" A l'esprit, dans l'ordre : l'effroi, les analyses, les souvenirs. L'effroi, c'est l'impensable mêlé au sublime. Les images du brasier sont belles. Beauté horrifique, gravure en fusion de Gustave Doré. Tout homme a un rendez-vous quotidien avec le paysage qu'il habite. Je vis sur les quais de la Seine, entre l'église Saint-Julien-le-Pauvre où fut enterrée ma mère et l'église Saint-Séverin où fut baptisé Huysmans.
Notre-Dame est là, tout près, reine mère de sa couvée d'églises. Je séjourne " sous le commandement des tours de Notre-Dame " (Péguy dans Les Sept contre Paris) " Sylvain Tesson.
Bonjour:" Je crois à la mémoire des pierres . Elles absorbent l'écho des conversations , des pensées , incorporent l'odeur des hommes . Les pierres sauvages des grottes et les pierres sages des églises rayonnent d'une force mantique."
Dans Notre Dame de Paris , nous parcourons les cathédrales ou plutôt leur architecture , aux côtés de Sylvain Tesson ; nous escaladons leur façade où se lovent de nombreux mystères :" Dissimulées sous des corniches ou dans l'obscurité d'un recoin , nous avons souvent débusqué , lors des grimpées sauvages , des décorations de pierre ...invisible du parvis .Elles n'avaient pas été destinées au regard des hommes...". Les bâtisseurs sont inconnus :"Nous cherchions leurs traces à la croisée des transepts ". Des hommes et des femmes savent découvrir ces secrets :"je connais ces promeneurs perpétuels ..qui habitent au coeur de Paris , l'âme ailleurs ...Ils savent le calcaire des pierres de Paris composé de fossiles déposés au Tertiaire et la ville construite sur un lit de coquillages.. Un petit nombre d'entre eux ont trouvé des chemins de traverse dans la ville ...où se glisser savamment . Ces chemins mènent au coeur des jardins féeriques( les cathédrales".
Sylvain Tesson raconte ses découvertes , son goût de grimper au plus haut de chaque église , chaque cathédrale pour y apprendre , y savourer le mystère , la beauté , la force que peu peuvent partager avec elles .Avec ses compagnons , ils voient "la forêt" :"l'enchevêtrement de poutres ajustées les unes aux autres " qui édifie la charpente de Notre Dame . Il nous dit leur émotion face à cette" intelligence géométrique" .Pour lui les cathédrales sont l'image de l'amour de l'homme pour un être plus puissant .Même si lui n'a pas la foi, il admire le travail , la conviction de tous ceux qui ont donné leur temps , parfois leur vie à la construction de ces monuments;
Chaque avancée au sommet de la cathédrale amène un moment prometteur :"Au sommet de chaque clé de voûte , un trou de quelques centimètres de diamètre ..obstrués par un cylindre de bois .Nous avons souvent débouché ces trous et approché le visage pour sentir.. Odeur mêlée de pierre , de cire et d'encens froid : l'haleine de l'église."
Des rencontres saisissantes parce qu'inattendues ; statues , sculptures , oiseaux , végétaux :" ces présences à peine visibles ..et le prochain règne sera végétal." Et les graffitis , les signatures , le besoin de l'homme de marquer son passage , peut-être par peur d'être oublié ou de ne pas être entendu ..."Nathalie aime Luc" ; "Les patrons sont des enculés ".Les Eglises semblent garder les souvenirs comme un coffre fort .
On passe souvent près d'elles sans même y prêter attention ; et puis un jour , un événement nous ouvre les yeux sur cette mine de trésors, de culture , de beauté:" Et moi, pauvre aveugle , je l'empruntais chaque jour , passais au pied du monument sans daigner lever les yeux vers la galerie des rois mutilés , sans regarder les tours , sans brûler de monter au sommet."
Et oui ,ce géant aura aidé Sylvain à remonter la pente , à croire à nouveau en lui :" Je n'avais qu'à monter en haut de ses tours pour retrouver mes forces."
Il retrouve dans les sculptures , la mémoire de Paris :"Les gargouilles ...surveillaient les Parisiens depuis un siècle et demi.."
Aujourd'hui" je suis remis , je marche droit et je salue toujours les tours de Notre Dame quand je flâne à leur pied"
Combien de fois avec ses amis se sont-ils demandés: "au milieu de ce peuple de tarasques , de gargouilles et de créatures mêlé aux feuillages gothiques , nous nous demandions ce qu'un parisien du treizième siècle pensait de ce vaisseau de pierre surnageant plus haut que tout autre édifice"
Alors si jamais demain , regardons autour de nous , qui sait quelles merveilles pourraient nous apparaître . Belles lectures . Prenez soin de vous
Ecrit dans la sidération du dramatique incendie de la cathédrale j'ai ressenti toute la douleur et la passion de ce grand écrivain pour ce si beau monument. Sylvain Tesson nous emporte dans son amour absolu des vieilles pierres de Notre-Dame !!
80 pages très, très intenses ! Un œuvre d'émotion !!
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