire vraiment, ni apprécier cet auteur que ce soit pendant mes études où il m'a été imposé ou plus tard, lorsque saisie d'un grand courage littéraire, j'ai essayé de m'y replonger; je n'ai donc pas pu goûter l'analyse littéraire pointue à laquelle s'est livrée l'auteure dans certains passages.
Dérangeant car Laure Murat se livre à un dégommage en règle du milieu dont elle vient : d'après elle, les aristocrates sont tous incultes, prétentieux , pleins de morgue, méprisants pour ce qui n'est pas de leur monde, en continuelle représentation, cruels, endogames.... Je comprends parfaitement que l'on puisse critiquer son milieu social, voire le rejeter mais cette description sans nuance, pleine de hargne n'honore pas celle qui la fait. S'appuyer sur Proust ne rend pas l'attaque systématique plus acceptable d'autant qu'on pourrait se demander, en ayant l'esprit très tordu, s'il n'a pas démoli l'aristocratie car il n'en était pas et surtout parce qu'il en a été rejeté et n'en serait jamais.
De Proust, je n’en connais que le nom, c’est ainsi. Est-ce que cela a été un frein pour ma lecture ? Oui, c’est certain. Il m’a manqué les associations entre les nombreux passages de La Recherche du Temps Perdu et l’analyse qu’en offre Laure Murat. L’ensemble est pour moi très scolaire. L’autrice nomme, raconte, analyse. Elle suit un schéma tout du long, pas forcément cohérent, ce qui rend le contenu lassant et ennuyeux. Un autre point me chagrine un peu. Laure Murat dit fuir un milieu aristocratique mais en nous livrant les us et coutumes de celui-ci, très sélect, n’en fait-elle pas l’éloge ? Le regard qu’elle en donne me dérange. Le propos est ambigu.
J’attendais beaucoup de cet essai, j’en suis très déçue ! Bref, je ne lirais sans doute jamais Proust !
http://www.mesecritsdunjour.com/archives/2024/01/25/40183152.html
Avec Proust, tout est possible. Rester à la porte de l’oeuvre sans parvenir à trouver la clé de lecture ce roman si célèbre ou tomber en amour pour la vie et devenir « proustien » !
Pour Laure Murat, c’est bien entendu la deuxième voie qui convient, mais pas pour les mêmes raisons que le commun des lecteurs. En effet, c’est sa propre histoire qu’elle identifie dans les pages mythiques.
En raison de la description pointue du monde de l’aristocratie du début du vingtième dont elle-même est issue, elle comprend les clés de fonctionnement de sa propre famille.
« en arrachant un à un les masques de la légende, en piochant consciencieusement le mythe jusqu'à l'os, Proust ne m'a pas seulement délivré des poncifs et autres platitudes, attachées à la noblesse pour substituer du sens et de la profondeur. »
Par ailleurs le thème de l’homosexualité et la façon dont Proust aborde le sujet dans La Recherche la renvoie à sa propre disgrâce au sein de sa famille lorsqu’elle a osé braver les non-dits d’usage autour de ce sujet tabou.
C’est finalement une famille de substitution que Laure Murat a trouvé dans ces pages dont elle est devenu une spécialiste et qu’elle a enseigné à peine arrivée aux USA.
Si le nombre des lecteurs de La recherche est relativement faible en regard de la célébrité de l’auteur (on constate que passé le premier tome, peu poursuivent la découverte de l’oeuvre) , le nombre d’ouvrage consacré à l’œuvre ou à l’auteur est assez considérable, et le plus souvent intéressant tant ces 2500 pages recèlent de thèmes différents. Le récit de Laure Murat présente l’originalité de joindre son histoire personnelle, qui sort du commun. Comme une transfuge de classe à rebours, elle y confie ses drames et ses regrets.
Les références bibliographiques sont nombreuses et ouvrent de nouvelles perspectives d’exploration.
A conseiller à tous les amateurs de Proust. Mais les lecteurs qui ne se sont pas encore lancés dans l’aventure pourraient y trouver de bonnes raisons de le faire
256 pages Robert Laffont 24 aout 2023
Pas assez de Proust, trop de Laure Murat.
Je dois avouer qu’au bout de 30 pages j’ai posé ce livre de côté, plutôt excédée par le style pompeux qu’à pris Laure Murat pour se présenter et introduire les éléments essentiels concernant sa famille et qu’elle allait détailler dans cet essai. J’avais vu rouge, d’autant que je n’apprécie pas spécialement qu’on crache dans la soupe familiale. En vouloir autant à ce qu’elle appelle « sa caste » m’avait refroidi.
Puis je me suis raisonnée et me suis dit que cet ouvrage n’avait pas pu faire couler autant d’encre, avoir été sur plusieurs listes de prix littéraires de cet automne, n’avoir pas pu être autant invitée dans des émissions littéraires et surtout n’avoir récolté le Prix Médicis de l’essai 2023 sans raison. Et c’est dans cet état d’esprit et après la lecture d’un très bon écrivain que j’y suis, bon an, mal an, retournée et ai pu modérer « le rouge » présupposé.
En avançant dans la lecture j’ai réussi à m’adapter au style Murat, un style très lourd, mais peut-être aussi un style pouvant être en lien avec son titre de « professeur de littérature l’Université de Californie à Los Angeles ».
J’avais surtout envie de connaitre ses explications à elle quant à l’attirance de tant de continents pour « La Recherche du Temps Perdu » de Marcel Proust. Pourquoi atteignait-il si bien le coeur de tant de lecteurs d’horizons différents, de la Chine à l’Islande en passant par l’Argentine ? Pourquoi chacun de nous, pouvons nous nous y reconnaitre ? Pourquoi Proust peut-il si finement décortiquer notre cerveau ? Et surtout qu’étant toujours en quête de quelques données complémentaires à me petite connaissance de Proust, je me suis dit que cela me serait culturellement profitable. Et ça, Bingo ! J’ai pu le vérifier.
L’autrice déroule un fil familial qui est autant le sien que celui de Proust. Elle a été, autant que Proust, phagocytée et atteinte par l’aristocratie. Si bien atteinte qu’elle peut (le mieux ?) comprendre Proust.
Une chose est certaine, Laure Murat on ne peut pas la pointer en lui trouvant « une ignorance de laquais » comme le disait Proust lorsqu’il parlait des familles d’aristocrates. Elle a vécu d’horribles choses de la part de ses frères et soeurs. Son père par contre elle l’a profondément aimé. Elle nous parle aussi de la réelle souffrance des enfants grandissant dans cette toxique ambiance bourgeoise. Concernant ces points familiaux et bien d’autres, le livre apporte beaucoup à ses lecteurs.
Je suis contente pour l’autrice lorsqu’elle détaille à quel point la lecture de Proust l’a sauvée ; je rajouterais volontiers qu’elle l’a probablement aussi émancipée.
Oui, c’est une écrivaine bourrée de culture et de connaissances littéraires. Dans bien des passages autobiographiques l’autrice est émouvante.
Et pourquoi ces différents passages en écriture inclusive ? Je ne pense pas qu’elle y avait une place dans un ouvrage ayant pour thème de base Proust.
Bref, étant donné que Laure Murat a essentiellement revisité sa propre vie alors que pour ma part c’est celle de Proust que je cherchais, il faut absolument que je persévère. Je pense que la lecture de la biographie de Proust par Jean-Yves Tadié complètera cette lecture.
« Proust n’est pas difficile » nous dit Laure Murat ! L’essentiel est d’être attrapé par cette écriture qui n’est pas un calvaire mais une véritable expérience de lecture. Laure Murat cherche à nouer sa propre histoire avec celle du temps perdu. Proust enchâsse dans des généalogies fictives des généalogies réelles, en l’occurrence la famille Murat, dont on trouve de nombreuses références au fil des pages.
Voici un récit aristocratique qui me semble bien loin de moi. Je n’ai pas lu Proust au-delà de quelques pages et plusieurs tentatives, et malgré le texte riche de Laure Murat et la sincérité enthousiaste de ses propos, je n’ai pas envie pour autant de le reprendre.
Née princesse Murat, du croisement de la noblesse d’empire – le maréchal Murat fut nommé roi de Naples par son beau-frère Napoléon – et de la noblesse d’Ancien Régime – le duc de Luynes compta parmi les favoris de Louis XIII –, l’auteur fut contrainte à ses vingt ans de rompre avec sa famille et l’étroitesse de ses codes aristocratiques pour vivre son homosexualité au grand jour. Aujourd’hui enseignante universitaire en Californie, connue pour ses essais et biographies sur la psychiatrie, la littérature et le troisième sexe, et plus particulièrement pour ses multiples études consacrées à Marcel Proust, elle passe pour la première fois à l’écriture autobiographique, le regard finement critique de « ce petit journaliste », que sa grand-mère plaçait avec condescendance en bout de table, l’amenant à passer au crible sa vie, sa famille et ce « monde de formes vides » qu’est l’aristocratie française.
« Toute mon adolescence, j’ai entendu parler des personnages de la Recherche, persuadée qu’ils étaient des oncles ou des cousines que je n’avais pas encore rencontrés. » Proust procédant par insertion de noms inventés à l’intérieur de vraies généalogies, Laure Murat se retrouve en effet des ancêtres communs avec le duc et la duchesse de Guermantes. Par un effet miroir proprement saisissant, la voilà qui découvre, dans cette œuvre qui n’a pas fini de la fasciner, tout ce qu’elle a toujours vécu d’expérience sans jamais en avoir clairement conscience. La lecture de Proust est une révélation. Elle lui ouvre les yeux sur la vanité d’un monde en perpétuelle représentation, « un théâtre qui ne ferme jamais », tout entier consacré à la mise en scène de sa distinction. En vérité, l’aristocratie n’a plus comme preuve de son statut d’élite que la seule forme creuse modelée par un corset de codes et de normes.
Tenir son rang en est le maître-mot, et l’affection se devant d’être « désincarnée, toujours distante » pour une dignité et des apparences toujours sauves, cela donne des scènes, parfois drôles, souvent d’une confondante cruauté. « ‘’On ne pleure pas comme une domestique’’, répétait mon arrière-grand-mère, que la haine de l’effusion avait poussée à donner un bal à la mort d’un de ses fils. » « ‘’Avec les enfants, chérie, il faut être in-di-ffé-rent, c’est cela, le secret. In-di-ffé-rent’’, avait recommandé ma mère de sa voix douce à ma sœur, qui lui demandait un jour conseil à propos de l’éducation de sa fille aînée. » Et comme il n’y a pas pire que de briser le code, l’auteur qui, à vingt ans, prétend sortir son homosexualité du placard, s’attire d’office une éviction violente. « ‘’Tu incarnes à mes yeux l’échec de toute une éducation morale et spirituelle’’, et : « ‘’Pour moi, tu es une fille perdue.‘’ Je l’ai vue pleurer pour la première fois. C’est cela, surtout, que ma famille m’a le plus reproché : tu as fait pleurer ta mère en public. Comme une domestique. »
Loin de l’évocation plaintive ou revancharde d’un monde fermé qui l’a exclue, le récit de Laure Murat, assis sur une lecture éblouissante de l’oeuvre de Proust, impressionne par l’intelligence et l’acuité de ses analyses. Sa narration est celle d’un choc littéraire, aboutissant à une compréhension de sa propre vie et à une libération. « Proust (…) élaborait sous mes yeux le mode d’emploi des créatures que nous étions. Il mettait en mots et en paragraphes intelligibles ce qui se mouvait sous mes yeux depuis que j’étais née. » « Ma lecture de la Recherche m’a délivrée des faux-semblants attachés à l’aristocratie de mes origines, m’a instaurée en tant que sujet (…) et, plus que tout, m’a ouverte au réel. »
Elle l’a aussi instituée universitaire, pour la grande chance de ses étudiants, mais aussi de ses lecteurs, qui apprécieront la clarté de sa démonstration en même temps que la qualité de sa plume. Dire que Gallimard avait refusé le manuscrit de Du côté de chez Swann en l’assortissant de ce commentaire lapidaire : « Trop de duchesses ! » A vrai dire, si elle bénéficie d’une « glose exponentielle », avec seulement quelque 5000 nouveaux lecteurs chaque année, l’oeuvre proustienne reste finalement très peu lue. « Plébiscité, encensé, revendiqué comme le plus grand écrivain du XXe siècle, Proust subit le sort des artistes fétichisés, dont la reconnaissance et le prestige sont inversement proportionnels au succès commercial. » Avec une avocate telle que Laure Murat, justice lui est passionnément rendue.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
Les meilleurs albums, romans, documentaires, BD à offrir aux petits et aux plus grands
Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
L’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy poursuit l’exploration fantasmagorique de sa mémoire familiale...
Merci Dominique; que mon avis qui n'est bien sûr que personnel ne t'enlève pas l'envie éventuelle de lire ce livre!!