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Après American Prophet, Moi contre les Etats-Unis d'Amérique est sans doute le livre où Paul Beatty pousse le plus loin la féroce ironie qui caractérise ses romans : pour servir ce qu'il croit être le bien de sa propre communauté, un afro-américain va aller jusqu'à rétablir l'esclavage et la ségrégation à l'échelle d'un quartier, s'engageant dans une forme d'expérience extrême et paradoxale qui lui vaudra d'être trainé devant la Cour suprême. Un sommet d'humour grinçant.
Il s’appelle Moi de son nom de famille, mais tout le monde le surnomme Bonbon. Afro-améraicain, il est né et a grandit à Dickens, un quartier de Los Angeles qui aujourd’hui n’a plus d’existence juridique. C’est un quartier agraire aux portes de la mégalopole et Bonbon est agriculteur. Elevé seul par son père, un sociologue obsédé par la question raciale, Bonbon, orphelin après une bavure policière, produit les meilleurs fruits du comté. Pourquoi Bonbon se retrouve il à Washington, traduit en justice devant la Cour Suprême ? Tout simplement parce qu’obsédé par l’idée de faire renaitre administrativement Dickens et influencé par un vieil ami sénile, Bonbon a recréer la discrimination raciale et l’esclavage ! Je suis un peu partagée par le roman de Paul Beatty. D’un côté, il est très subversif, d’une densité incroyable, avec des vrais morceaux de bravoure et d’humour (noir) dedans. Mais d’un autre côté, il est assez difficile à lire, il faut vraiment s’accrocher. Les digressions sont innombrables, les références géographies, historiques, sociologiques, sont très nombreuses et ne nous sont pas forcément familières, à nous européens. Du coup, on passe beaucoup de temps à compulser les notes en fin de roman pour toutes les appréhender, ce qui rend la lecture encore plus complexe. Et puis, il faut bien le dire, nous n’avons pas vis-à-vis de la question raciale la même histoire ni la même sensibilité que les américains du nord, alors l’histoire de ce jeune noir qui recrée la ségrégation et obtient des résultats en terme de réussite scolaire, d’abord dans les transports publics puis dans les établissements scolaires (au point de rejouer Little Rock mais à l’envers), nous parait plus proche de la science fiction que de la sature sociale. Elle a en plus un petit gout de mauvais gout qui reste en bouche. La question raciale, qui semble obséder toute la population États-Unienne, nous est, malgré tout ce qu’on peut en dire, un peu étrange pour ne pas dire étrangère. Mais la lecture de « Moi contre les Etats-Unis d’Amérique » est éclairante de ce point de vue, et on a l’impression après avoir refermé le livre qu’on comprendra mieux la société américaine dans ce qu’elle a de plus surréaliste parfois, du procès OJ Simpson à Black Life Matter. Ceci étant dit, on ne sort pas du livre convaincu que l’expérience de Dickens est une solution à la question raciale, pas d’ambigüité la dessus et heureusement. Le roman de Paul Beatty est juste un pamphlet qui ose aller au bout de l’exercice, histoire d’offrir une sorte de miroir déformant à la société américaine dans son ensemble. Ce n’est pas davantage, mais c’est déjà beaucoup.
C’est là un roman un peu délirant avec un rythme très soutenu. C’est dynamique voir sportif il faut s’accrocher mais ça vaut le coup. Si le rythme m’a un peu fait peur avec le prologue, il s’est adouci dès la première partie tout en gardant son humour noir bien placé. Et la, ça a été un régal. Tout d’abord avec la description de la relation de Paul Beatty avec son père, chercheur en sciences sociales qui effectue sur lui des tests dès ses sept mois. Ce qui aboutit à des situations hilarantes grâce, à la description de scènes loufoques mais aussi un peu atroce de la part d’un père.
Après la mort de son père, Paul continue à exploiter leur ferme et se retrouve, malgré lui, maître de Hominy nonagénaire ratatiné qui lui demande de le fouetter et dont la principale activité est de le regarder travailler. Il poursuit également l’oeuvre de son père puisqu’il se lance lui-même dans une expérimentation. Il veut faire renaître son quartier rayé de la carte, Dickens, où la criminalité défie toute concurrence, en y instaurant la ségrégation et l’esclavage. Il reprend les contours du quartier, créait des panneaux. Malgré la satire et le rythme effréné du narrateur on sent l’injustice et la colère qui accompagne toute sa volonté dans cette quête.
Paul Beatty a la chance de voir son affaire traité par la cour suprême des Etats Unis. C’est lui contre les Etats Unis d’Amérique pour esclavage et ségrégation.
Un livre loufoque, plein d’humour qui donne la pêche pour la rentrée.
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