"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce numéro s'ouvre sur une traduction inédite, assortie d'une brève présentation, d'un passage du Système de 1804 de Schelling. Contre la conception traditionnelle (judaïque) de la vertu comme obéissance, soumission aux commandements divins, ainsi que contre la doctrine morale kantienne - qui, toutes deux, envisageraient la moralité et la religion comme conscience d'un objet que l'individu, en tant que tel, chercherait à obtenir -, il expose l'idée d'une « moralité absolue » en laquelle le connaître et l'être sont identiques ; le soi n'y fait qu'un avec Dieu, donc avec soi-même, et ne saurait par conséquent, en vertu de la nécessité de cette union, agir que droitement.
Dans « Husserl : la phénoménologie comme philosophie du sens », Julien Farges cherche à clarifier la teneur du concept de sens, dont la phénoménologie husserlienne fait un usage constant alors même qu'elle demeure à distance de toute perspective herméneutique comme de toute philosophie linguistique. Depuis les concepts de « sens d'appréhension » et de « sens remplissant » dans les Recherches logiques jusqu'à celui de « sens noématique » qui émerge dans les Ideen, il apparaît que la notion de sens est inséparable de la thèse de l'être-constitué de l'objet, qu'elle préserve de toute interprétation mentaliste. Medium inobjectivable de tout rapport à un objet, ce « sens » ne se laisse pas identifier au Sinn frégéen, mais doit être reconnu comme le concept opératoire fondamental de la phénoménologie husserlienne, celui à partir duquel doit être compris son idéalisme transcendantal.
Dans « Les lois expliquent-elles les régularités ? », Julien Tricard critique la solution abductive du problème de l'induction. Afin d'expliquer les régularités que l'on observe dans la nature, ne faut-il pas supposer qu'elles sont les produits nécessaires de lois, sans lesquelles elles sembleraient d'invraisemblables coïncidences ? En examinant les versions que proposent David Armstrong et John Foster de cette « inférence nécessitariste », l'auteur montre qu'elle repose sur la confusion de deux concepts incompatibles de « régularité ». Il en tire une conception de l'induction qui n'est ni la généralisation factuelle des empiristes, ni l'inférence de lois nécessitantes, mais l'opération de constitution des faits particuliers comme instances régulières de lois.
Quelle réponse normative adopter face au ressentiment ? Dans « Valeur et légitimité du ressentiment », Pierre Fasula, prenant à rebours la tendance courante à juger d'emblée négativement ce genre d'affect et d'attitude, se propose d'interroger la valeur et la légitimité possibles du ressentiment. Il mobilise à cette fin deux traditions philosophiques, l'une de langue allemande (Nietzsche, Scheler), l'autre de langue anglaise (Smith, Rawls, Strawson), pour montrer que le véritable enjeu est le tour pathologique que peut prendre le ressentiment et la difficulté qu'il a alors à réagir face à ce qui exprime une aliénation.
D. P.
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