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Dans les cuisines du Hyo Tei, institution kaiseki vieille de plus de trois siècles à Kyoto, le cuisinier Paul Caussé à vécu une aventure des sens et une expérience culinaire.
Son épouse Laure Fissore a dessiné des moments, des gestes. Ses croquis accompagnent le récit.
"J'ai écrit ce carnet pendant les mois de septembre et octobre 2017, debout dans les cuisines du Hyo Tei, alors que j'effectuais un apprentissage en cuisine kaiseki. Mes confrères en France pourraient s'en indigner : le métier de cuisinier suppose une activité continue, sans relâche. Un cuisinier à l'arrêt est suspect. Même lorsque l'action diminue, le cuisinier cherche une tâche à effectuer, se renseigne, aide, prend des initiatives, ou va ne serait-ce qu'effectuer du nettoyage. Il révise sa mise en place, étiquette, réorganise le garde-manger. Passe au peigne fin les stocks. Note. Comme aux échecs, il réfléchit plusieurs coups à l'avance et anticipe.
Le texte de cette aventure en cuisine est suivi de recettes originales vécues sur le vif à refaire.
"Au Japon, en cuisine kaiseki, tout cela est très différent. La cuisine est réglée comme du papier à musique, et obéit à une rigueur singulière, où chacun reste à sa place. Le cuisinier ne prend pas d'initiative et attend sa mission. Une fois terminée, il lui arrive de croiser les bras, et d'observer en silence. J'ai utilisé ces instants de calme, pour écrire. Au sein de la brigade, j'ai eu la chance de toucher à différents postes, et d'avoir un aperçu large des techniques et du fonctionnement japonais, ou du moins propre à ce restaurant. Rien n'a été sacrifié au français que je suis. J'ai découpé du poisson sous l'oeil du chef, dressé des plats dans des céramiques vieilles de 200 ans, pour une clientèle locale. Et j'ai écrit parmi les casseroles et les vapeurs, pendant mes heures de service. Rien n'a été modifié, si ce n'est les ratures, les orthographies hasardeuses et certaines retranscriptions et vérifications en japonais. Le sel de ce carnet étant justement sa vérité brute, ses scories. Ce que j'ai souhaité conserver en le retranscrivant." Il y a la céramique. L'art floral. L'apprentissage permanent du geste. Un ruisseau qui fend le jardin. Des habitudes qui offrent un rythme aussi fluide qu'imperturbable. Il y a du silence. Une abnégation à la tâche qui pourrait s'apparenter à de l'austérité. L'ombre permanente du chef, trésor national vivant, qui s'efface, altruiste, derrière son rôle : transmettre.
Il y a aussi ce temps, si étiré qu'il autorise l'attente. C'est dans ces creux que Paul écrit, carnet en main. À la fois acteur et observateur. Observations du trajet d'un produit jusqu'à l'assiette. Témoignage au sein d'une brigade consacrée à l'art culinaire japonais, et logée au bout de la rue, dans un même dortoir. Des réflexions sur les braises d'une prise d'écriture à vif, pendant le service. Debout, parmi les vapeurs.
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