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Imaginez la maison dans laquelle pourraient vivre James Bond et le rappeur 50 cent. Un gigantesque lit rond à l'étage principal, un dortoir pour jeunes filles en haut, et une caverne tropicale en bas, où nagent de jolies filles, le tout filmé par des dizaines de moniteurs vidéo. Cette maison a pour nom le manoir Playboy, demeure de Hugh Hefner, fondateur du magazine éponyme. Car Playboy n'est pas seulement le magazine pour adultes le plus connu de la planète.
C'est aussi le fer de lance de la révolution masculiniste qui secoue les États-Unis des années 50. L'Américain moyen de l'époque habite un pavillon de banlieue, prend sa voiture pour aller travailler, avant de retrouver femme et enfants au foyer. Afin de le transformer en client playboy, Hefner conçoit un lieu qui n'est pas régi par les lois sexuelles et morales du couple hétérosexuel : le penthouse Playboy, loft high tech, tanière du célibataire ou du divorcé.
Cet espace modifie la traditionnelle partition des genres masculin et féminin. Espace autre, que Beatriz Preciado nomme, dans la lignée des analyses sur l'hétérotopie de Michel Foucault, une « pornotopie ». Cette pornotopie repousse les frontières entre privé et public, se nourrit de drogues et d'images (des caméras vidéo tournent en continu à tous les étages). Elle devient synonyme d'un capitalisme « chaud », qui tire bénéfice du caractère addictif et pornographique de la subjectivité moderne.
Playboy, ou Sade en Amérique... Le livre de Beatriz Preciado, profondément original, analyse un objet phare de la culture populaire avec un talent philosophique rare.
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