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En sept années fulgurantes, Vaslav Nijinski est devenu un mythe. Il est à la danse ce que Picasso est à la peinture : il a ouvert les portes de l'art contemporain, brisé les règles esthétiques dans un élan de génie créatif, et provoqué par cet acte délibéré un changement irréversible.
Dominique Osuch revient sur la vie de ce danseur étoile et chorégraphe russe d'origine polonaise, « proto punk » qui dans les années 1910 a attiré les personnalités artistiques les plus en vue, inspiré jusqu'à Charlie Chaplin avant de sombrer dans la folie.
19 janvier 1919, Vaslav Nijinski se meurt. Ses souvenirs viennent le hanter... Il se souvient de son enfance, de son frère handicapé Stanislas, de son père danseur qui les a abandonnés tout petits, de sa mère danseuse qui a sacrifié son art pour élever ses trois enfants. Il se souvient de ses camarades à l'Académie de Danse Impériale... et des folles nuits de Saint-Pétersbourg, de ses amours tumultueuses avec le prince Lvov, avec Diaghilev. Il se souvient de la première tournée parisienne des Ballets russes, de L'Après-midi d'un faune, sa première composition chorégraphique, de ses rencontres avec Jean Cocteau, Marcel Proust et Auguste Rodin, tous trois amoureux à leur manière de sa grâce, de sa face d'ange, de son corps d'athlète. Il se souvient de son mariage en Argentine avec la hongroise Romola de Pulszky, de la répudiation de son mentor Diaghilev, de Till l'Espiègle, sa dernière composition pendant la « Grande Guerre », et de Charlie Chaplin venu l'applaudir à Los Angeles.
Il ne dansera plus jamais. Ce soir, Nijinski est entré en fusion avec Dieu, qui lui a brûlé les ailes.
Il y a des noms qui à eux-seuls symbolisent un art. Celui de Nijinski est indissociable de la danse, celle qu’il aura révolutionnée au début du 20e siècle, alors que parallèlement grondent les premiers signes de la Révolution russe.
Vaslav Nijinski est né d’origines polonaises en 1889 à Kiev, appartenant à l’époque à l’empire russe. Alors qu’il a cinq ans, la garçon fait une chute depuis une fenêtre située au troisième étage. Ses facultés et ses capacités sont en danger. Cependant, trois ans plus tard, il fait son entrée à l’école impériale de danse, Vaslav a onze ans. Malgré la sévérité de la formation, ses professeurs voient en lui un cadeau de dieu.
C’est en assistant à une performance de la grande Isadora Duncan, que le jeune danseur découvre une autre façon de danser, beaucoup moins académique. Devenu enfin soliste, Nijinski s’imagine danser des rôles féminins sur les pointes.
A partir de 1912, en tournée en Europe avec les ballets russes de Serge de Diaghilev, Vaslav décide de revoir et moderniser la façon de danser de la troupe. Le succès est au rendez-vous que ce soit à Monte-Carlo ou Paris.
Si Nijinski a modernisé son art, c’est en raison de sa façon de danser et d’effectuer ses sauts, mais également en raison des tenues qu’il va porter. Cette période riche artistiquement le fera côtoyer d’autres artistes tels que Rodin, Proust, Cocteau, Sarah Bernhardt, mais surtout Igor Stravinsky, l’auteur des trois ballets : L'Oiseau de feu, Petrouchka et Le Sacre du printemps.
La carrière de Nijinski fut relativement courte, celui-ci souffrant de problèmes d’hallucinations. Sa schizophrénie étant incurable, il sera interné.
Avec Nijinski l’ange brûlé, Dominique Osuch remet en lumière un des danseurs qui aura révolutionné le 6e art. Fait de nombreux retours en arrière, cet album est extrêmement beau visuellement. Les nombreuses scènes de danse sont véritablement aériennes et permettent de bien visualiser le travail de cet artiste hors pair.
Une très belle lecture à découvrir sans plus tarder.
Découverte que cette biographie de Nijinski, artiste singulier, et de l'univers de la danse (et de la musique) au début du XX ème siècle (et de la pesanteur de la première guerre mondiale), de la légèreté des corps dansants, des amours et passions compliquées.
Nijinski aura marqué l'histoire de la danse et la folie n'a cessé de peser (au travers de son frère dans sa jeunesse, et en lui même à la fin de sa vie).
Dominique Osuch parvient à nous emporter et garder notre intérêt dans cette histoire marquante et conséquente (262 pages quand même dont une bio en fin d'ouvrage).
La qualité graphique est aussi au rendez vous donnant une cohérence et une densité à l'ouvrage (un petit bémol sur les références manuscrites qui sont parfois un peu difficiles à déchiffrer ... comme souvent les écritures manuscrites !).
De la rencontre entre Nijinski et Chaplin, ce dernier dira sur le premier : "J'ai vu un esprit sensible, faire ses premiers pas dans un monde de brutalité et en proie à la guerre, vers un autre monde issu de ses propres rêves" (p 197). ... N'est ce pas cela le propre des grands artistes, nous (r)élever vers d'autres mondes ...?
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