Avant le foot, c'était juste du football. Un sport, un spectacle, un jeu. Ses règles, immuables, ne le prédestinaient pas à être le foot que nous connaissons aujourd'hui. Eugène Saccomano, grand connaisseur, disait que le football est le miroir de la société. Avec l'exaspération du phénomène des supporters ultras, la rencontre de football est désormais le lieu de revendication d'une volonté de maîtrise aussi violente que paradoxale, aussi agressive que dénuée de sérieux. Joueurs et spectateurs à l'ancienne sont-ils voués à n'être plus que des personnages secondaires dans l'immense champ de forces où prédominent les supputations de la presse et la violence des partisans ?
Mais assister à un match de football, c'est d'abord participer à une temporalité ouverte, imprévisible. Cette expression du jeu oppose son démenti à une époque qui veut dominer le temps, le livrant à la certification de l'« historique ». L'aversion actuelle pour le temps précaire et vif, que conjure inlassablement le supporter ultra dans sa logique du « projet », conduit le foot à sa décomposition. Ces transformations mettent-elles à mal la spontanéité toute organique du jeu ? La résistance du football est étonnante. Démontrant que le jeu constitue un « réacteur d'imprévisibilité », cet essai élève le foot à la dignité d'un divertissement essentiel.
Si la société contemporaine se donne ici à penser, c'est à une réflexion sur l'époque moderne, nette et précise, que conduit ce court traité. Tout à la fois essai de sociologie et de philosophie, ce précis de décomposition se referme sur une évocation du football des enfants, hommage poétique au jeu éternel.
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