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Carlotta Mercedes va sortir de prison. Après avoir purgé une peine de vingt ans pour un braquage qu'elle n'a pas commis et passé quelques années au trou, on lui accorde une libération conditionnelle.
Même si la prison était un enfer, c'est là-bas qu'elle a vécu sa vie de femme : c'est sous les verrous qu'elle a affirmé sa transidentité, en dépit des brutalités, des viols et des humiliations infligés par ses codétenus et ses gardiens.
À quarante ans et quelques, Carlotta Mercedes est prête à tout affronter, avec sa langue bien pendue, son humour décapant et son désir de vivre à toute épreuve. Mais sa poisse légendaire ne la lâche pas. Elle débarque dans une ville qu'elle ne reconnaît plus, peuplée de hipsters blancs. Face à une famille qui l'ignore et un fils qui refuse de lui parler, elle doit faire de son mieux pour entamer une nouvelle vie.
Une odyssée urbaine explosive et queer menée par une héroïne sublime, aussi émouvante qu'hilarante.
Engagé, magnétique, terriblement humain, « Personne en avait rien à foutre de Carlotta » est serré comme un café fort. Sombre et lumineux, un tour de force et la preuve des possibles. Une histoire nécessaire, plausible. Un saut dans la flaque des aspérités.
Carlotta Mercedes est le point d’appui de ce récit. Combative, tenace, courageuse, au libre-arbitre avéré, elle est une femme exemplaire. Tout ici est dans les mots et les actes, l’acuité vive, la littérature éminente. Adrénaline fois mille !
L’incipit donne le ton. « Deux décennies et des pouces après sa condamnation, Carlotta Mercedes se préparait pour son cinquième passage devant la commission de libération conditionnelle de l’État de New York. Elle savait que ses nombreuses années de mitard (H23 et 7 jours sur 7, sans télé, sans radio, sans livres, ni contact physique agréable).
Carlotta Mercedes est donc allée en prison. Pour un braquage qu’elle n’a pas commis. Mais présente et le fait que son arme (en Amérique on porte une arme comme une baguette de pain en France), la normalité en quelque sorte. Sauf qu’ici présent Carlotta est condamnée et lourdement.
Son temps carcéral a été un enfer. Violée, martyrisée, à l’isolement, elle aura de cesse de résister aux brimades, à l’intolérance, elle qui s’appelait : Dustin Chambers.
« Avec les menottes, ce n’était pas facile et elle fit donc cela avec lenteur, en écartant les doigts au fur et à mesure, pour tuer une nouvelle fois Dustin Chambers et crier par la seule force du geste ».
Sa transidentité au garde à vous, elle espère sa liberté conditionnelle. Face aux juges, qui plus est noire, dans un pays aux relents de ségrégations. Carlotta pourra-t-elle être libérée ? Elle qui a osé sa métamorphose. Elle qui illumine ce récit de sourires et d’un optimisme avéré. Son humour est une arme. Elle, dont les jours en prison auront été que des humiliations et des atteintes à son intégrité par ses codétenus et les gardiens. Quatorze ans entre les barreaux, la vie qui vole en éclat et son jeune fils laissé entre les mains de sa famille. Les lettres envoyées déchirées, les silences de plomb. Femme libérée sous conditions.
« Quand elle arriva à la porte et découvrit la coulée de boue humaine qui déferlait dans la 42 ème, elle se fit l’effet d’un éléphant d’Afrique un peu simplet qui essaierait de s’incruster dans un jeu de corde à sauter… J’devrais carrément m’prendre un bretzel, c’est tout le parfum de ma vie d’avant. Me souviens pas, on pouvait faire ça avant ? J’vois nulle part de guichet pour acheter des jetons ».
Elle a une adresse : l’antre familial. Elle est attendue et redoutée. Elle, devenue femme, Dustin aux oubliettes. Sa droiture comme une voûte céleste, elle espère accueil pierre angulaire de la tolérance en frappant à la porte de la fratrie. Revoir son fils, auquel elle s’est tant délivrée. Devenu adulte, va-t-il renouer le lien ? Elle se sait malchanceuse, le complexe de l’albatros, toujours entrain de se prendre les pieds dans le tapis. Elle cherche les percées de lumière. Battante, toute rayonnante, sa force est l’espoir et elle ne cède rien aux doutes. Quel va être la réaction devant la métamorphose de Carlotta ?
« Personne en avait rien a foutre de Carlotta » est emblématique. Un titre qui fige Carlotta et prouve les batailles à mener. « Ça va bien s’passer, cette histoire. Mais non, sûrement que j’suis trop dure. Comment ça pourrait être une bonne nouvelle de revoir un de tes parents après tant d’années ? J’suis restée en taule sept mille neuf cent soixante-quatorze jours et c’est tout ce que tu as à m’offrir ? ». Ibe son fils, va-t-il renier sa mère ? Lui, qui se fait appeler Iceman ?
Le roman finement politique, sociologique, hors caricature est le portrait et de Carlotta et d’une Amérique clivante et puritaine. Comment Carlotta va-t-elle se reconstruire ? Nous sommes en plongée dans un texte vif et pourtant joyeux. Carlotta est un arc-en-ciel. Une femme puissante et volontaire. Rebelle, inoubliable, admirable et authentique.
Lisez ce grand livre d’élan et d’envergure. La profondeur magnifique d’un récit doté d’une intelligence vive.
Et, si un jour vous croisez Carlotta en vérité, dites-lui combien elle est une belle personne.
C’est un chef-d’œuvre à haut potentiel cinématographie. Une prouesse d’écriture rare. Traduit à la perfection de l’anglais (États-Unis) par Cécile Deniard. Une couverture explicite à regarder attentivement. Après « Delicious Foods » paru en 2020, James Hannaham vient de mettre au monde un livre salutaire. Édité également par les majeures Éditions Globe.
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