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Le docteur Michel-Gabriel Paccard (1757-1827) fut le premier à gravir le mont Blanc en 1786, accompagné par le cristallier Jacques Balmat. La mémoire retint ce dernier comme le leader de la cordée, quitte à assigner au médecin de Chamonix le rôle de simple comparse - sinon de piètre second. La statue érigée au centre-ville en 1887 (cent un an après la première) en atteste. Elle représente Balmat en compagnie d'Horace-Bénédict de Saussure pour célébrer l'ascension du célèbre naturaliste qui fut conduit au sommet par le cristallier - devenu guide - en 1787. Pourquoi Paccard fut-il oublié par la postérité avant que les Anglais, véritables inventeurs de l'alpiniste à la fin du dix-neuvième siècle, rétablissent la place éminente qui fut la sienne dans la conception et la réalisation du projet ?
L'auteur s'attache à reprendre le fil de l'histoire. Il s'avère que les deux compagnons ne poursuivaient pas le même objectif. Le tourisme commençait à se développer à l'époque. Une bourgeoisie venue de toute l'Europe se pressait à Chamonix pour y admirer les glacières. Les plus audacieux pour gravir les montagnes, voire le mont Blanc. Une rente pour la vallée, le commerce, l'hôtellerie. La gloire de Balmat y contribuait, anticipant la compagnie des guides créée en 1821. Il convenait de reléguer le docteur du village au rang de simple client, pataud, mené par un Balmat conquérant capable de conduire des amateurs au sommet, et de les en ramener. Les dénégations du médecin firent long feu. La réalité est toute autre. Paccard était un fort montagnard. Il avait gravi moult glaciers aiguilles et autres dômes. Passionné de botanique, de géologie, de physique, il fut sans doute l'initiateur du projet. Son but était de mesurer la pression atmosphérique au sommet du mont Blanc (il y emporta un baromètre) afin d'en déterminer l'altitude par une méthode plus simple que la triangulation.
Le docteur Paccard était un esprit du siècle des lumières. Son journal, détenu par l'Alpine Club à Londres, en témoigne. Ses connaissances en botanique sont impressionnantes. Il fut l'élève du célèbre Carlo Allioni quand il étudiait la médecine à Turin. Il parcourait déjà la montagne en quête de trouvailles fleuries qu'il rapportait au botaniste qui donna son nom au genre Allionia. Les nomenclatures de Von Haller et de Linnée n'avaient pas de secret pour Paccard. Il devint correspondant de l'académie des sciences de Turin. Il communiquait avec les plus éminents naturalistes de l'époque, dont Saussure, puis juge de paix, maire de Chamonix, affichant des idées jacobines pendant la révolution, ce qui ne lui valut guère de popularité auprès d'édiles appelées à être mises en place sous l'empire et la restauration. Tout contribuait à faire oublier le docteur Michel-Gabriel Paccard.
Une époque revit au travers de sa biographie, celle du temps où Chamonix faisait partie du royaume de Piémont-Sardaigne. Quand, peu à peu, un ancien régime commençait à s'écrouler. Quand le système métrique allait remplacer toises, aunes et boisseaux et que les sans culotte défileront à Chamonix pour planter des arbres de la liberté. Quand on détruisait les statues de la Vierge, quand un dénommé Grenadier écrivait : « Ministres italiens, vous ruinez la Savoie par les principes de votre maître Machiavel. Songez aux suites qu'aura votre infernale combinazione ! Elle allumera la rage dans l'âme paisible du Savoisien et je vous prédis que vous serez les premières victimes. »Joseph de Maistre, père de la philosophie contre-révolutionnaire, écrira : « Il existait quatre maisons gangrénées à Chamonix, dont celle du médecin Paccard. »
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