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Moi, c'est Lucas. Douze ans dans quelques mois, un mètre soixante-neuf (déjà), des yeux bleus,
des cheveux noirs.
À part ça, je ne sais pas quoi raconter.
J'ai une mère. Souvent, elle me casse les pieds. Mais c'est son métier.
J'ai une soeur aînée. Horriblement enquiquinante. Inutile d'en parler.
Une petite soeur, aussi, deux ans. Elle sait à peine parler.
Et un père. Enfin, j'en avais un. Il est parti depuis plus d'un an. Pas envie d'en parler.
C'est dur de dire « je », finalement.
Il ne sait pas quoi raconter. Et pourtant. En 24 histoires, il nous dit tout de sa vie. La famille,
l'école, les loisirs ; les joies, les peurs, les angoisses. On se souvient de Sarah, la petite narratrice
de Pressé, pressée, avec son petit frère Benoît, sa mère exigeante, son père boucher-charcutier.
Elle évoquait parfois un certain Lucas, un garçon de sa classe, trop mignon avec ses beaux yeux
bleus. Eh bien, c'est le même Lucas qui devient le narrateur, ici. Nous avons donc là la version
« garçon » de Pressé, pressée. Un personnage encore ancré dans l'enfance, qui aime s'enfermer
dans sa chambre pour jouer, mais aussi s'entraîner, en cachette bien sûr, à dire « Je t'aime ». Un
personnage plus « gentil » que Sarah, qui avait tendance à dissimuler ses angoisses et son malêtre
derrière une agressivité de petite chipie. Isolé entre une grande et une petite soeur, Lucas ne
peut pas jouer les caïds. Ses angoisses, sa fragilité, il les garde plutôt en lui-même, nous livrant
ainsi un autoportrait souvent touchant, parfois amer, toujours juste et attachant.
On l'a compris, Bernard Friot poursuit dans ce nouveau recueil son exploration de l'enfance vue par
elle-même. Loin d'être des « Histoires pressées de plus » ce titre-là complète et met en
perspective le volume précédent, Pressé, Pressée. Ce n'est pas non plus une suite, Lucas ne fait
que des allusions à Sarah, il ne conte pas du tout les mêmes histoires qu'elle. Mais il nous apporte
une autre illustration, une autre vision du ressenti quotidien d'un garçon d'aujourd'hui qui, au seuil
de l'adolescence, a du mal à quitter son enfance. Dans un style sobre, précis, concis, qui est la
marque de Bernard Friot. Il y a sans doute là l'une des explications au grand succès de la série des
Histoires pressées : Bernard Friot écrit avec les mots nécessaires, tous les mots nécessaires, mais
rien que les mots nécessaires. Il n'y a pas un adjectif, pas un adverbe, pas une virgule de trop.
Comme diraient les enfants, Bernard Friot « ne se la joue pas ». Comme tous les bons écrivains.
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