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Dans le Rwanda des années soixante-dix, Notre-Dame du Nil est un pensionnat réservé à l'élite des jeunes filles du pays. En majorité des Hutu, et le quota légal de Tutsi, 10%...Parmi les Tutsi, Veronica et Virginia tentent de trouver leur place. Non loin vit M. de Fontenaille, un ex-planteur de café un peu fou, qui considère les Tutsi comme les descendants des pharaons noirs, et que Véronica fascine.
Au cours de l'année, lentement, Gloriosa, fille de ministre et commandante dans l'âme, distille sa haine des Tutsi, jusqu'à ce que le sang coule sous le regard gêné des enseignants. Le huis clos où doivent vivre ces lycéennes déjà soumises à la montée du pouvoir hutu constitue un prélude exemplaire au génocide rwandais.
Au Rwanda, le récit de Scholastique Mukasonga nous immerge dans un lycée catholique de jeunes filles pensionnaires. Dans ce microcosme, l'auteur illustre l'implacable absurdité et l'incroyable cruauté de l'histoire humaine. La haine, la jalousie, le pouvoir, l'argent, la luxure, la lâcheté gouvernent ce huis clos. Des personnages se détachent : Immaculée, la rebelle qui refuse d'être un mouton dans un troupeau de personnes conventionnelles et apeurées. Gloriosa, la dangereuse, forte des convictions idéologiques du peuple majoritaire hutu qui incite aux meurtres raciaux. Ce roman s'inscrit comme un prélude au génocide des Tutsi.
Voir un film est une chose, lire le livre qui l’a inspiré en est une autre… tout à fait indispensable !
Au cinéma, Atiq Rahimi a beaucoup épuré l’histoire, en a retiré plusieurs épisodes mais voir son très beau film, avant de lire le roman de Scholastique Mukasonga, m’a permis de visualiser scènes et paysages. Par contre, la lecture m’a aidé à comprendre certaines situations à peine suggérées à l’écran.
Lorsque Notre-Dame du Nil est sorti en librairie, en 2012, j’avais vu l’autrice en parler et je m’étais promis de lire son roman, ce que je viens de faire enfin ! Les Prix Ahmadou-Kourouma (Salon international du livre et de la presse de Genève) et Renaudot l’avaient justement récompensé.
Ce que raconte Scholastique Mukasonga sur son pays est troublant car elle permet de comprendre que le génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994, n’était pas une première, un terrible épisode unique. Déjà, en 1959, puis en 1963, une épuration dite ethnique avait eu lieu et ici nous ne sommes qu’en 1973.
Les Hutu, en majorité cultivateurs, se disent peuple majoritaire, paysans dominés par les Tutsi, plutôt éleveurs mais dont certains sont riches. Déjà écartés des principaux postes, les Tutsi subissent la loi des quotas – par exemple, 10 % d’élèves Tutsi au lycée – et les Hutus veulent encore se venger, poursuivre l’horrible épuration des années précédentes, traitant leur frères d’Inyenzi, de cafards, pour pouvoir les détruire.
Scholastique Mukasonga raconte l’histoire de ce lycée pour jeunes filles de la haute société. S’inspirant de ce qu’elle a elle-même vécu, elle imagine cet établissement construit spécialement près d’une des sources du Nil, à 2 500 m d’altitude. Elle émaille son récit de quantité de mots de la langue du pays, le kinyarwanda, alors que le swahili est écarté par les Hutu parce que parlé par des musulmans. Surtout, elle fait bien comprendre que ce sont les Blancs, les colons, qui se sont évertués à créer des races parmi les indigènes qu’ils rencontraient et traitaient avec beaucoup de condescendance. Des mesures, des arguments pseudo-scientifiques étayaient leurs théories et nous savons tout le mal, tous les morts que de telles classifications ont causés un peu partout dans le monde.
Alors, j’ai suivi ces jeunes filles comme Gloriosa, Goretti, Immaculée, Godelive, Frida, Veronica, Virginie, principales protagonistes d’une histoire tragique plongée dans les traditions d’un peuple, perverti par les Blancs, qu’il ne cesse de vouloir imiter. Je précise que les vrais prénoms de ces filles sont bien différents mais il leur faut un prénom plus européen pour l’école…
Le lycée est catholique, religion imposée, dirigée par une mère supérieure et un aumônier hutu, un pervers, qui ne fait qu’attiser les haines. Parmi les profs, trois coopérants français sont bien pâlots, sauf M. Legrand qui fait sensation avec ses longs cheveux blonds. Je dois aussi citer M. de Fontenaille, sorte d’illuminé qui a tenté de faire fortune dans le café et qui s’obstine à relier l’histoire des Tutsi à la Haute-Égypte.
J’ajoute enfin que j’ai apprécié l’épisode des gorilles, absent du film, très instructif pour le rapport des Rwandais avec la nature et la vie sauvage.
Notre-Dame du Nil est un roman superbement écrit, passionnant, instructif, précieux pour l’Histoire mais que c’est dur de constater tous les dégâts causés par nous, les Européens, sur le continent africain, en croyant apporter la civilisation alors que nous ne faisions que détruire celle qui existait.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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