"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Je débute une nouvelle tournée de Masses Critiques organisée par Babelio - merci à eux et à la maison d'Edition - avec ce recueil de poèmes issu de l'inspiration d'une autrice roumaine, Doina Ioanid : cela faisait un moment que cela me chatouillait de découvrir cette maison d'édition, Atelier de l'agneau, qui propose de la poésie. Mon envie de faire une première immersion dans la poésie roumaine a fait le reste. Le traducteur Jan H. Mysjkin est un poète belge qui a également traduit depuis le roumain Lucian Blaga, Paul Celan et Nichita Stănescu. Doina Ioanid a composé de la poésie en prose, elle a participé à l'atelier d'écrivain Litere dirigé par le prestigieux Mircea Cărtărescu et fait partie de ce que l'on appelle "la génération 2000".
Certains poèmes sont écrits en français, mais la majorité de ces 66 textes a bien été écrite et traduite depuis le roumain. Ils sont partagés en deux grandes parties, la première s'intitule Disseminées, la seconde Nos portes de tous les jours. Dans cette première partie, elle emprunte beaucoup aux éléments naturels, qu'elle lie avec la vie, le mouvement vital - arbres, fleurs, vents, - contre le monde de l'homme, ses drames et tragédies, famine et maladie, mort. Les végétaux y sont revivifiants et apaisants, comme un contre-pouvoir à tout ce que l'humanité amène de sombre et de mortifère, cela se ressent dans la lecture, la prose rend la fluidité du propos, des images - le vent qui souffle dans les branches - et des animaux qui peuplent ces bouts de paradis. Elle y parle beaucoup de Dieu, la temporalité des poèmes est rythmée par les fêtes religieuses, les éphémérides. Le mysticisme occupe une grande part de son art, ou elle célèbre la beauté pure de ces coins de campagne, des œuvres d'art auxquelles elle pense. On retrouve dans cette première partie une sensation d'étouffer, certains poèmes ont été composés pendant le confinement, et conséquemment une envie de liberté, de fuite Imaginaire ou réelle - d'envol, ce qu'elle fait métaphoriquement à travers ses poèmes.
Et puis la réalité s'introduit brutalement, Auschwitz, et plus trivialement, le vol agaçant d'une mouche, et rompt ces rêveries très bucoliques, violemment avec ces "cris et injures" mystérieux. La seconde partie s'ouvre, si je peux dire, sur l'intériorité de la maison et sur l'objet de la porte en lui-même : sur le lien qu'elle tisse entre l'autrice et sa mère, une porte comme un intermédiaire, lieu d'union, de rentrée, de départ. Le seuil, l'embrasure : la porte frontière entre deux mondes, premier contact avec les habitants. Des portes ouvertes sur des histoires, car la porte du concret passe au symbolique, une ouverture sur autrui, un passage ou au contraire une fermeture, comme les quelques allusions au covid, là où l'objet symbolise le repli et l'isolement.
Variations sur la symbolique de la porte, et de tout son champ sémantique, je ne pensais pas que le thème pouvait donner lieu à autant de textes, on s'aperçoit alors que la porte, c'est la voie ouverte à pleines d'images qui elles-mêmes ravivent souvenirs, anecdotes. Et surtout, les portes, témoins inébranlables du temps qui passe, mètre-étalon de la distance et du temps, et jeu d'associations.
La dernière partie des textes ne fait même plus allusion à la porte, le seuil a été franchi, les associations d'idées portent loin, les portes sont définitivement grandes ouvertes, les masques de protection contre le covid ont disparu, l'auteure retrouve une liberté et sérénité. Il suffit parfois de suivre le cours de la pensée du poème, se laisser porter par le vent de la poésie de l'esprit, sans trop y chercher de sens. Un esprit libre, d'Angleterre en France jusqu'à sa Roumanie natale. Un recueil mené par l'idée de la liberté, mais aussi de l'enfermement, que revêt la symbolique de la porte et de ses dérivés.
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