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Recru de souffrance physique et désespéré par la marche du siècle, Henry de Montherlant, le 21 septembre 1972, se tirait une balle dans la bouche après avoir absorbé - précaution supplémentaire - une ampoule de cyanure. Libre de toute éternité, le stoïcien romain venait de choisir la "sortie raisonnable". Le courage et la dignité de cette fin - qui n'allait pas sans similitude avec le "seppuku" du Japonais Mishima - furent unanimement salués.
Pourtant, l'oeuvre immense de l'écrivain allait connaître une désaffection grandissante. Moins le purgatoire inévitable qui suit la disparition d'un géant des lettres que la défiance de nouveaux publics plus portés à la suspicion qu'à admettre les libertés et l'authenticité d'une vie.
Il est vrai que Montherlant, de son vivant, ne se priva guère de cultiver l'équivoque et la provocation. Rappelons-nous ces formules frappées comme des médailles : "Je vous reproche de ne pas respirer à la hauteur où je respire", dit le vieux roi Ferrante à son fils, dans La Reine morte. Formules peu solubles, on en conviendra, dans le cocktail de compassionnel et de pensée unique qui caractérise notre époque.
Au point de faire oublier - syncrétisme et alternance - chez ce pessimiste altier, son "extase de la vie", sa proximité si délicate des humbles, sa solidarité maintes fois exprimée avec les peuples humiliés. Le visionnaire du Treizième César était-il coupable d'avoir annoncé la venue de temps infâmes et l'ère du Veau d'Or ?
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