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Le héros, Frédéric, est un jeune « Black », dealer à succès. Jusqu'au jour où il se fait prendre. Il est arrêté et se retrouve en prison, entouré de gars des banlieues comme lui, des Blancs, des Noirs, des Arabes, des Juifs. Il y mène alors un combat : enseigner le français, sans « wesh », « blédards » et autres « bâtards ». Il commence avec Richard, son compagnon de cellule, un « feuj ».
La tâche ne sera pas aisée. D'une part, ses codétenus ne saisissent pas l'intérêt de connaître cette langue. D'autre part, l'administration pénitentiaire ne lui facilite pas le travail. Et quand la République et le Diable s'en mêlent...
Frédéric tient bon, il croit aux mots et à la lecture, pour lutter contre toutes les prisons de ce monde, réelles ou intérieures.
Lu dans le cadre d'un Comité Lecture, " Prisons " est le premier roman de Ludovic-Hermann Wanda paru aux éditions de L'Antilope en cette rentrée littéraire 2018.
La citation de Victor Hugo résume parfaitement l'état d'esprit de ce roman, d'inspiration autobiographique : " Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons." Ancien taulard et vrai dandy, l'écrivain de Vigneux-sur-Seine raconte comment les mots lui ont sauvé la vie, et le constat est sans appel.
p. 33 : " Et, au sein des sociétés développées, le récit de l'échec de la vie trouve souvent sa première lettre, sa première ligne, son premier chapitre dans l'échec scolaire. "
Atypique comme son auteur, ce roman a la particularité d'user du français de Molière tout aussi bien que le français des banlieues, et le résultat est surprenant !
Frédéric Nkamwa, jeune dealer black de la banlieue parisienne, est de retour de Belgique après avoir acheter quelques kilos de drogue. Mais les services douaniers sont prêts à l'accueillir sur les quais de la gare du Nord. Est-ce son style dandy à la Lenny Kravitz ou bien un côté manque de chance... le fait est que le contrôle a bien lieu. Transféré rapidement à Fleury-Mérogis suite à une comparution stérile devant le juge, notre dealer se retrouve donc dans la plus vaste prison d'arrêt que compte l'espace européen. Son co-détenu, Richard Darmon, complètement dévasté par l'usage de la drogue, n'est plus que l'ombre de lui-même.
p. 63 : " Au fond, Richard est une sorte de mini trou noir qui avance dans un tunnel sans fin. Il est l'extension du domaine de la déchéance humaine. "
Entouré de gars des banlieues comme lui, des Blancs, des Noirs, des Arabes, des Juifs, il va vanter les mérites de l'apprentissage de la langue française et de ses bienfaits. Le challenge s'annonce corsé, mais la prise de conscience s'amorce...
p. 84 : "- Ch'ais pas, tu dis que t'aimes la langue de Molière, alors que t'arrêtes pas de lui cracher dessus, de la maltraiter, ben ouais, t'arrêtes pas de balancer des "sa mère la pute", "putain", "fils de lâche", etc. T'as toujours une insulte au bout des lèvres. Sérieux, j'trouve pas ça logique. Franchement, si tu l'aimes, tu dois pas la salir avec ces insultes. En plus, tu sais bien parler, donc, j'comprends pas pourquoi tu n'essaies pas de bien parler tout le temps? "
Réalisant petit à petit que lorsqu'il s'adresse aux agents pénitenciers dans un langage plus soutenu, ceux-ci lui accorde une considération et un intérêt plus grand, il va modifier sa manière d'être. S'abreuvant de lectures, il va ainsi transmettre cette passion à Richard. Contre toute attente, ce dernier va alors subir à son tour une véritable métamorphose. Les dialogues se font plus constructifs, plus argumentés et nettement plus passionnants! La prise de conscience est nette et sans bavure. Evidente.
p. 110 : " J'ai enfin compris, j'ai enfin percé le mystère de l'avancée de l'homme : c'est la lecture! Culture générale, capacité de concentration, vocabulaire à foison, sens de la précision, spécialité maîtrisée, jargon dompté : que de richesses elle me permet d'acquérir, des richesses qui vont s'accroître chaque jour, à chaque livre dévoré et digéré. J'ai compris la puissance de la lecture. Avec elle, je ne ferai plus jamais de surplace. "
En proie à des envies de grandeurs, Frédéric décide de poursuivre ses études en prison, poussé par la foi et l'ambition.
p. 196 : " J't'assure, Richard, je sens que je suis fait pour ça : écrire. Du coup, ça me motivera pour lire, lire et lire. Parce que pour écrire, il faut parcourir des tonnes de livres ; c'est évident. L'écriture, c'est le prolongement de la lecture. "
Je dois reconnaître que j'ai eu beaucoup de mal à passer les premières pages. Le langage des banlieues ne me fait pas rêver (pour le côtoyer quotidiennement dans ma vie professionnelle) et j'attends de la littérature, même contemporaine, une évasion! Alors oui, je plaide coupable quant au fait que j'ai seulement survolé les paragraphes constitués principalement de verlan et d'insultes.
De manière originale, ce roman est construit à plusieurs voix. En effet, la voix de Frédéric l'érudit, se confond également avec la voix de la République, via Marianne V, et de ses vieux démons.
Là où ce roman tient en revanche tout son mérite est d'abord dans le fait qu'il soit autobiographique, et d'autre part par l'évolution de la prise de conscience du protagoniste. Mêlant subtilement autodérision et grands questionnements, l'auteur partage son expérience du monde carcéral et de la réinsertion de manière optimiste. Le lecteur se prête à croire que, naïvement, la prison peut être l'occasion d'une élévation, d'un renouveau. J'en retiens un témoignage porteur d'espoir, même si le style m'a parfois gêné, sur le rôle incontestable du pouvoir des livres, que l'auteur défend avec talent ici même!
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