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Ecrit par un scribe-fantôme qui sert de narrateur fictif dans l'introduction et la conclusion, ce livre pourrait n'être qu'un recueil d'anecdotes dans le goût du XVIIIe siècle, comme on en composa sur tous les souverains russes. Le romancier Tynianov, dans la célèbre nouvelle du Lieutenant Kijé, avait déjà dépeint l'empereur Paul Ier, fils de la Grande Catherine et son souffre-douleur, comme un autocrate fou qui d'un trait de plume faisait naître des êtres virtuels ou disparaître des hommes en chair et en os. Alexeï Peskov, spécialiste du classicisme russe, a fait beaucoup plus: c'est un énorme travail d'historien qu'il a composé sous l'apparence d'un recueil d'anecdotes. Par l'effet de l'ironie omniprésente, de la gravité cachée du chroniqueur des passions humaines, de l'extrême distanciation, le montage de documents devient un poignant récit sur les paradoxes de l'histoire russe. Il se déroule sous Catherine II, la souveraine des Lumières qui prit peur à la Révolution française, et sous Paul, son fils, qui ne régna que quatre ans, bientôt assassiné par des conjurés qui s'étaient assuré le soutien de son propre fils, Alexandre. L'anachronisme consubstantiel à tout effort d'historien est ici souligné par la malice des titres et sous-titres, qui nous renvoient au XXe siècle, à la révolution russe de 1917, à ce constant paradoxe douloureux des choses russes qu'elles ne sont réformables que par en haut et par le levier de la cruauté. Le 7 novembre est le jour de la montée de Paul sur le trône, comme celui de la prise de pouvoir par les bolcheviks.C'est un régal narratif que ce puzzle de citations, et c'est aussi un genre nouveau, que l'on pourrait appeler l'histoire en creux, ou le récit en négatif: l'auteur est totalement absent, il n'a même presque rien écrit, hormis les textes du " scribe-fantôme ", mais ce " non-texte " agit comme une confidence, un essai de sagesse ironique ou encore un récit tragique, riche en scènes dramatiques, dont la finale, le meurtre de l'empereur caché derrière le paravent, est un condensé de cynisme, de dramatisme et une leçon d'histoire.Journaliste, enseignant à la Faculté des lettres de Moscou, Alexeï Peskov a déjà publié un très remarquable Boileau en Russie, ainsi qu'une chronique de la vie du poète Baratynski (1990). Il est également l'auteur, sous divers pseudonymes, de textes humoristiques.
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