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Si Matière noire est une histoire, alors c'est celle d'Ouri et de son enquête sur la mort de Dorit, sa grande soeur adorée, dont ses parents, séparés depuis, lui ont caché le suicide, un an auparavant, sous prétexte qu'il était lui-même à l'hôpital, en attente d'une greffe d'un rein...
Mais plus encore qu'une histoire, Matière noire est un petit miracle d'apesanteur : car ce qui règne sur ce roman au sujet objectivement si sombre, c'est la lumière qui irradie des personnages comme de la phrase de Dror Burstein et l'inattendue drôlerie que distille l'auteur à travers sa description d'une famille en lutte contre les lois de la gravité.
L'humour est porté par Ouri, narrateur indirect, mais aussi par les parents, pourtant saisis dans leur confusion et leur douleur, leur impuissance et leurs contradictions, dont le traitement provoque pourtant comme des appels d'air sous la plume de Burstein qui transforme ce qui aurait pu n'être qu'un beau récit de deuil en marelle métaphysique.
D'une facture très simple, le livre tourne autour de quelques dates étalées sur un an, autour du suicide de Dorit. Ces quelques dates tournent elles-mêmes comme des papillons nocturnes autour d'une flamme éphémère, la soeur fantasque, habitée dès son plus jeune âge par la poésie, profondément sujette à la mélancolie, en quête d'une impossible justesse - folle dirait-on avec une facilité langagière à laquelle l'auteur se refuse.
Dror Burstein procède comme on tente de reconstituer le puzzle de la mémoire. Les souvenirs semblent n'obéir à aucun ordre ni règle, ils surgissent et envahissent le présent, tapissent le chagrin. Ils viennent incarner l'autre, remplir les béances banales de toute relation humaine, tenter de reconstituer la réalité d'un être proche qu'on a cru connaître pour l'avoir aimé sans condition.
Ouri se souvient par exemple d'un jour-pivot où sa soeur l'enlève de l'école et l'emmène bivouaquer sur les bords du lac de Tibériade une nuit d'éclipse où ils croisent Armstrong, l'astronaute, l'homme qui a marché sur la lune. Il leur raconte ce moment où il a vu la Terre de là-haut et comment depuis cet instant-là, il lui est impossible de vivre ici-bas. Armstrong est une des facettes de Dorit, de ces êtres qu'on appelle "lunaires" ou space dans l'argot d'aujourd'hui - "astronaute" en argot hébraïque.
Il y a de la sagesse et de la délicatesse dans le geste de Dror Burstein, un sens aigu du contraste, une pratique virtuose de l'équilibre - et une vraie grâce dans son roman qui interroge une société où la poésie, la différence, l'écart, n'ont pas de place sinon dans les livres. Matière noire est une ode à ces êtres à part qui choisissent de s'en aller.
Jérusalem, 4 février 2011. Il aura fallu un an au narrateur pour trouver le courage de se rendre chez son père pour tenter de comprendre ce qui a poussé sa sœur aînée à mettre fin à ses jours, et ses parents à lui cacher ce suicide.
Il faudra les 200 pages du livre pour obtenir une explication (et encore, je ne suis pas certaine d’avoir compris). Dans l’intervalle, on est immergé dans le passé de la famille, mais celui-ci n’éclaire pas grand-chose, mis à part la personnalité fantasque, fragile, dépressive de la sœur.
Pour le reste, tant l’écriture que les personnages sont flous, froids, fuyants, et excellent dans l’évitement, le flux de conscience, le coq-à-l’âne.
La quatrième de couverture parle de « drôlerie inattendue et salvatrice », de « l’intimité qui unit un frère et une soeur », d’un roman « pétri d’une grâce légère et prégnante ». Je n’ai rien ressenti de tout cela. Ce roman, qui ne suscite aucune empathie envers ses personnages, m’a laissée à distance.
Trouvé dans une boîte à livres, ce bouquin y retournera bien vite.
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